Devenu en quelques années une véritable institution lyonnaise, Evasion Festival est de retour pour sa sixième édition les 29 et 30 juin prochains. Pour la deuxième fois consécutive, le rendez-vous qui fait rimer écolo et électro se pare d’une affiche signée par l’illustratrice Marine Tartine. Pain bénit, on a pu discuter avec elle de sa réalisation et de son travail.
Avec ses 4 scènes, ses 53 artistes et ses 10 000 festivalier·es sur deux jours, on peut dire qu’il a bien grandi, cet Evasion festival. Il faut dire qu’il sait y faire : situé à quelques minutes de de Lyon, sur la plage de l’Atol du grand parc Miribel Jonage, c’est 120 mètres de plage de sable blanc, une eau turquoise, des pelouses verdoyantes sur un total de 3,5 hectares d’espaces entièrement privatisés.
C’est aussi un raz-de-marée d’activités sportives et ludiques : aquaparc, tyrolienne, beach-volley, mixologie, pétanque, food truck, des espaces détente et des bars thématiques. Mais aurait-on oublié de mentionner que le principal tsunami, c’est la programmation musicale ? Avec un line-up toujours plus électrisant – on pourra notamment compter sur Jennifer Cardini, Audrey Danza, Cera Khin, Jane Jiftz, Doruksen, Skatebard et de nombreux autres invité·es pour enflammer les dancefloor – le plus dur sera de savoir où donner de la tête.
Pour patienter encore un peu avant de plonger dans le lac dans l’ambiance, on s’est évidemment arrêté sur l’affiche qui convoque l’été, réalisée par Marine Tartine. Et on a bien fait car, à l’image du festival, en plus d’être belle, elle regorge de réflexion.
Hello Marine ! C’est la deuxième année consécutive que tu réalises l’affiche de Evasion Festival, comment s’est faite cette collaboration ?
Hello ! Un copain nous a mis en contact avec Tristan. Il se trouve que l’univers que voulait proposer le festival pour son retour collait assez bien avec l’ADN de mes illustrations. L’équipe m’a donc proposé de travailler ensemble sur l’identité visuelle du festival, et depuis, on fait équipe !
Quel est ton degré de liberté dans la création de ces visuels ?
Je suis assez libre, iels me font confiance, et j’ai la chance d’avoir pensé la DA en réfléchissant sur le long terme. Ça me permet d’évoluer dans un univers familier dont je fais évoluer les contours. Cette année par exemple, on a décidé de garder les mêmes couleurs mais de les faire évoluer en dégradés, ce qui offre beaucoup d’autres possibilités tout en restant fidèle à l’univers, qu’on veut garder reconnaissable. On fait évoluer certains éléments comme la police de caractère (La ravissante Gt Flexa de chez Grilli Type pour cette année).
La construction de l’affiche est, cette année encore, un assemblage de plusieurs illustrations. Peux-tu nous parler des différentes étapes de réflexion et de création pour arriver au résultat final ?
En effet, l’affiche d’Evasion est pensée comme un court-métrage où il se passe plusieurs scènes, en simultané. On l’a façonnée de cette manière afin qu’elle puisse s’adapter aux différents et nombreux formats (print et web). Comme des petites cases qui s’assemblent mais offrent toujours une pluralité d’interprétations ! On peut alors choisir soi-même là où l’on s’attarde.
Dans les représentations de l’univers du festival, j’essaye de trouver un équilibre entre le rêve et la réalité. C’est un peu ce que j’aime ressentir quand je danse devant un live ou un dj set qui me transporte : le temps n’existe plus vraiment, et des images surgissent. Dans le rêve d’Evasion, on retrouve la douceur d’un été, l’univers bienveillant de l’eau, qui est la thématique du festival, la générosité du végétal et des formes de vies qui y naissent, mais aussi celles de la musique : dansante, flottante, mouvante.
Sur Evasion, le lieu tient une importance particulière, dont le festival essaye de prendre soin le plus possible. Je fais attention d’intégrer des espèces présentes dans le milieu du festival, comme un petit rappel que nous sommes des visiteurs qui doivent prendre soin d’un espace : ce sont donc les animaux les stars de l’affiche.
