Décryptage : Nos clips préférés du mois de Novembre 2022

Chaque mois, Kiblind donne la parole à l’artiste derrière l’artiste : l’illustrateur.rice chargé.e de retranscrire la musique en images. Retrouvez nos clips musicaux animés préférés du mois de novembre décryptés par ceux qui les ont fabriqués.

On ne vous l’apprendra pas : l’illustration est partout. Elle a envahi nos murs, nos comptes Instagram (bon, on y est peut-être pour quelque chose), nos objets, nos vêtements, nos pochettes de disques, notre page Youtube… Et c’est bien normal, il faut dire que c’est elle la meilleure toutes catégories pour faire joliment passer des messages et provoquer des émotions. Les artistes là dessous l’ont bien compris et l’ont utilisé au service d’un autre art capital : la musique.

Voici donc la sélection de nos clips animés et illustrés chouchous sortis au mois de novembre 2022, décortiqués par leurs créateur.rice.s qui ont gentiment répondu à nos questions.

BON ENFANT – PÂTE À BISCUIT

ILLUSTRATION / ANIMATION : GASPARD EDEN

Hello Gaspard ! Tu es musicien et également illustrateur. Est-ce deux disciplines que tu as toujours pratiqué ? 

Oui, j’ai toujours joué de la musique et en parallèle fait de l’illustration et du design graphique. Je ne croyais pas un jour gagner ma vie en faisant cette seconde chose, c’était surtout pour le plaisir, pour me changer les idées.

On retrouve beaucoup de créatures étonnantes dans le clip de « Pâte à biscuit ». Quelles étaient tes envies / inspirations quand tu as créé ces personnages ? 

Les « créatures » sont souvent non-réfléchies, je me tiens loin de tout ce qui est trop conceptuel. Si j’intellectualise mon travail en l’effectuant, je finis avec une page blanche. Mon envie première était de me dépoussiérer le subconscient et de laisser sortir les petits troglodytes de la caverne encéphalique.

Est-ce que ce clip était ton premier gros projet en animation ? 

Oui, c’est en fait la première fois que je fais de l’animation. Je n’avais jamais touché au medium auparavant. C’était donc une courbe d’apprentissage en temps réel, un défi qui me démangeait de relever depuis un bon moment.

Il contient beaucoup de plans différents. Peux-tu nous décrire les différentes étapes de sa conception de tes premières idées à la vidéo finale ? 

J’ai dessiné chronologiquement tout ce que l’on visualise au cours de l’animation ; le premier plan du clip, c’est le premier que j’ai dessiné, le dernier, c’est le dernier que j’ai dessiné. il n’y avait aucun storyboard, aucune idéation. J’avais quelque chose en tête et peu de temps (il n’y a jamais assez de temps en animation) pour le faire. J’ai donc travaillé jour et nuit, pendant des mois, sans trop réfléchir. Je voulais simplement me surprendre à travers mes idées et les faire bouger du mieux que je pouvais. 

Comment les paroles de la chanson ont-elles influencé ton travail ? 

Parfois les paroles m’ont influencé au premier degré, parfois au second. À certains moments, j’aimais jouer à répondre à ce que les paroles me dictait de dessiner, toujours avec des petits clins d’oeil, des petites surprises. Parfois, je me suis étonné à faire des liens là où je croyais qu’il n’y en avait pas. Je ne voulais pas nécessairement créer un narratif afin d’accompagner le morceau de Bon Enfant. C’est plutôt l’ambiance de la musique qui m’intéressait.  Je voulais créer une autre dimension, une dimension qui est visuelle et qui capte l’attention, qui accompagnerait les couleurs musicales du morceau. 

As-tu d’autres projets d’animation en tête ? 

En ce moment j’entame des courtes animations pour le groupe de musique Men I Trust. Elles seront éventuellement projetées lors de leurs performances live.

IÑIGO MONTOYA – TOTEM

ILLUSTRATION / ANIMATION : ZEUGL

Hello Gabriel et Lolita. Vous vous êtes encore dépassés pour ce clip avec une vidéo entièrement réalisée en emojis, comme vous l’aviez déjà fait pour Iñigo Montoya. On veut des chiffres !

Alors pour ce qui est des chiffres, on ne pourra donner que des approximations : on a utilisé environ 140 emojis différents dans la version finale du clip qui nous a pris au moins six semaines complètes de travail pour sa réalisation. En moyenne, chaque séquence d’animal qui court a pris 3 heures à dessiner et on compte entre 1h et 2h pour les éléments fixes selon leurs dimensions car pour avoir une taille d’emojis homogène (sauf cas spécifiques), chaque élément a été dessiné à son échelle finale. Enfin, ce n’est pas un chiffre, mais il nous semblait important de mentionner l’artiste japonais Hiro Isono, dont les fabuleuses peintures nous ont servit de références principales dans l’élaboration de la direction artistique de ce clip (et des visuels qui accompagnent la sortie de l’album dont « Totem » est extrait).

