Décryptage : nos clips préférés du mois de janvier 2023

Chaque mois, Kiblind donne la parole à l’artiste derrière l’artiste : l’illustrateur.rice chargé.e de retranscrire la musique en images. Retrouvez nos clips musicaux animés préférés du mois de janvier décryptés par ceux qui les ont fabriqués.

On ne vous l’apprendra pas : l’illustration est partout. Elle a envahi nos murs, nos comptes Instagram (bon, on y est peut-être pour quelque chose), nos objets, nos vêtements, nos pochettes de disques, notre page Youtube… Et c’est bien normal, il faut dire que c’est elle la meilleure toutes catégories pour faire joliment passer des messages et provoquer des émotions. Les artistes là dessous l’ont bien compris et l’ont utilisé au service d’un autre art capital : la musique.

Voici donc la sélection de nos clips animés et illustrés chouchous sortis au mois de janvier 2023, décortiqués par leurs créateur.rice.s qui ont gentiment répondu à nos questions.

KRIILL – LITTLE THINGS

RÉALISATION / ANIMATION : Camille Burles, Andreea Ciora, Lou Fraleu, Manon Lambert, Clara Mesplé & Chloé Viala

Salut à vous toutes. Il semblerait que ce clip ait été réalisé dans le cadre de votre diplôme. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce projet ? 

Oui, en effet, ce clip a été réalisé en un an et demi en tant que film de fin d’études, dans le cadre de notre formation à l’école Georges Méliès. Clara est à l’origine du projet, elle voulait faire un film engagé et poétique parlant d’une petite vache et nous nous sommes rassemblées toutes les six pour créer le court métrage actuel.

Vous êtes 6 à avoir travaillé sur l’animation et l’illustration de ce clip, comment s’est passé la répartition des tâches?

Nous avons décidé dès le début que nous écririons l’histoire à six mais que chacune devait être en charge d’un pôle précis. Nous avons donc réparti chaque membre du groupe sur des étapes de fabrications précises. Même si tout le monde a touché à plusieurs tâches, nous nous référions à la personne en charge de l’étape où nous en étions pour garder une unité visuelle sur le projet. 

Pouvez-vous nous lister les grandes étapes de fabrication du clip ?

D’abord il y a l’écriture du scénario, une étape très importante et très difficile car nous pensions surtout à des images marquantes que nous voulions mettre en scène mais pas vraiment de fil narratif. Pendant ces mois d’écriture, nous avons aussi développé un storyboard (mise en image et découpage du film) qui évoluait avec le scénario et surtout une direction artistique comprenant des recherches de décor, de couleurs et de design pour nos personnages principaux. Dès que nous avons choisi de faire un clip et que nous avons contacté Kriill nous avons pu commencer à mettre le storyboard en montage vidéo sur la musique « Little Things ». Une fois ce montage fini, l’étape du layout (mise en place des éléments dans la scène) intervient, l’animation et les décors en couleurs entrent parallèlement en jeu, puis on assemble et embelli le tout grâce à l’étape du compositing.

Cette vidéo dénonce la maltraitance animale et l’élevage intensif. Etait-ce une volonté directe de Kriill d’avoir un clip si engagé ? 

Nous avons contacté Kriill après avoir défini la thématique du film et étant déjà sensibilisés à la question de l’écologie, ils ont été très enthousiastes à l’idée de participer à ce projet. De plus, les paroles de la chanson choisie étant très métaphoriques, cette dernière se prêtait parfaitement au sujet. 

Ce film a également remporté de nombreux prix. De quoi vous motivez à continuer à travailler toutes ensemble ? 

Nous aimerions beaucoup recréer ensemble car nous avons adoré réaliser ce projet à six. Il est cependant compliqué de se rassembler à nouveau car nous avons toutes des projets professionnels dans différents studios… Nous sommes très fières d’avoir pu présenter ce film en festivals et c’est un projet qui continue de nous rassembler.

FYRS – LOVE YOU TERRIBLY

ILLUSTRATION / ANIMATION : CHARLIE MARS


Hello Charlie. Tu es un grand habitué du clip musical et pourtant, ton style de vidéo a beaucoup évolué. Qu’est-ce qui t’as fait basculer vers l’illustration ? 

