Festival : Sarcus 2020 – interview & playlist

Quand nous pourrions être tentés de penser que tout part à vau l’eau, le Sarcus Festival viendra nous prendre dans ses bras et nous dire que le monde d’après n’est pas si moche. Du 18 au 20 septembre et après une longue période d’abstinence festive forcée, il nous ouvrira les portes de son château en Touraine pour un week-end entier de concerts et performances pensé autour des notions de circuit-court et de déconnexion.

Alors que nous sortons tout juste la tête de l’eau d’une période bien intense et – il faut le dire – un peu pénible, certains types de besoins se font largement ressentir. Parmi eux, ceux de liberté, de reconnexion à la Nature et à l’humain notamment deviennent vitaux. Alors que l’on savoure gentiment ces anciens plaisirs et qu’on se rend compte de leur valeur, d’imaginer que l’on pourra revivre ces émotions dans le cadre d’un festival après l’été nous remplit le coeur de bonheur.

Mais bien plus qu’un festival qui viendra remplir les pages tristement vides des week-ends de notre agenda, le Sarcus amènera avec lui tout un tas d’autres promesses vivifiantes. Attaché depuis 2016 à un mode de fonctionnement engagé et écolo, le jeune festival est tellement bon élève qu’il pense circuit-court autant pour les repas proposés que pour les artistes programmés et déconnexion appliquée autant à la ville qu’aux téléphones. C’est au château-monastère de la Corroirie, pas très loin de Tours, que cette expérience tombant à point nommé se déroulera du 18 au 20 septembre. On a demandé à Noé, co-fondateur et programmateur du festival, de nous parler un peu plus de son fonctionnement utopique et de nous brancher sur 5 artistes programmés cette année.


Kiblind : Après une période de confinement où la connexion a été omniprésente, le Sarcus Festival remet le social et l’humain au centre de ses actions. Quelles sont les raisons qui vous ont amené à lancer un festival « sans portable » ?

Sarcus : Cette idée est arrivée naturellement lors de nos deux éditions 2016 et 2017 qui se déroulaient déjà dans des lieux atypiques en pleine nature et donc avec un réseau quasi inexistant (respectivement dans un manoir XIXe à Sarcus en Picardie et dans un Moulin du XVIIIe dans les Yvelines). Nous étions au début de notre vie d’organisateurs, et nous n’avions pas vraiment prévu de prises électriques pour les festivaliers, qui se sont donc retrouvés pour la plupart sans réseau, puis sans batterie…

On aurait pu penser que ça poserait problème, et en réalité pas du tout : ces deux premières éditions étaient magiques, et on s’est vite rendus compte que la déconnexion y était pour quelque chose : l’espace libéré par les écrans est énorme mentalement, socialement, corporellement, artistiquement, et cette liberté est un besoin pressant. Nous avons alors découvert l’entreprise Yondr, qui créé des pochettes magnétiques permettant d’organiser simplement des événements sans portables. Nous avons testé ce système pour la première fois en 2018 à l’Abbaye de la Clarté Dieu en Touraine, et ça change profondément l’expérience du festival, avec plus de rencontres, de lâcher-prise, d’ouverture artistique et de lien avec la nature. Nous ne sommes plus revenus en arrière.

Kiblind : La crise actuelle vous a t’elle poussé à devoir repenser le festival à certains niveaux ?

Sarcus : Cette crise est directement provoquée par notre rapport destructeur avec la nature, lié à une industrialisation et à des politiques publiques irresponsables privilégiant la création de richesses court-terme. Quand on étudie les phénomènes d’épidémie et de pandémie, on voit que les causes sont souvent liées à la déforestation ou à une exploitation barbare du monde animal. Sarcus est déjà tourné vers l’écologie, le circuit-court, les projets collaboratifs, le patrimoine, la déconnexion… cette crise nous pousse à être encore plus engagés sur ces valeurs et à trouver un nouvel équilibre économique car nous avons moins de revenus – la vingtaine d’événements off prévus jusque septembre étant tous reportés ou annulés.

À l’annonce du confinement, nous avons donc choisi de partir au Château-Monastère de la Corroirie où le Sarcus est désormais installé. Pendant deux mois nous avons vécu dans cette bâtisse construite au XIe siècle entourée de 100 hectares de nature, où nous avons repensé le festival au plus proche de sa réalité, en construisant nous même des structures d’accueil, en travaillant le paysagisme et la flore du site, en essayant de réhabiliter un circuit d’eau pérenne autour du château… on pense aussi à des projets de permaculture, d’upcycling et plus généralement de travail collaboratif afin de pouvoir atteindre les objectifs qu’on s’est fixés pour le Sarcus sans pour autant dépenser trop de ressources et aller dans le sens d’une croissance responsable.

Kiblind : Les lieux semblent également avoir été méticuleusement choisi, quelle était votre envie première ?