Pouvez-vous nous parler plus concrètement des différentes étapes de réalisation du clip de « Totem » ? 

Sans révéler tous nos secrets, le principe de base est assez simple : on a choisi d’utiliser les emojis comme outils de dessin, en exploitant les variations de couleurs de chacun d’entre eux pour créer les volumes et tons de nos illustrations. Une fois ces éléments réalisés, nous les avons combinés afin de créer les décors que nous avons ensuite composés en 3D dans After Effect. Certaines séquences, telles que les animaux qui courent, sont quant à elles animées en rotoscopie puis intégrées dans les décors 3D.

Pouvez-vous nous raconter le voyage qui se passe dans ce clip avec vos propres mots ? 

Notre intention était d’emmener les spectateurs dans un métaverse utopique nommé « BetterThanLife ». Cette réalité alternative numérique révèle petit à petit sa réelle nature à travers des bugs visuels et par la pollution de différentes fenêtres publicitaires qui nous rappellent que toute cette végétation luxuriante et ces animaux qui se promènent librement ne sont que des pixels sur un écran.

Beaucoup d’images et de slogans se cachent dans ce clip, d’où viennent-ils/elles ? 

Ce sont donc ces fameuses fenêtres publicitaires que l’on mentionnait plus haut. Pour les créer, on s’est beaucoup inspirés de nos expériences de navigation Internet : elles sont l’archétype du style de pop-ups indésirables qui remplissent nos écrans. Le comble dans tout ça, c’est que la présence de ces messages a causé (et cause toujours) de gros problèmes pour la visibilité du clip. Apparemment, certaines injonctions comme « Cliquez ! », « Hacked » et le faux Windows à la fin rendent notre clip inéligible à la sponsorisation, ce qui est complètement ironique quand on pense au message que l’on véhicule dans cette vidéo.

Quel est l’artiste ultime pour lequel vous rêveriez de faire une vidéo ? 

Si il faut en choisir un seul, Beach House !

Sur quel(s) autre(s) projet(s) fou(s) travaillez-vous en ce moment ? 

On vient de finir une période très chargée, en plus du clip de « Totem », on a créé tous les visuels inhérents à la sortie de l’album des Iñigo Montoya (pochettes, posters, illustrations du groupe, …) et surtout un set de Vjing reprenant principalement les éléments du clip, que l’on a joué lors de la release party le vendredi 2 décembre 2022. Du coup, on va prendre un peu de vacances et puis on va se consacrer à notre résidence au Maad 93 où l’on développe un set d’animations pour le spectacle Contes Élastiques écrit par Iñigo Montoya (encore eux !), dont la première représentation aura lieu au Théâtre des Bergerie le 25 mai 2023. À part ça, on voudrait travailler sur la réalisation d’un court-métrage d’animation !

2PAN – CAT’S DANCE

ILLUSTRATION / ANIMATION : CAMILLE POTTE

Hello Camille, tu as réalisé un clip pour 2Pan, comment cette collaboration est-elle née ?

Hello ! 2Pan est un groupe constitué de deux de mes ami.es très proches. Cela faisait longtemps qu’iels peaufinaient plusieurs morceaux et ne les faisaient écouter qu’à leur cercle proche. Ce clip était un moyen de partager leur premier morceau avec d’autres personnes et de commencer à imaginer la suite de leur projet. « Cat’s Dance » est donc leur premier single officiel, c’est une chanson assez étrange et inclassable, parfaite pour imaginer un dessin animé.

Peux-tu nous détailler les différentes étapes de réalisation du clip « Cat’s dance » ?

2Pan m’ont donné carte blanche sur le scénario et l’aspect graphique du clip. Je suis venue les voir avec un story-board, quelques idées de moments clés et de personnages, on en a discuté puis je me suis mise au travail.
La réalisation du clip a été assez longue car j’apprenais à animer les scènes en même temps que je les réalisais. J’ai regardé pas mal de tutos et j’ai avancé en commençant par les animations qui me paraissaient simples puis de plus en plus complexes et en remplissant par petits morceaux le montage final. Je suis très fière du lever de soleil et des danses finales. 

Comme souvent dans tes dessins, tes créatures sont uniques. Comment as-tu eu l’idée de celles-ci ? 

