Décryptage : nos clips préférés de février et mars 2023

Chaque mois, Kiblind donne la parole à l’artiste derrière l’artiste : l’illustrateur.rice chargé.e de retranscrire la musique en images. Retrouvez nos clips musicaux animés préférés de ces deux derniers mois décryptés par ceux qui les ont fabriqués.

On ne vous l’apprendra pas : l’illustration est partout. Elle a envahi nos murs, nos comptes Instagram (bon, on y est peut-être pour quelque chose), nos objets, nos vêtements, nos pochettes de disques, notre page Youtube… Et c’est bien normal, il faut dire que c’est elle la meilleure toutes catégories pour faire joliment passer des messages et provoquer des émotions. Les artistes là dessous l’ont bien compris et l’ont utilisé au service d’un autre art capital : la musique.

Voici donc la sélection de nos clips animés et illustrés chouchous sortis durant les mois de février et mars 2023, décortiqués par leurs créateur.rice.s qui ont gentiment répondu à nos questions.

PI JA MA – Les sites de rencontres

ILLUSTRATION / ANIMATION : ALICE MONVAILLIER

Hello Alice ! Peux-tu nous raconter comment cette collaboration avec Pi Ja Ma est née ?

Je suivais Pauline depuis quelques temps déjà sur Instagram, car j’aime beaucoup sa personnalité, ses storys me font toujours bien rire ! Un jour, elle a mis en story une annonce pour dire qu’elle cherchait quelqu’un pour réaliser un clip en animation pour un de ses futurs morceaux. J’ai toujours rêvé de faire un clip, j’ai donc tout de suite répondu à sa story en lui envoyant quelques unes de mes petites animations. Elle a tout de suite accroché et a choisi de me confier le projet, c’est allé très vite, j’étais hyper contente !

Quelle était la demande de Pi Ja Ma pour ce clip ?

Elle n’avait pas vraiment de demande spécifique, l’idée était de laisser l’artiste s’emparer du morceau avec son propre univers. C’était le grand luxe pour moi, car elle m’a fait entièrement confiance et j’étais complètement libre. Comme Pauline dessine aussi, nous nous sommes mises d’accord sur le fait qu’il serait cool qu’elle intervienne un petit peu dans le processus de création du clip. J’ai assez vite su que je voulais que l’animation s’articule autour d’un personnage la représentant, comme le morceau raconte sa propre histoire. Elle a donc dessiné quatre personnages à son effigie, nous en avons choisi un, que j’ai par la suite redessiné avec mon style. Ce personnage a été la base pour ensuite dessiner tout l’univers du clip, et imaginer une narration.

Peux-tu nous décrire la conception de ce clip de la première à la dernière étape ?

En écoutant le morceau, j’ai tout de suite remarqué qu’il avait été créé en deux parties, aussi bien au niveau de la narration, du rythme de la musique, mais également de la langue (le français pour la première, l’anglais pour la seconde). La première partie raconte la galère que peut être la recherche d’un amoureux.se sur les sites de rencontres, en opposition à la deuxième partie qui parle du sentiment de légèreté ressenti lors du début d’une relation amoureuse, le personnage ayant trouvé l’amour entre les deux parties. J’ai voulu que cette dualité soit également présente dans l’animation. Pour les deux parties, je n’ai pas vraiment fait de storyboard, j’avais les idées principales en tête, et j’ai laissé mon imagination se développer au fur et à mesure de la conception du clip.

Pour la première partie, j’avais la possibilité de faire boucler certains passages, car la musique présentait des répétitions. En terme de temps, je pouvais donc faire de l’animation traditionnelle en dessinant toutes les images, technique très chronophage mais que j’aime particulièrement. La musique était très rythmée, j’ai donc essayé de caler les images sur ce rythme pour garder l’esprit très dansant de cette partie. Au niveau des éléments dessinés, je suis restée assez proche de ce qui est raconté dans les paroles, des choses très concrètes sur l’expérience de Pauline.

