Cette année encore le Marché de l’illustration impertinente reprend ses quartiers au Hasard Ludique dans l’ancienne gare de la petite Ceinture parisienne afin de mettre un bon (et beau) coup de frais dans l’imaginaire commun de l’intime.
Un marché d’artistes sur la terrasse le long des anciennes voies ferrées, un cabaret sensuel, un quizz cul-ture interactif et un espace dédié aux tatouages et piercings seront présentés aux amateurs de dessins et autres curieux désireux de faire un pas de côté, en dehors des normes de genres et des complexes. À cette occasion, on a discuté avec Victoire Gazzola alias Gazzo Studio alias l’illustratrice de talent à qui l’on doit l’affiche de cette édition.
Salut Gazzo, cette année c’est toi qui a réalisé l’affiche de la sixième édition du Marché de l’illustration impertinente. Est-ce que tu peux nous parler un peu de cette réalisation ?
J’ai voulu que les éléments se répondent. L’idée étant de créer un lien entre le shibari et la fête ! On a donc une femme en forme de boucle d’oreille qui vient boire une giclée du cocktail, causée par la cerise lancée dans le cocktail. C’est une idée qui joue sur des codes, mais surtout au service d’idées graphiques.
Tu participes également au marché en tant qu’artiste invitée. Comment l’as-tu découvert ?
J’ai découvert ce marché il y a maintenant deux ou trois ans en tant que spectatrice. Il m’a permis de mettre un visage sur des illustratrices que je suivais déjà sur Instagram. Et d’en rencontrer de nouvelles.
Le but de l’événement est de “dépoussiérer l’imaginaire de l’intime”. Du côté de ton travail personnel, c’est un peu le même combat non ?
Je dirais que l’absurde est ma manière de faire valoir mes pensées, qui sont effectivement affiliées à des questions de société actuelles et engagées. Je ne réfléchis pas vraiment en termes de militantisme. Quand je dessine, je le fais de manière très spontanée sur des thématiques redondantes. Tout mon travail est imprégné de ces sujets.
Est-ce que tu vois une évolution, chez les artistes mais aussi chez le public, dans la façon dont on se représente les corps humains ?
Je remarque que dans mon travail j’ai toujours poussé les stéréotypes à fond. Alors de pouvoir s’identifier en tant que spectatrice ou consommatrice par le biais d’œuvres qui exploitent la diversité, ça fait un bien fou. Un jour, un mec m’appelle pour faire une collab. Il m’a vendu son projet comme étant féministe/lgbt queer/ petalover/ pour la diversité des corps/pour le mariage pour tous et le recyclage. C’est limite s’ il n’a pas ajouté la réforme des retraites. Je suis tellement heureuse de voir que les choses avancent, mais on n’échappera pas à ceux qui veulent en tirer profit, notamment dans la publicité.
Quelles-sont tes principales inspirations et influences concernant ton travail ?
Je me rappelle d’un premier déclic, vers mes huit ou neuf ans, j’étais souvent chez une copine. Un jour elle m’a mis une K7 de sa grande sœur gothique. C’était Elvira Mistress of the dark, je venais de découvrir ce qui allait m’animer jusqu’à aujourd’hui, les films de série B ! Une gothique ultra sexualisée, un caniche punk et des vannes qui tombent à plat. Comment l’objectification du corps de la femme est entrée dans mon inconscient en tant que petite fille à ce moment là et a eu un impact sur mon univers créatif d’aujourd’hui en replaçant la femme comme sujet et non comme objet, en caricaturant le point de vue patriarcal. Comme si mes dessins étaient le fruit de la nostalgie et de l’actu, sur son lit de pop culture suivit parfois d’une intoxication alimentaire (pour le mauvais goût).
Peux-tu nous expliquer rapidement ton cheminement de création, de ton idée première à la réalisation finale ?
Ça part toujours d’une observation de mon quotidien que je note sur mon iPhone, jusqu’à sa réalisation qui commence souvent tard dans mon lit, iPad sur les genoux. J’ai emménagé près de l’océan il y a 4 ans. Le quotidien ici c’est des plages régulièrement fermées, on a quasi tous des tâches blanches sur le corps dues à la pollution dans l’eau. Comme si on était spectateur de notre propre mutation à s’adapter au réchauffement climatique.
Alors quand j’en fait une illustration je la redirige vers un rendu automatiquement fun et coloré. Je tends à traiter les sujets anxiogènes et sérieux avec plus de légèreté et un style empreint des codes 70/80/90’s. C’est ma manière à moi de me ramener dans l’insouciance de l’enfance et de me rassurer.
Peux-tu nous parler de trois projets que tu as réalisés qui te tiennent particulièrement à cœur et nous expliquer pourquoi ?
De toute évidence l’affiche pour le marché de l’illustration impertinente bien sûr !
J’ai aussi réalisé mon rêve de CM2 : faire la marchande de mes dessins dans la cours de récré en créant, avec mes petites mains, des marques pages (packaging compris) qui sont partis comme des petits pains chez Ofr.
Enfin, la marque SKYN m’avait demandé de créer une dizaine d’illustrations sur les préliminaires pour leur notice. Justement là, j’avais adoré dessiner autant de diversités.
Durant le marché de l’illustration, une trentaine d’artistes seront de la partie. Tu as hâte d’en (re)découvrir certains ?
J’ai hâte de découvrir tout le monde ! J’ai aperçu tellement de styles différents, c’est intriguant ! Et certainement de m’offrir encore des illus de CEPE que j’adore.
Là-bas, tu seras plutôt team quizz cul-ture, cabaret sensuel ou partante pour un petit piercing souvenir ?
Je suis la plus corporate des touristes, il y a moyen que je sois sur les trois en même temps et j’ai bien hâte 🙂
Le Marché de l’illustration impertinente c’est le week-end 7 et 8 octobre au Hasard Ludique, à Paris.