La seule piste que 2Pan a évoqué au début du projet, c’est un personnage de livre pour enfant, « Emilie », une sorte de petite fille avec une capuche rouge et des moustaches dont on ne sait pas si elles sont sur sa tête ou sur sa capuche. C’est grâce à cette référence que j’ai mis au point le premier « chat », avec ses cheveux noirs et pointus, qui rappelle le physique d’Anna, l’une des deux membres du groupe. Ensuite j’ai dessiné son acolyte, d’après Nils, l’autre membre du groupe. Puis je voulais qu’iels rencontrent d’autres chats, mais que leurs allures soient radicalement différentes les unes des autres. Dans mes fichiers ils ont des noms comme « Chabilbok », « Chaggethi » ou « Chabizar », comme des sortes de Pokemons. On s’était aussi mis d’accord sur une ambiance minimaliste et psychédelique, avec des passages du décor vide au paysage, le tout en noir et blanc.

As-tu le temps de pratiquer beaucoup l’animation en dehors de l’illustration ?

Pas assez à mon goût. Comme c’est très chronophage, c’est difficile de se dégager des plages de temps suffisamment longues pour concevoir un projet animé. J’ai beaucoup d’idées mais pour les réaliser, il faudrait que je trouve une résidence ou une bourse. J’aimerais notamment réaliser un projet avec de la musique créée conjointement à l’animation, et peut-être la possibilité de faire fonctionner le tout en live.

Y’a t-il des films animés qui t’ont particulièrement marqué ? 

Oui, il y en a beaucoup. Pour ce projet en particulier, j’ai été regarder les animations de Felix the Cat d’Otto Messmer ainsi que le travail de Dave Fleischer. La scène où les deux chats s’allongent pour atteindre la lucarne est inspirée de son personnage de fantôme dansant dans Blanche-Neige avec Betty Boop. D’ailleurs j’aimerais aussi beaucoup faire de l’animation sur de grands fonds peints, comme à l’époque des dessins animés sur celluloïd. 

COLINE RIO – MONSTRES

ILLUSTRATION / ANIMATION : IULIA VOITOVA

Salut Iulia. Le clip de Coline Rio est en fait constitué de centaines (milliers ?) de tes dessins. Peux-tu nous décrire ton processus de création ? 

Effectivement, il y a vraiment beaucoup d’images dessinées à la main dans le clip. Je les ai utilisé en boucles et en images fixes afin de terminer le clip en 2 mois. J’ai d’abord réalisé une animation rough sur l’ordinateur dans TVPaint et après je peignais directement sous la caméra, en utilisant la projection de l’animation 2D dans Dragonframe. 

Tu n’en es pas à ton premier coup d’essai, car ton film d’animation Roads a été également réalisé via un support papier. En quoi la technique était ici différente ? 

Ma technique principale et préférée est de travailler avec du papier découpé et des pastels à l’huile, il y a beaucoup d’improvisation avec le matériel juste sous la camera. En même temps, j’aime faire des petites animations à l’encre et j’ai déjà réalisé un court-métrage pour ARTE, également à l’encre sur du papier de riz. Coline Rio a aimé mon travail et m’a demandé de réaliser son clip à l’encre. Lorsque j’ai écouté la chanson, je me suis rendu compte que la technique convenait parfaitement aux paroles et à la mélodie, et j’ai immédiatement eu beaucoup d’idées sur la façon d’utiliser l’encre de couleur.

As-tu déjà pratiqué l’illustration numérique ? 

Pas beaucoup, j’adore travailler avec les pastels à l’huile et à l’encre. Je m’amuse beaucoup à dessiner sur le papier. Mais après, j’utilise l’ordinateur à toutes les étapes, du storyboard à la post-production.

Quelles sont les histoires que tu préfères raconter dans tes clips ? 

Pour le clip de Coline, on a décidé qu’elle serait le personnage principal qui voyage à travers ses émotions. Je voulais aussi transmettre mes propres émotions à travers les paroles, et j’ai utilisé mes propres expériences personnelles à travers des métaphores également. Je dessine généralement ce que j’ai vécu moi-même, et je m’intéresse aux relations entre les gens. J’aime explorer la nature paradoxale des actions et des émotions humaines, notamment lorsqu’il s’agit de relations intimes ou romantiques.

As-tu une folle idée de technique que tu aimerais explorer pour ton prochain film d’animation ? 

Pour moi, le plus important est que le style aille avec l’histoire, qu’il la mette en valeur. En ce moment, je fais un court-métrage, et il sera composé de médias mixtes, certains que je découperai dans du papier, d’autres que je dessinerai avec des pastels directement sous la caméra. Dans tous les cas, il sera animé à la main sur du papier.