Hello! J’ai arrêté de dessiner pendant 15 ans parce que je complexais sur mon dessin ; je voyais tellement de choses formidables autour de moi que je me disais ne pas avoir le niveau, sans compter que la vidéo occupait déjà tout mon temps. Puis je me suis remis à dessiner il y a 5 ans. L’animation m’a beaucoup poussé. Au départ, j’animais le travail d’autres illustrateurs·rices et c’est quelque chose que j’aime toujours faire même si l’illustration m’apporte beaucoup de satisfaction. L’aspect graphique en vidéo a toujours été une composante importante pour moi, ce passage à l’animation est donc plutôt une continuité même si j’ai du passer pas mal de temps à apprendre par moi même. D’un point de vue pratique, cela permet d’aller beaucoup plus loin dans ce que l’on peut faire et montrer. Plus simplement, j’ai toujours eu très envie de faire des trucs avec des formes et des bonhommes qui bougent et, il y a un peu plus d’un an, j’ai fait un machin mi clip mi court métrage qui s’appelle « Coucou Tchoutchou ». Je l’ai carrément chargé de tout ce que j’avais envie de faire sur le moment et il a fait un parcours sympathique en festivals, cela m’a pas mal motivé.

Tes deux derniers clips (pour FYRS et AUNE) ont des univers graphiques très différents. Comment décides-tu du style qui primera lorsque tu reçois une nouvelle commande ?

Parfois, c’est l’artiste qui me contacte et qui cherche un style bien précis, dans les autres cas, cela se fait à l’intuition, je m’efforce de garder une cohérence dans la direction artistique. Parfois aussi, j’aime bien proposer des choses très décalées de l’ambiance que génère la musique ; ça pose un cadre bizarre, et permet de sortir des habitudes et d’expérimenter de nouvelles choses.

L’animation du clip de FYRS est aussi poétique que la musique qu’elle accompagne. Comment t’es-tu imprégné des paroles lorsqu’il a fallu réaliser la vidéo ? 

Je n’ai pas passé beaucoup de temps sur les paroles parce que j’ai souvent peur de tomber trop dans le littéral, je préfère me pencher sur une idée et un concept global et plutôt identifier les émotions qui se dégagent du morceau. Pour cela, nous avons passé pas mal de temps à discuter avec Fyrs afin que je saisisse ce qu’il voulait transmettre dans son morceau, c’est bien plus important pour moi que de scruter les paroles. Aussi, on a beaucoup échangé sur l’amour et nous nous sommes raconté nos vies, cela permet de se mettre dans un certain état d’esprit et ça change tout pour un projet comme celui-ci.

Peux-tu nous décrire les différentes étapes de fabrication de ce clip, de la demande de FYRS à la vidéo finale ? 

J’ai rencontré Fyrs pendant un confinement, lors du tournage d’une émission en ligne produite par Stereolux à Nantes, il est venu jouer et je réalisais l’émission. Quand il m’a sollicité, on a d’abord et surtout discuté, du morceau mais aussi de milles autres choses (on est tous les deux plutôt bavards). Nous avons d’abord, chacun de notre côté, réfléchi à beaucoup d’idées visuelles avant de les mettre en commun. Une fois la direction artistique globale actée, l’idée n’était pas de scénariser à outrance et de fabriquer au feeling. J’ai donc commencé à construire des séquences indépendantes les unes des autres, puis nous avons tourné quelques séquences vidéo que j’ai utilisées pour de la rotoscopie. Ensuite, j’ai fait pas mal d’aller et retour entre la fabrication de séquences, des expérimentations, les différents logiciels et outils, de manière tout à fait empirique. Il s’agit de fabriquer des pièces de puzzle, les assembler, les défaire, les rassembler à nouveau, fabriquer les pièces manquantes, tout en ayant en tête une certaine vision du projet fini mais dans un cadre mouvant. Cela demande un peu plus de temps mais permet aussi une certaine pertinence et liberté. Au début du processus, j’envoyais régulièrement des séquences à Fyrs pour avoir son ressenti, et puis, au tiers du projet et quand j’ai commencé à avoir tout ça bien en main ; je suis entré dans un tunnel de travail jusqu’à obtenir un objet satisfaisant.

Quels sont tes prochains projets en animation ? 

Un nouveau clip pour Fyrs! Celui-ci sera radicalement différent, esthétiquement et dans la manière de faire. Un autre clip pour un autre artiste est également en projet, mais c’est secret pour le moment.