Sarcus : Nous avons envie de lieux qui ont du sens et une histoire à transmettre. Notre vision de la fête est indissociable de la nature, et d’un environnement inspirant et ressourçant. On s’intéresse aussi beaucoup au décalage et à la complémentarité entre notre vision d’une musique électronique et d’art numérique futuriste et alternative, et un lieu profondément ancré dans le temps et à l’énergie surprenante. On retrouve entièrement cette direction au Château-Monastère de la Corroirie où le Sarcus est désormais installé. Cette bâtisse classée monument historique a accueilli sur son domaine une vie monacale qui a duré près de 700 ans. Quand on s’y intéresse, au-delà de la religion, on voit que le mode de vie des moines est au final assez actuel dans leur respect de la nature, leur travail de méditation et leur vision collaborative du travail dans un lieu de vie ouvert.

Kiblind : La dimension écologique est aussi très présente au festival Sarcus, pouvez-vous nous en dire plus sur les actions mises en place ?

Sarcus : La dimension écologique est fondamentale, découlant directement de l’importance accordée au patrimoine (architectural autant que naturel). Notre engagement à ce niveau fut progressif: étant itinérant jusqu’à l’an dernier, il était difficile d’aboutir à des protocoles très engagés. Depuis que nous sommes sédentaires, nous avons pu développer un réseau qui nous permet de fonctionner en circuit court, avec des fournisseurs, prestataires dans un rayon de 100km… Cette idée de circuit court se retrouve à tous les niveaux: nous ne programmons que des artistes “locaux”, c’est à dire français ou vivant en France. De cette manière, nous n’avons booké que 8 billets d’avion l’an dernier sur la totalité de la programmation musique, spectacle vivant et arts numériques!

Nous oeuvrons à réduire notre impact écologique. Sur le festival, cela prend des formes bien connues maintenant; éco-cups, toilettes sèches, scénographies et décoration conçues en upcycling​… Pour venir, on favorise le co-voiturage, mais on aussi mis en place des navettes depuis la gare de Tours et des offres de co-trainage! Nous avons ainsi obtenu le label événement éco-responsable de Région Centre-Val de Loire, et nous travaillons cette année avec le REFEDD et Impact, afin d’obtenir le label Ecofest qui permet vraiment d’ausculter le caractère durable d’un événement, avec un meilleur suivi du tri des déchets et un calcul de notre empreinte carbone. On cherche toujours des solutions de ce côté, mais à terme nous aimerions parvenir à nous alimenter uniquement à l’énergie verte !

Kiblind : Quel a été votre fil conducteur lors de la recherche des artistes programmés cette année, autant au niveau musical qu’artistique ?

Sarcus : En musique, spectacle vivant et art numérique nous fonctionnons selon le même principe de circuit-court en programmant des artistes qui ont un discours, une démarche personnelle et engagée qui apportent une certaine énergie et ouverture à leur scène.

RA+RE (Charlotte & Rohmi) est par exemple le premier label-collectif français 100% féminin – les Pilotwings ont au sein de leur label BFDM créé une esthétique sonore unique en France – Hicham est un digger particulièrement secret, qui a pourtant une patte unique influençant discrètement nombre d’autres DJs internationaux – Myako est une artiste à la pointe du son downtempo, expérimental et trance particulièrement surprenante dans ses selectas…

Le spectacle-vivant et l’art numérique dialoguent énormément avec la programmation musicale, d’une manière assez inattendue pour beaucoup de festivaliers. C’est intéressant de faire passer les gens d’un spectacle de danse à un live plus expérimental, du mapping à la poésie, ça donne de la liberté au festival et c’est notre objectif principal.


♦ ♦ Focus sur 5 artistes du festival par Noé, co-fondateur et programmateur ♦ ♦

THE PILOTWINGS

« Leur live en duo m’avait vraiment bluffé par sa richesse, son équilibre subtile entre trance, balearic et percussions – j’ai hâte de voir ce que ça va donner à 3 musiciens en full live band ! »

HICHAM

« J’ai parlé d’Hicham plus haut, voici un de ses podcasts sorti par les Montréalais d’Outsiders il y a un an ; je vous laisse écouter, c’est un voyage. »

MAD REY

« On invite régulièrement les gars de D.Ko Records, mais Mad Rey n’était encore jamais venu jouer pour nous. Il a cette dimension House, mais aussi hip-hop, dub, Ghetto Music, beaucoup de projets et de labels différents (Red Lebanese…). C’est un artiste complet, avec une énorme énergie sur scène… Il clôturera la scène Argali le vendredi ! »

ELIOTT LITROWSKI

« Excellent DJ lui aussi – avec de nombreux sets restés dans les mémoires – il est aussi producteur affirmé signé sur Cracki, Fuego International ou Moustache Records, le label de David Vunk. »

MYAKO

« Ça fait un moment que je suis Myako, et je suis toujours impressionné par la diversité de ses productions et sélections : ici pour le très libre Positive Education. »

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