La deuxième partie est plus vaporeuse au niveau de la musique, et plus abstraite et poétique au niveau des paroles. Je voulais exprimer ce sentiment de flottement, de lâcher prise qu’on peut ressentir lors d’une rencontre. J’ai donc choisi d’utiliser un logiciel d’animation qui me permettait d’avoir des mouvements plus lents et fluides que pour la première partie. C’était aussi un moyen d’accélérer mon rythme de production des animations : j’avais 5 semaines pour réaliser un clip qui dure presque cinq minutes, un sacré défi ! Les couleurs sont également différentes. Pour la première partie, j’ai choisi une palette de couleurs très précise, pour la deuxième, j’ai voulu créer un univers plus psychédélique, l’éventail de couleurs est beaucoup plus large.

Quelle est ta relation à l’animation ? Avais-tu déjà réalisé des clips avant celui-ci ?

J’entretiens une relation un peu amour-haine avec l’animation ! J’adore en faire, et en même temps j’aime que cela reste assez exceptionnel, car les périodes où je travaille sur de l’animation sont vraiment particulières, ça occupe vite tout mon temps et mon esprit, les moments de repos n’en sont jamais vraiment. C’est un travail très minutieux et parfois assez prise de tête, mais lorsque je vois le résultat, c’est hyper satisfaisant. Il y a quelque chose de vraiment intense, surtout avec l’animation traditionnelle. Je n’avais jamais réalisé de clip, mais j’avais réalisé il y a quelques années une petite animation pour Adult Swim, qui était projetée sur scène lors d’un festival de musique qu’ils organisaient à Los Angeles. C’était un super projet, et je suis vraiment contente d’avoir remis un pied dans l’animation, je n’en avais plus vraiment fait depuis.

Le clip de quel.le artiste rêverais-tu de réaliser ?

Je n’ai pas grand chose qui me vienne en tête, mais je serais bien sûr très contente si un autre projet de ce genre se représentait. J’aimerais expérimenter d’autres choses en animation, comme des choses projetées, immersives, des installations ect… J’adorerais par exemple faire des animations qui seraient projetées sur scène pendant le concert d’un groupe, ce serait vraiment un rêve !

RIVE – Rêver grand

ILLUSTRATION / ANIMATION : CLARA LIU

Hello Clara ! Le clip de « Rêver grand » est très poétique, peux-tu nous parler de la phase de réflexion quant à sa narration ?

Le titre « Rêver grand » de Rive est essentiellement une ode aux femmes et à leur pouvoir, leur capacité à se dépasser. Pour traiter ce sujet dans le clip, j’ai mis en place un monde onirique où le symbolisme prédomine. Les animaux et les créatures aux allures quasi mythologiques représentent les totems des femmes déterminées, des guerrières qui tracent leur propre destinée pendant que le monde dort. J’ai voulu exploiter l’animation 2D pour toutes les possibilités qu’elle offre comme remplir le clip de métamorphoses, de transformations, de plonger dans des yeux qui nous amènent dans lesquels nous découvrons de nouveaux décors. Mon objectif était de faire du clip un portail entre le monde du rêve et la réalité.

Il y a beaucoup de textures différentes dans ce clip, comment les as-tu travaillé ?

Je tiens particulièrement compte de la texture dans mes créations. Au studio où j’ai réalisé ce clip, nous appelons cette phase le « Craft ». Techniquement, il s’agit d’une texture de papier recyclé que je numérise en noir et blanc, je relève le contraste pour faire ressortir le grain, puis je l’ajoute à chaque élément animé lors du compositing avec un mode de fusion. Ça prend donc un certain temps, mais c’est essentiel pour donner à l’animation un certain relief, une profondeur.

Quelles ont été les grosses étapes de fabrication de ce clip ?