Je me suis faite aider d’un ami ornithologue (Hugo Meunier) pour m’aider à sélectionner les espèces à représenter. L’année dernière, j’avais intégré une aigrette garzette au design, car on les retrouve un peu partout dans la zone. Cette année, j’ai voulu rendre hommage à la bergeronnette des ruisseaux, mascotte des cours d’eau et reconnaissable par un balancement très mignon qui lui vaut le surnom de hochequeue. Il y a aussi deux grèbes huppés, présents toute l’année, et qui sont notamment connus pour leurs impressionnantes parades nuptiales : des danses symétriques où ils chantent et se meuvent de manière synchronisée, comme une danse.
L’année dernière, j’avais aussi intégré un papillon présent sur le site, cette année, une grenouille verte (mais pas très réaliste, j’espère que les grenouilles me pardonneront).
Quels sont les trois projets passés qui représentent le mieux ton univers et les différentes facettes de ton travail d’illustratrice ?
Dans le travail d’illustratrice il y a évidemment ce que je réalise, mais surtout ce pour quoi et avec qui je le réalise, et je trouve que ça se perçoit beaucoup dans la qualité de ce que je fais.
Il est sûr que mon travail de vulgarisation pour Philo Editions depuis 2021 est une de mes activités favorites. Je collabore principalement avec Apolline Guillot, qui m’inspire beaucoup. Elle écrit des articles de philosophie et je les illustre pour les rendre plus compréhensibles, amusants, simples. On imagine tout ensemble, et c’est super de travailler autant main dans la main, à la fois sur le fond et la forme. Les sujets sont souvent passionnants.
En 2020, j’ai réalisé le design et les illustrations d’un livre écrit par mon amie Carine Sit. Le livre porte sur son histoire : l’héritage culturel d’une enfant issue de l’immigration cambodgienne et chinoise atterrie dans le 13ème arrondissement de Paris. Chaque chapitre est un dialogue à soi et à l’autre : que faire quand on sent ni d’ici ni d’ailleurs ? Qu’est ce qu’on lisse, qu’est ce qu’on intègre, qu’est-ce qu’on brandit ? Qu’est ce qu’on combat, qu’on épouse, dans ces deux identités si fortes ? De quoi on hérite malgré soi ? Comment on s’affranchit ? C’était un travail assez intime, de devoir imager ses ressentis, grâce à un travail de métaphore, de symboles. Tout au long du livre, le bleu et le rouge s’affrontent. Ils représentent ces deux identités qui se combattent, s’entrechoquent, essayent de vivre ensemble, non sans tumulte. Dans le dernier chapitre, finalement les couleurs jusqu’ici juxtaposées laissent places à des dégradés de bleu au rouge, comme pour signifier l’accord de ces deux identités et de cette acceptation apaisée.
En 2021, nous avons réalisé avec une autre amie à moi, Madame Rima (astrologue) un calendrier Astral 2021 pour suivre les différentes phases de la lune et des planètes (très utile si vous jardinez !) Au devant, on trouvait l’évolution des planètes, et au verso, des illustrations présentant les différents signes. Étant fan de leporello (livre en format accordéon ndlr), c’était super de réaliser ce format là, et j’y ai pris beaucoup de plaisir.
Est-ce-que tu peux nous parler d’un projet sur lequel tu travailles en ce moment ?
En ce moment, je suis sur l’affiche d’un micro-festival nommé Phasm. C’est la deuxième année consécutive que je réalise leur affiche. La thématique du festival se décline annuellement autour d’un univers basé sur la nature, et cette année, le thème, c’est les abysses et le subaquatique. Sur ce genre de projet, plus alternatif, je peux être plus libre, j’ai donc pris plaisir à aller un peu plus loin dans un univers psychédélique, acide, organique, weird. En fait, l’affiche ressemble à un buvard !
Quels sont tes coups de cœur dans la programmation de cette édition ?
Je suis de près la scène de Melbourne, aussi je suis ravie de voir Hannah D, Suki et Mabel (ici en b2b avec Subsism) dans le lineup ! Les queen Jacky Jeane et Maelita aussi. Et puis, c’est toujours un privilège de recevoir la générosité musicale de Jane Fitz, Audrey Danza, ou Desire.
