[Interview] Voyou @Trans musicales de Rennes

Compositeur, multi-intrumentiste, chanteur, ex-membre des groupes Pégase, Elephanz et Rhum for Pauline, Voyou – de son vrai nom Thibaud Vanhooland – nous délecte depuis maintenant plus d’un an d’une pop fougueuse bercée de poésie. Un artiste touche-à-tout à la présence exaltante, qui n’a pas mis beaucoup de temps à taper dans l’œil de l’écurie de la pop française par excellence, Entreprise.

Quelques heures avant son concert à la scénographie millimétrée aux Trans musicales de Rennes, nous avons eu la chance de poser quelques questions et de tirer le portrait du plus aimable de tous les voyous.

 

Kiblind : Salut Thibaud ! Peux-tu nous dire en premier lieu ce qui t’as poussé à te nommer « voyou » ? 

Voyou : D’abord, bravo, tu l’as dit du premier coup ! Maintenant, j’ai changé, mais avant, quand c’était encore « Voyov », j’avais plutôt des questions du genre : « pourquoi tu t’appelles Voyvoy ou Vovoy, Voyof ? »… C’est d’ailleurs pour ça que j’ai décidé de revenir à une orthographe plus simple. Mais sinon, honnêtement, j’ai pas vraiment d’explication. On m’a posé la question au moins 25 fois hier et je me suis dit : « mais à quel moment j’ai décidé de m’appeler comme ça? ». En fait, c’était sur un post que j’avais fait dans un groupe Facebook de copains, j’avais écrit une connerie et il y a le patron du label FVTVR qui était mon label avec certains de mes groupes et qui s’appelle Quentin Gauvin, qui m’a dit : « toi, t’es vraiment qu’un petit voyou. » Et je me suis dit que c’était quand même assez cool comme mot. J’aime bien ce que ça raconte et du coup, à ce moment là, je me suis dit que si un jour j’avais un projet, je l’appellerai « Voyou ».

Kiblind : Donc tout découle d’une petite punchline en fait…

Voyou : Exactement ! Et vous êtes les premiers à qui je dis ça. Vous avez l’exclu de l’origine du nom quoi !

Kiblind : On est trop flattés. On aimerait d’ailleurs aussi bien savoir ce qui t’as poussé à te lancer dans une carrière solo après avoir passé 9 ans à jouer dans des groupes ? 

Voyou : Simplement, je me sentais enfin prêt à le faire. J’ai composé pendant des années même quand j’étais en tournée avec des autres groupes. J’ai beaucoup regardé comment eux se débrouillaient avec le fait d’être sur le devant de la scène, de faire tout ce qu’ils faisaient, les interviews, la pression des festivals etc. Et à force de les regarder faire, à un moment donné, je me suis dit : « c’est bon, je suis prêt, je pense que j’ai des morceaux qui sont assez intéressants pour ne pas avoir honte de les présenter aux gens et du coup, je me suis lancé à ce moment là ».

Kiblind : Depuis le début, tu as donc toujours composé seul à côté de tes projets de groupes. 

Voyou : Oui, mais jamais en me disant : « ah, ce morceau là, il faut que je le garde pour en faire quelque chose. » En fait, j’ai la chance d’avoir eu un ordi avec des logiciels de MAO dessus depuis que j’ai 12 ans et du coup, depuis ce moment là, je compose de la musique tout seul dans ma chambre.

Kiblind : Mais comment à 12 ans, on sait même ce que c’est que la MAO ? 

Voyou : Eh ben, en fait, je le savais parce que mon père avait des logiciels de MAO et il m’a montré quand il a eu son premier ordi comment ça marchait pour les moments où il savait pas quoi faire de moi. C’était trop bien, j’étais à son bureau tu vois, grosse pression quoi. J’avais son clavier, son ordinateur, il me disait : « bon, tu fais comme ça. Maintenant, je te laisse une demi-heure et tu me montres ».

 

 

Kiblind : C’était tes devoirs en fait. 

Voyou : J’ai pas du tout vécu ça comme des devoirs en tout cas. Mais tu vois, à l’époque, c’était vraiment rudimentaire et un peu compliqué aussi. Du coup, quand j’ai eu 12 ans, lui s’est racheté un autre ordi, et il m’a filé son vieil ordinateur avec tous les logiciels. Ensuite, au fil du temps, à chaque fois qu’il s’achetait un ordinateur un peu mieux, j’avais le droit de récupérer l’ancien. Et j’ai du en faire 3, 4 comme ça jusqu’au moment où je me suis dit que j’allais voler de mes propres ailes et que j’allais acheter mon propre ordinateur. Et là, c’était l’indépendance !