EDGAR DÉCEPTION – CLOWN CLOWN DEAD

ILLUSTRATION / ANIMATION : EVA SENIAK (ET TESSA KUGEL)

Hello Eva, vous avez décidé avec le groupe dont tu fais partie de réaliser une vidéo animée pour accompagner tout votre EP, ce qui est un travail plutôt fastidieux. Peux-tu nous détailler les étapes de conception de ce film ?

Coucou ! C’est pas tout récent, on a eu cette idée il y a bientôt 3 ans je pense. Après avoir fini les démos de l’EP, on a eu très envie de l’illustrer entièrement. En partie parce qu’on a essayé de créer un fil conducteur dans la musique pour le faire ressembler à une histoire, et aussi parce que ça nous intéresse beaucoup en tant que groupe de nous essayer à d’autres supports que la musique. On a beaucoup réfléchi au format, je voyais vraiment ça en dessin animé, j’ai montré une petite animation que j’avais faite d’un cochon qui nourrit ses bébés cochons avec des carottes dans une fusée qui a immédiatement convaincu Tessa qui a eu envie que je le fasse. Elle m’a montré comment utiliser Photoshop, auquel je n’avais jamais touchée, et je me suis lancée. Après avoir bien entamé le clip, j’ai demandé à Tessa de réaliser la 5ème track , »Wow dude you did great once again », déjà parce que je me rendais compte que je m’étais attaquée à un bien trop gros morceau, et parce qu’un style différent illustrait bien ce passage et avait un sens scénaristique.

Le personnage au centre de cette vidéo se retrouve embarqué dans beaucoup d’aventures. Peux-tu nous raconter comment tu as travaillé la narration ? 

Pour commencer, on a réfléchi avec Tessa (batteuse) et Valentin (bassiste et chanteur) à l’univers qu’on imaginait autour du clip et aux éléments que la musique nous faisait visualiser. Nos idées de base étaient une usine et des sorcier·ère·s. La fin de la musique de l’EP illustre explicitement une fête foraine, donc mon but a été d’emmener un personnage d’une usine à une fête foraine en croisant le chemin de sorcier·ère·s. À partir de là, j’ai juste réfléchi à un concept général pour chaque morceau, en fonction de la musique et j’y suis allée au fur et à mesure, scène par scène, sans écrire de scénario ou quoi que ce soit de précis. J’avais pas prémédité qu’un petit robot se ferait malmener non stop pendant 20 minutes, ça s’est fait tout seul. Ça m’a permis d’avoir plein d’idées spontanées et d’uniquement m’inspirer de ce que chaque passage de la musique me faisait ressentir pour l’illustrer.

D’où te vient ton goût pour le dessin et l’animation ? 

J’ai toujours adoré créer des choses, j’adore essayer plein de supports : j’ai fait beaucoup de bricolage et de création en carton, de la pâte à modeler, des peluches, des vêtements, des films… Et c’est toujours par phases, je suis jamais allée très loin dans quoi que ce soit (à part la musique). Je me suis intéressée aux arts visuels au travers de Tessa, qui était dans ma classe du collège au lycée, et qui m’a fait découvrir tout ça (elle fait énormément d’arts visuels, elle finit son master aux Beaux-Arts et elle est trop forte, je vous invite à aller voir son travail sur son Instagram). J’ai fait du dessin et du collage, puis progressivement, j’ai commencé à faire pas mal de dessins sur Paint dans mon coin, puis quelques petites animations de quelques secondes, puis un clip de 20 minutes visiblement.

Avais-tu déjà réalisé des clips musicaux avant celui-ci, et si oui, lesquels ?

Ma seule expérience avait été notre clip précédent, « à chérence tout risque », qu’on a réalisé avec Jules Perot (supra talentueux, allez voir aussi son instagram). C’est un clip filmé avec plein de décors et costumes en carton qu’on avait faits tous ensemble. Jules nous a filmé, puis on a fait le montage avec Tessa. J’avais construit des immeubles à la chaîne pendant des semaines, c’était super long et fun.

As-tu d’autres projets en animation à venir ? 

Pas pour le moment, après deux ans et demi d’animation j’ai besoin d’une bonne pause et de me focus sur la sortie de l’EP, les concerts et les sorties à venir. J’adorerais refaire de l’animation, de l’illustration et des clips, dans le cadre d’Edgar Déception ou pour autre chose. Ce qui est sûr c’est que j’ai envie d’aller plus loin dans le visuel et la création. En tous cas depuis que j’ai fini le clip, je suis à fond sur le tricot, je vais bien voir où ça va me mener.

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