ALTIN GÜN – RAKIYA SU KATAMAM

ILLUSTRATION / ANIMATION : SYLVAIN RUSQUES & SIMON MOREAUX

Salut à tous les deux. Comment votre collaboration avec Altin Gün est-elle née ?

Sylvain : Nous avions déjà eu l’occasion de travailler avec Altin Gün sur le clip du titre « Süpürgesi ». Nous avions eu alors un temps de production extrêmement court qui constituait un réel défi. Nous aimons l’univers d’Altin Gün et étions ravis de relever ce défi en créant à ce moment-là la danseuse que nous retrouvons ici.

Simon : Merve, la chanteuse du groupe, avait adoré le clip « 3 Bancs » des Limiñanas réalisé par Sylvain. Le manager d’Altin Gün lui a alors demandé si il était intéressé par la réalisation du clip de la chanson « Süpürgesi ». L’enjeu était qu’ils avaient besoin que le clip leur soit livré deux semaines plus tard… Sylvain me proposa alors de co-réaliser ce premier clip avec lui. Ce qui est drôle, c’est que le groupe est revenu vers nous avec quasiment les mêmes contraintes sur ce nouveau projet et après avoir hésité à le refuser, nous avons replongé de plus belle sur celui-ci.

On semble distinguer des illustrations réalisées sur du papier découpé ainsi que numériquement dans « Rakiya Su Katamam ». Pouvez-vous nous expliquer plus précisément les étapes de fabrication de ce clip à quatre mains ?

Simon : Nous avions dès le début l’intention de produire quelque chose qui serait assez brut. Nous avons travaillé quelques idées de base et au départ, je pensais que le clip serait dans un style proche du précédent, avec plus d’expérience et d’ambition. Sylvain souhaitait que l’on intègre des séquences en Stop Motion, que l’on sorte un peu de notre univers habituel de l’écran. Nous avons décidé que nous utiliserons un mélange de technique en travaillant à l’instinct, en composant avec le temps imparti et nos moyens. C’est intéressant de travailler ces contraintes car évidemment il faut faire des choix rapides, ne pas s’attarder sur tous les détails, seulement sur certains. Les idées, Manon notre danseuse, le studio, le matériel… tout s’est fait dans une improvisation efficace. Nous avons travaillé les séquences d’animations 2D et Stop Motion pour qu’elles se nourrissent mutuellement en matières premières.

Sylvain : Tout d’abord, nous avons filmé Manon et l’avons redessinée, nous avons imprimé les séquences d’animations tout en créant une série de décors en papier inspirée des visuels des albums du groupe dans lesquels les séquences ont pris vie. Un des moments importants a été le travail de lumière lors du premier shooting, élément primordial à la qualité du rendu.
Les nombreuses contraintes ont apporté des solutions graphiques comme par exemple les contours blancs qui ont été volontairement gardés, à la fois comme choix graphique et pour faciliter la production des séquences. Nous avons aussi choisi de retravailler les parties tournées en stop motion pour créer des univers graphiques.


Aviez-vous déjà réalisé des clips auparavant et si oui lesquels ?

Sylvain : Oui, ce n’est pas notre première collaboration avec Simon, nous avons eu l’occasion de travailler pour plusieurs artistes comme les Liminañas à plusieurs reprises, pour leur album en collaboration avec Emmanuelle Seigner ou plus récemment pour leur album avec Laurent Garnier. Pour Altin Gün, sur le titre « Süpürgesi » comme mentionné précédemment. J’ai aussi en solo eu l’occasion de créer des animations pour le clip du titre « Thérapie » de –M-, réalisé le clip « Trois bancs » des Liminañas ou encore « Bad Mechanicals » de Yom from Mars.

Simon : On a réalisé cinq clips avec Sylvain (certains ne sont hélas jamais sortis), des vidéos dans le domaine de la mode et j’ai aussi fait quelques clips musicaux indé il y a pas mal d’années.

Quels films d’animation vous ont particulièrement marqué et pourquoi ?

Simon : Enfant des années 80, l’animation (japonaise, européenne et américaine) est avec le cinéma, la BD et le jeu vidéo, un déferlement culturel de claques esthétiques qui ont nourri mon imaginaire et modelé ma psyché. Disney, Bluth, Grimault, Laloux, Miyazaki, Otomo, Kon, Oshii, Anno, Plympton, l’animation polonaise, les Sentai. L’informatique, le jeu vidéo rétro est aussi une grande source d’inspiration, ils faisaient beaucoup avec peu.

