Avec ses chimères hypnotisantes, l’illustratrice Lou Benesch nous fait dresser le poil à chaque fois. Tellement fascinés par son univers, nous l’avons invitée à participer à Kiblind Poils, et doublé gagnant : à réaliser une collection d’affiches riso chez nous. Ça valait bien un portfolio dédié et quelques questions.
Fascinantes et extraordinaires, les légendes marquent au fer rouge les esprits des enfants qui les reçoivent. Parmi ceux-ci, la petite Lou, les yeux écarquillés et l’imagination débordante, eu une révélation : elle voulait, elle aussi, créer ses légendes. À la force de son aquarelle, Lou Benesch construit un paysage peuplé de chimères et truffé de symboles.
Au gré de ses envies et de ses humeurs, elle imagine les créatures d’un mythe moderne, comme dans notre magazine Poils où triomphe une femme, protégée par une enveloppe charnelle de loup. Séduits par cette proposition hautement symbolique, nous avons proposé à l’illustratrice de fabriquer une collection entière d’images pour nous. Chanceux, nous sortons donc aujourd’hui une collection d’affiches riso signée Lou Benesch, témoin de la relation privilégiée entre l’humain et l’animal.
Il fallait bien qu’on sache où Lou allait puiser toutes ses inspirations, alors on lui a demandé.
Qu’est-ce que t’as évoqué le thème « Poils » du magazine ?
Le thème poil m’a tout de suite évoqué quelque chose de “protecteur”, entre l’armure et l’ornement. Avec ses poils, la créature est moins vulnérable, comme un grand bouclier pressé contre sa peau ou une robe qui scintille et aveugle les regards extérieurs…
Il semblerait que le loup soit un animal important pour toi. Peux-tu nous parler de cette figure en particulier ?
Dans mon imaginaire, le loup apparaît et disparaît à sa guise mais n’est jamais très loin. J’aime me dire qu’il rode dans les parages et ne vient que quand il veut vraiment être là; je suis surveillée et protégée par sa présence car il établit son territoire autour de moi. L’idée d’un animal capable de tant de solitude mais aussi de se fondre dans une meute avec amour me touche énormément et c’est cette dualité qui me fascine.
On retrouve beaucoup de symboles et de chimères dans tes illustrations. Qu’est-ce qui t’as inspiré cet univers mystique ?
Parfois un bec et des ailes ne suffisent pas, on aurait besoin d’y ajouter des crocs, des écailles, des sabots… les chimères permettent d’assembler les différents aspects du message que j’ai envie de faire passer, ou tout simplement mon humeur au moment ou je la compose. La mythologie m’a toujours passionnée et encore plus les histoires ou l’on rencontre des créatures hybrides parlantes, magiques, divines. dans mes dessins ces chimères rencontrent des objets, des paysages, des symboles pour composer mes propres légendes.
Peux-tu nous détailler ton processus créatif ?
Plus haut je parlais du loup qui va et vient, et c’est un peu ce qui se passe pour toutes les créatures : elles sont très souvent le point de départ de mes dessins. Je vais voir “apparaître” une de ces bêtes puis petit à petit je vais composer son univers autour d’elle. Aujourd’hui, je ne travaille qu’à l’aquarelle, c’est un medium qui me propose un grand éventail de couleurs, et de textures mais surtout qui se balade brillamment entre intensité et douceur. Parfois, j’y ajoute quelques touches d’encre ou de crayon pour accentuer quelques détails.
Arrives-tu toujours à imposer ton univers si particulier dans des projets de commande ?
Aujourd’hui j’ai la chance d’être principalement sollicitée pour cet univers particulier ; je n’ai pas encore reçu de message où l’on me demande de peindre un paysage urbain plein d’immeubles et de voitures, et heureusement car je ne saurais vraiment pas où commencer ! En revanche, on me demande souvent de donner à mes animaux/créatures un aspect plus “gentil”, calmer les regards hallucinés et le nombre de dents apparentes. Dans ces cas là, j’essaie malgré tout de trouver un autre moyen de conserver un peu d’étrangeté dans mon dessin ; par la palette de couleurs, en rajoutant des plis dans la peau, une fourrure un peu plus hirsute… De cette façon, même les créatures nées de commandes ont une place dans mon bestiaire personnel.
Horse Guardian The Shadow
Peux-tu nous parler de ta collection d’affiches riso pour Kiblind Atelier ?
Le point de départ de la collection à été l’illustration réalisée pour le numéro “Poils” de Kiblind : grâce à elle, j’ai pu composer une série de quatre dessins qui tournent autour de cette idée de l’individu protégé par son enveloppe extérieure. On peut aussi imaginer qu’à l’inverse, il s’agirait de ce qui se trouve sous l’enveloppe humaine du personnage, leur forme plus primitive, animale aurait pris le dessus… Bien que mes dessins aient souvent un aspect assez “figé” ou “statique”, j’aime me dire que leur signification, les histoires qui en émanent, peuvent être mouvantes et s’adapter à la personne qui les regarde. En nous dévoilant leurs parures colorées, ces cinq personnages nous invitent à inventer leur histoire.
Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été importants pour toi et nous dire pourquoi ?
Le premier projet auquel je pense est le “Month of Beasts”, que j’ai réalisé en mai 2020. Sur mon compte instagram, chaque jour pendant un mois, je postais une nouvelle créature tirée de légendes et mythes du monde entier, et racontais son histoire en quelques lignes. Durant ce mois j’ai découvert un nombre incalculable de bêtes et autres chimères fascinantes qui continuent d’inspirer mes propres créatures à ce jour et je pense recommencer l’experience dans le futur !
Les deux autres projets sont encore en cours… L’un d’eux est un jeu de tarot que je suis en train de réaliser en collaboration avec l’incroyable cartomancienne Laetitia Barbier. J’ai toujours voulu dessiner un tarot mais quelque chose en moi me disait que ce projet très ambitieux attendait la bonne personne pour voir le jour et j’ai trouvé en Laetitia l’alliée parfaite pour me plonger dans cet univers immense d’images et de symboles. Chaque carte que je peins est le fruit de longues discussions et recherches passionnantes. Nous essayons de faire naître une vision des archétypes à la fois très personnelle mais aussi infusée de l’histoire qu’ils renferment. Ce projet devrait voir le jour en 2023…
Le dernier projet a pris le nom de “Contes”, je l’ai parfois appelé “Visions”; il regroupe une série de tableaux qui sont les oeuvres les plus personnelles que je réalise. Je l’ai commencé il y a bientôt 4 ans, je ne sais pas trop quand est ce qu’il se terminera. Ces tableaux me viennent à la manière de visions et prennent racine dans mon histoire personnelle, mes rêves, mes craintes, mes souvenirs… Ce sont des peintures plus détaillées dont j’essaie souvent de déceler le message au moment où je les peins. J’aime particulièrement que ce projet n’ait pas de cadre temporel ou thématique, cette souplesse me permet d’y mettre beaucoup de moi.