Kiblind : Concernant tes textes maintenant, quels sont les thèmes sur lesquels tu aimes écrire ? 

Voyou : Il y a plein de choses qui m’inspirent, je m’inspire vachement de décors dans lesquels j’ai pu aller ou des décors que je fantasme. Je m’inspire beaucoup aussi de conversations que j’ai avec des amis, de gens que je rencontre comme ça. Je parle beaucoup d’ennui, d’amitié, de voyages, de fuite. De tout ce qu’on est poussé à faire par les choses qui ne nous conviennent pas dans la vie et qui nous apportent des choses super.

Kiblind : Tu reviens souvent au thème de l’enfance aussi. En tout cas, celui du passage de l’enfance à l’âge adulte. 

Voyou : Ouais, carrément. Je parle en fait du rapport entre ce que tu es enfant, ce que tu vis et à quel point ça façonne l’adulte que tu vas devenir. Ce rapport là est très important pour moi, ça me fascine vraiment le fait de se dire qu’à une période donnée de ta vie, beaucoup de choses vont façonner ce que tu vas être plus tard.

Kiblind : Comme le fait d’avoir des logiciels de MAO au collège en fait. Dans le titre « Le Naufragé » qui figurera sur ton premier EP, tu compares l’univers des marins à celui des musiciens en tournée. Que signifie exactement ce texte ? 

Voyou : Ca ne parle pas vraiment de moi en fait. C’est pas une histoire que j’ai vécu. Je ne suis pas tombée fou amoureux d’une fille en tournée. Mais par contre, je me suis posée la question vraiment beaucoup de fois, de me demander si jamais demain à Strasbourg, je tombe amoureux d’une fille après un concert, que j’ai un coup de foudre, ce que je ferais. Je ne vais pas rester à Strasbourg, je vais devoir repartir sur la route. Et en fait, je trouvais que l’univers des marins était beau pour raconter ce truc là. Et ça ressemble vraiment à la vie de tournée ; t’es jamais chez toi, t’es tout le temps avec plein de gens autour de toi, quand t’arrives dans un port, tu rencontres plein de personnes. T’arrives dans des endroits que tu as jamais vraiment le temps de bien voir… Du coup, dans ce morceau, j’ai vraiment imaginé une histoire où pour la première fois, les mecs se retrouvent bloqués là et ils ont la possibilité de voir un peu plus de l’endroit dans lequel ils ont échoué et de vivre des choses avant de devoir repartir le cœur et l’âme en peine.

Kiblind : D’ailleurs, est-ce que tu as plutôt l’idée des textes avant de composer ou inversement ? 

Voyou : J’écris d’abord la musique et beaucoup les textures, les arrangements, les mélodies, le chant. Une fois que c’est fait, j’écoute le morceau beaucoup beaucoup beaucoup et je laisse le morceau me souffler le décor qu’il y a autour. « Le Naufragé » par exemple, ça m’a pris énormément de temps. J’avais ma mélodie de chant et j’avais toute l’instru mais ça m’a pris vachement de temps avant que j’arrive à comprendre là où j’avais voulu en venir dans l’instrumentation et du coup, de savoir dans quel décor je voulais placer mon histoire. L’univers marin est venu ensuite, je sais pas vraiment comment. Ça vient assez naturellement en fait parce que je me laisse aussi influencer par ce que j’ai écris avant.

 

 

Kiblind :  J’ai cru comprendre que tu aimais aussi parfois aller chercher des sonorités directement dans la nature avec ton enregistreur… Comment se passe cette recherche ? 

Voyou : Quand je peux le faire, je le fais, oui. En fait, j’aime bien enregistrer des sons en me disant qu’ils vont pouvoir me servir plus tard soit pour créer de la texture, soit pour carrément fabriquer des sons de synthé. Après, je vais aussi beaucoup sur des vidéos Youtube où je vais aller récupérer un petit bout d’un truc qui m’a plu pour pouvoir en faire un son de synthé etc. Je veux vraiment des textures particulières pour que ça colle à ce que j’ai envie de raconter. Des fois, j’ai envie de placer ça dans des décors un peu plus orientaux ou asiatiques par exemple. Ca dépend des morceaux. Jaime bien l’idée d’essayer d’utiliser juste la texture sonore pour faire un peu plus voyager.