Sylvain : Nourri par les mêmes inspirations que Simon, j’ai été particulièrement motivé à me lancer dans l’animation traditionnelle avec le travail de Bill Plympton, pour sa vivacité et sa folie. J’ai aussi toujours apprécié le travail du duo Mrzyk et Moriceau. Aussi j’aime les films atypiques comme « J’ai perdu mon corps » ou des courts métrages avec une forte originalité graphique comme « Genius Loci » d’Adrien Mérigeau.

Avez-vous d’autres projets à deux de prévu ?

Toujours.

ANDY SHAUF – TELEPHONE

ILLUSTRATION / ANIMATION : CHAD VANGAALEN

Hello Chad. Tu es un artiste complet qui accompagne ses chansons de ses propres vidéos. Quand tu composes pour toi même, c’est la musique ou le visuel qui te vient en tête en premier ? 

La plupart du temps, quand je travaille sur une musique, c’est sur la chanson que je me concentre en premier et non les visuels qui y sont attachés. Cependant, de temps en temps, j’ai une idée ou un rêve et j’essaie de traduire les visuels avant la chanson, mais c’est assez rare. 

Ton identité visuelle est reconnaissable facilement grâce à tes créatures mystiques. As-tu déjà pensé à faire un film entier animé rempli de ces personnages ? 

En ce qui concerne la réalisation d’un film, j’ai essayé d’en faire il y a quelques années : un film appelé « Tarboz ». J’ai tenté de faire un flux de conscience : je m’asseyais et je commençais à travailler dessus, sans avoir une histoire en tête. Bien qu’il y avait des morceaux qui fonctionnaient bien, le film était un peu éparpillé et aliénant dans son histoire et non-histoire. En ce moment, je travaille sur des épisodes afin de m’atteler à un format plus petit, tout en travaillant sur une histoire qui a du sens. 

Tu crées aussi des animations pour d’autres artistes comme Andy Shauf. Quelle est ta part de liberté dans ce genre de clips musicaux ?

Quand je collabore avec d’autres artistes pour leur faire des vidéos d’animations, la plupart du temps, ils savent que je travaille de façon spontanée et donc ils ne me demandent pas vraiment de faire autre chose que ce qui me vient à l’esprit. Avec la vidéo d’Andy Shauf, sa seule demande était que quelqu’un soit suivi par quelqu’un d’autre. 

« Telephone » prend une autre dimension grâce à ta vidéo et ta narration. Comment as-tu eu l’idée de cette relation particulière entre ce personnage et ces papillons ? 

Le fait que cet oiseau soit un collectionneur de papillons m’est venu à l’esprit car j’imaginais juste que ce serait drôle que les oiseaux mangent des insectes. Un oiseau collectionneur de papillons serait comme un humain collectionneur de chips de pomme de terre. 

Peux-tu nous décrire les principales étapes de fabrication de cette vidéo ?

Mon processus pour les animations est généralement de dessiner tous les personnages au crayon de papier, et de faire des essais dans un carnet de croquis, jusqu’à ce que je trouve des personnages avec lesquels je serai en mesure de vivre pendant les 6 à 8 prochaines semaines. Puis je commence à dessiner les mondes dans lesquels ils vont vivre. Quand j’anime, la plupart du temps, je construis des mondes extraterrestres dans des terres fantastiques extérieures de mon esprit. Juste pour que je puisse me tromper en pensant que je passe plus de temps dehors. Une fois que j’ai construit les environnements, je commence à configurer la scène et comment le personnage va se déplacer à l’intérieur. C’est vraiment juste moi qui travaille sur le mouvement du personnage dans ma tête et qui fait que ça arrive image par image. 

Tu sembles crées à partir de nombreux médiums différents. Quel est ton prochain gros challenge ? 

En ce qui concerne mon prochain grand projet, je suis en train d’essayer de travailler sur quelque chose de plus cohérent et de moins abstrait, qui prendra la forme d’épisodes. C’est basé sur des personnages de ma vidéo de sabre de samouraï. J’espère l’avoir fait d’ici la fin d’année, mais comme toute animation, ça prend une vie.

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