Óscar Raña nous a fait tourner la tête en même temps que le coeur lorsqu’il a réalisé la sublime couverture de notre numéro « Vertige ». On a posé quelques questions à ce prestidigitateur espagnol.
Est-ce lié à son environnement quotidien ? Est-ce dû aux paysages de rochers abrupts qui surplombent la côte galicienne ? À sa proximité avec Cynthia Alfonso, talentueuse camarade déjà croisée dans Kiblind « Mystique », avec qui il échange chaque matin au soleil ascendant au sein de Rapapawn, leur studio d’animation ? Le constat est là, le verdict limpide, Óscar Raña nous file un sacré vertige. Du genre de celui qui vous colle le cerveau à la paroi pour ne jamais le lâcher. De celui qui vous prend par le bas-ventre pour mieux vous retourner. Son travail à l’intuition, son mélange de techniques digitales et analogiques, ses combinaisons géométriques aux détails subtilement figuratifs, sa gamme de couleurs aussi restreinte qu’efficace, ses trames riso magnifiquement animées, tout converge vers la même direction… Là-haut, tout là-haut, vers les sommets.
Comment t’est venue l’envie de travailler autour des questions de perspectives et des formes géométriques ?
C’est quelque chose qui est apparu assez progressivement et moi (minimal, hard edge, neo geo, etc.), mais je ne peux pas en involontairement. Peut-être est-ce dû à l’influence que la peinture abstraite de la seconde moitié du XX siècle a exercée sur moi (minimal, hard edge, neo geo, etc.), mais je ne peux pas en être sûr… C’est drôle, car j’ai toujours détesté le dessin technique et je suis vraiment nul dans ce domaine.
Tu travailles avec une gamme de couleurs assez restreinte et remarquable.
J’ai toujours aimé travailler avec ce type de palette car elle permet d’obtenir des effets visuels intéressants et attrayants. J’avoue que le RVB numérique est pour moi un grand espace d’exploration chromatique.
Est-ce lié à l’utilisation récurrente de la risographie ?
La vivacité et l’impact des couleurs de la risographie sont fous. J’aime beaucoup travailler la couleur avant l’impression et créer les mélanges de toutes pièces sur le support numérique. Ça génère des approximations à partir des Pantone et du profil choisi.
Peux-tu nous dire quelques mots sur ta formation ?
J’ai fait une licence en beaux-arts à l’université de Vigo, puis un master en animation et livres illustrés au même endroit. J’ai terminé en 2016, si je me souviens bien.
Tu travailles beaucoup en binôme avec Cynthia Alfonso. Comment trouvez-vous l’équilibre entre vos travaux personnels et ceux que vous réalisez en duo ?
Nous partageons le même studio et nous avons une communication directe en permanence. Il s’agit de s’organiser et de combiner les différents travaux sans en prendre trop : nous devons parfois refuser des commandes pour nous concentrer sur ce qui nous motive le plus, que ce soit des projets persos ou souvent en duo.
Avec Rapapawn, votre plateforme de projets animés par exemple ?
C’est vrai que Rapapawn est, entre autres, l’occasion d’expérimenter ensemble le graphisme et l’animation, également sur des projets de commande. Ça crée une dynamique de travail agréable et ça vient rythmer notre routine personnelle.
Quelle est la place de l’improvisation dans ta façon de travailler ?
L’improvisation et l’intuition sont devenues des éléments centraux de ma méthodologie de travail au fil du temps. Cynthia et moi-même, nous donnons souvent la priorité aux possibilités offertes par le hasard et l’accident. Parfois, il s’agit simplement d’une dose d’impro dans un projet bien ficelé ou alors, souvent, l’improvisation constitue la base de l’œuvre elle-même.
Ajoutes-tu une petite dose de figuratif aussi parfois ?
Il m’arrive de travailler avec des personnages et des éléments de narration, mais j’aime les diluer dans l’abstraction et ne pas les présenter de manière évidente ou conventionnelle, afin qu’ils ne conditionnent pas trop le récit et le regard du lecteur. Laissez une libre interprétation dans l’image.
Un exemple d’une œuvre qui te donne le vertige ?
La dernière fois que j’ai ressenti quelque chose comme ça, c’était en voyant la fin d’Aftersun de Charlotte Wells.
Quels sont les projets qui t’ont marqué ?
Entre autres : « Sopapo« , une bande dessinée publiée chez Último Mono Ed. en 2021 et « UnhaLeira de Millo« , qui a fait l’objet d’une exposition à la galerie Svt (Vigo) l’année dernière ; deux projets coécrits avec Cynthia Alfonso.
Et sur quoi tu travailles actuellement ?
Sur une longue bande dessinée (interminable) et sur de nouveaux projets d’animation et d’autoédition, comme le collectif de bande dessinée « Fénomeno », avec lequel je vais faire une publication semestrielle avec plusieurs auteurs espagnols qui sont incroyables.
Quelques mots sur cette couverture et son animation?
L’idée de « vertige » m’a renvoyé directement à un dessin de Jack Kirby qui, pour une raison quelconque, est resté dans mon esprit (une couverture des 4 Fantastiques d’il y a mille ans), et c’est à partir de là que j’ai commencé à travailler sur cette horreur vertigineuse. C’est vrai que je travaille aussi beaucoup sur le principe de la citation et de l’appropriation des œuvres.