Kiblind :  Sur scène, tu as décidé d’être seul et de gérer toi même tous tes instruments (basse, trompette, machines…). Penses-tu que ce format peut être amené à évoluer ? 

Voyou : C’est jamais un choix ferme et définitif. Là, par exemple, je suis parti sur autre chose pour les Trans musicales. J’ai utilisé des écrans, j’ai fait de l’animation, des dessins que j’ai animé, un peu de vidéo avec mon téléphone… Et après je suis parti en montage avec un ami à moi réalisateur qui s’appelle Romain, je le cite parce que je le cite jamais alors qu’on a bossé comme des acharnés tous les deux là dessus. Il m’a beaucoup aidé. Après, je ne ferme pas la porte au fait d’avoir des musiciens plus tard, je pense que ça correspondra à une période où j’aurai une musique qui sera probablement différente. Par rapport à la musique que je fais maintenant, j’ai envie de continuer tout seul. Mais petit à petit, je sais que j’aurai pas envie de faire tout le temps la même chose. Peut-être que sur un autre album ou un autre projet, je changerai. J’ai plein plein d’idées de comment j’aurai envie de présenter le live, rajouter d’autres instrus, ne pas faire forcément le combo classique « batterie, basse, guitare ». Utiliser des clips, des cors, des chœurs, des choses comme ça, peut-être d’autres instruments qui n’ont rien à voir aussi. Voilà, je voudrais me laisser un peu guider par ça.

Kiblind : Tu parles justement de dessin. On a vu que tu avais fait à quatre mains la très belle illustration du titre « Seul sur ton tandem » avec Cyril Pedrosa. Ça t’arrives souvent de dessiner ? 

Voyou : Je dessine beaucoup depuis que je suis tout petit et c’est quelque chose qui m’a beaucoup manqué dans le choix que j’ai fait de devenir musicien. Du coup, j’ai laissé de côté le dessin, alors que c’était une partie très importante de ma vie. Je peignais énormément et je dessinais vraiment beaucoup avant. Donc j’avais aussi envie d’utiliser ce projet pour pouvoir faire ça, pour pouvoir me remettre à dessiner quand j’en avais besoin. C’est pour ça que j’ai fait des dessins que j’ai animé pour le live. Et la pochette donc, je l’ai faite avec Cyril Pedrosa qui est un bon ami à moi.

Kiblind : Il t’avait déjà aidé pour le clip du titre « On s’emmène avec toi », non ? 

Voyou : Oui il a bossé sur un de mes clips. Mais en fait, j’avais bossé avec lui déjà sur la pochette de la première version du EP qui est sortie en janvier 2017 je crois. C’est une personne que j’aime profondément et qui a une douceur incroyable dans son dessin et dans ce qu’il raconte. Je ne sais pas si tu connais ses bouquins mais c’est vraiment super beau ce qu’il fait. Il a une vraie poésie et en fait, il raconte un peu la même chose que moi je trouve. J’ai trouvé ça assez évident de bosser avec lui et quand je lui ai dis que j’aimerais qu’il fasse une pochette pour moi, il m’a dit : « mais attends mec, on l’a fait tous les deux ensemble, on va la dessiner à quatre mains ». Pour la première pochette, il était parti d’un dessin que j’avais fait. Et là, pour la deuxième, je suis allé à Arles chez lui et on s’est calés deux jours entiers où on a fait que dessiner plein de trucs. La pochette, c’est un mélange de trucs qu’il a dessiné et que moi j’ai dessiné, de couleurs qu’il est allé chercher, d’autres couleurs que je suis allé chercher. Quand je suis rentré à Nantes, on s’échangeait plein de trucs ; les couleurs, le montage, on inversait les images etc. Et du coup, on est arrivés sur cette pochette que tu as peut-être vu.

Kiblind : Oui, on l’a vraiment tous beaucoup aimé d’ailleurs. Tu peux nous dire quelques mots sur le travail de Cyril Pedrosa ?

Voyou : Avec plaisir. C’est l’occasion de faire parler de lui. En fait, c’est un dessinateur de BD. Il est vraiment arrivé au stade de ponte de la BD française notamment avec une BD qu’il a fait qui s’appelle « Portugal » et qui est absolument magique. Depuis, il a aussi fait « Les Equinoxes » qui est sublime, « Les Trois Ombres » aussi. Enfin, regardez son travail, achetez un bouquin de lui ! C’est trop beau.

Kiblind : Pour en revenir à Voyou, tu as été signé sur le label Entreprise il y a peu. Comment as-tu été approché par eux ?

Voyou : En fait, quand j’ai fait mon premier live, avec mon manager, on s’est dit qu’on allait essayer de trouver un maximum de partenaires. Donc j’ai eu un tourneur très vite et après est venue la question du label. On a rencontré beaucoup de gens. Entreprise, ils sont venus un peu sur le tard et j’attendais avec impatience qu’ils écoutent le projet parce que j’avais vraiment envie d’aller chez eux. Mais ils ont un peu trainé avant de venir me voir en concert, avant de s’intéresser au projet. Je crois qu’en fait, ils ne l’ont pas eu directement. Et moi je commençais déjà à rencontrer d’autres personnes mais j’espérais secrètement qu’ils découvrent le projet et qu’ils veuillent me rencontrer. Et ce qui est cool, c’est qu’à partir du jour où ils l’ont effectivement découvert, il y a le premier boss Michel qui est venu à un concert et deux jours après, quand je rejouais, l’autre boss est venu me voir. Le lendemain, ils m’ont dit : « on a envie de te signer, on te fait une proposition de contrat direct ».

Kiblind : Finalement, c’est le label que tu voulais qui te signe le premier !

Voyou : Oui, c’est même les premiers à m’avoir fait une proposition de contrat. J’étais tellement heureux. J’écoute beaucoup de musique de labels français. J’écoute pas des milliards de choses mais eux, depuis que le label existe, j’achète leurs disques. Donc, d’être chez eux, c’était un peu une évidence pour moi. Et puis, j’adore leur manière de bosser, leur manière de respecter les artistes avec lesquels ils bossent aussi. Dons je suis ravi. C’est tout nouveau, c’est une aventure qui commence mais j’ai beaucoup d’espoir dans notre relation de travail.

Kiblind : Tu dis avoir un faible pour les groupes du catalogue d’Entreprise, quels sont les autres groupes que tu écoutes en ce moment ?

Voyou : Le truc, c’est que là, je viens de déménager. J’ai une grosse collection de vinyles avec que des disques qui me tiennent vraiment à cœur mais que j’avais pas pu utiliser depuis un petit moment parce que j’étais parti au Canada. Je les avaient laissé à des amis, et là, j’ai pu récupérer ma platine, mon ampli, mes enceintes et ma collection de disques dans mon nouvel appartement. Du coup, en ce moment, dès que je suis chez moi, je réécoute tous les disques. Il y a même des disques que j’avais acheté et que je n’avais pas encore eu l’occasion d’écouter. En ce moment par exemple, j’écoute beaucoup « Microcastle » de Deerhunter qui est un de mes albums favoris de pop indé. Je réécoute tous mes disques de rap, de Jaylib, de Madvillain, de jazz aussi.

Kiblind : Tu n’écoutes donc vraiment pas que de la pop.

Voyou : Non, au contraire, j’écoute vraiment des styles différents. Par exemple, je peux te dire les disques que j’ai pu reponcer ces derniers temps : il y a celui de Solange que j’avais acheté mais que je n’avais pas pu écouté, le Deerhunter, « Sanza Tristesse » de Francis Bebey qui est magnifique, le disque à colorier d’Albert Marcoeur, c’est un truc des années 70 hyper chelou français que j’adore. C’est très très bizarre mais j’aime trop ça. Il y a l’album de Mount Kimbie aussi. En fait j’ai envie d’en dire plein. J’ai aussi écouté beaucoup de garage. J’aime beaucoup le label Born Bad, leur compiles rock psyché des années 70, les compiles Wizz de sons psyché complètement chelou. Magnetix, Frustration… c’est aussi des groupes que je suis beaucoup allé voir en concert.

 

 

Kiblind : Pour conclure, peux-tu nous dire quelques mots sur ton premier EP « On s’emmène avec toi » ?

Voyou : Alors, il sort le 26 janvier sur le label Entreprise et je suis allé le mixer avec un gars qui s’appelle Julien Delfo à Paris dans son studio. Du coup, j’ai refait le mixage des trois morceaux que j’avais déjà sorti et j’ai rajouté deux nouveaux morceaux dont un qui vient de sortir « Seul sur ton Tandem » et un autre qui s’appelle « La Légende Urbaine » !

 

Voyou dessiné en live lors de notre passage aux Trans Musicales

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