Je commence par développer un scénario qui doit être en accord avec le musique et le message qu’elle véhicule. Ensuite, je réalise un storyboard animé sur la musique. Lorsque le groupe de musique valide, je commence l’animation 2D avec le logiciel Tvpaint. Pendant plus une dizaine de jours, un ami d’école animateur talentueux, Jack-Amin Ibrahim, est venu en renfort. Puis arrive le compositing réalisé sur After Effects (avec la cam 3D), où je conserve une grande liberté pour ajuster les élément de décors tout en respectant le storytelling. Ensuite, c’est l’une de mes étapes préférées : la phase de color grading. Je suis capable de faire 15 versions colorimétriques d’un seul plan pour obtenir le résultat souhaité (merci à Temple Caché de m’avoir aidé à trancher !).

Peux-tu nous parler du studio Temple caché au sein duquel tu travailles ?

J’ai découvert Temple Caché grâce au clip « Oasis » pour La Chica. Ce clip mêle des prises de vues réelles, de l’animation, du collage et a été réalisé par Marion Castéra, co-fondatrice du studio. J’ai tout de suite été séduite par l’esprit créatif du studio. J’ai rejoint la team pendant un an et demi en temps plein. Pendant cette période, j’ai eu la chance de travailler sur des projets que je trouvais très beaux ou stimulants techniquement. Aujourd’hui, je suis de retour en freelance, je collabore avec de nouveaux artistes, et j’aimerais explorer de nouveaux médias tel que la 3D ou la prise de vue tout en combinant l’animation traditionnelle. Je conserve toujours une admiration pour les projets de Temple Caché et de nouvelles collaborations sont à venir.

Quel est ton projet le plus fou en animation ?

Je dirais que c’est le clip « Touche » de O’o que j’ai co-réalisé avec Chloé Guillemet et Kelzang Ravach. C’est un clip porno d’insectes ! (Il existe d’autres catégories dans ce domaine?). Un projet assez fou, décalé, sensuel et psychédélique. J’étais très attirée par le collage digital et « Touche » a été le premier projet ou j’ai utilisé cette technique tout en la combinant avec de l’animation 2D et d’autres fx 2D/ 3D. Mixer les médias en vidéo, ça me plait énormément. C’est de la cuisine, on essaie de créer de nouvelles saveurs en combinant des ingrédients variés. Parfois, ça fonctionne très bien, parfois c’est plus difficile à digérer, mais j’adore l’exploration créative que cela implique. C’est un défi qui implique d’avoir une Direction Artistique bien définie pour créer une harmonie cohérente.

ALFA MIST – BC

ILLUSTRATION / ANIMATION : SPOD

Hello Brent ! Quelles étaient les directions d’Alfa Mist pour la série de clips que tu as réalisé ?

Ils étaient très généreux et ouverts aux propositions que je pouvais leur faire, mais l’idée de base était qu’il fallait intégrer la pochette de l’album dans la vidéo et que ce soit constamment en mouvement et en flottement. Il m’ont donné aussi d’autres indications, mais ensuite, ils m’ont fait confiance pour faire ce que j’aimais. Mon premier travail a donc été d’animer quelques chansons de l’album, j’ai commencé par animer la pochette, en l’utilisant comme base pour les autres vidéos. Comme le groupe a bien aimé la première série de vidéos, il m’a demandé de faire une longue vidéo pour tout l’album, ce qui était excitant et flatteur. Il faut dire que l’album est si bien que ça a facilité ma concentration.

C’est grâce à mon travail sur le clip « Iron Lung » de King Gizzard que le groupe m’a approché. Je l’avais fait entièrement à partir d’IA juste avant que tout ça explose. J’ai donc utilisé des techniques similaires pour Alfa Mist mais avec une technologie différente. Toutes les vidéos réalisées pour eux sont des vidéos animées manuellement que j’ai ensuite retexturé avec des outils vidéos d’intelligence artificielle.

Quel a été ton processus créatif pour réaliser ces clips ?

Mon idée principale était de donner l’impression que la pochette de l’album prenait vie. Je voulais aussi rester proche de l’esthétique d’une peinture vivante, en utilisant autant de textures de peinture à l’huile que possible : (tâches, coups de pinceau, etc) et la palette de couleurs de la pochette afin que ce soit cohérent tout au long du projet. J’ai donc gardé une ligne directrice et une palette de couleurs fixes pour chaque vidéo, tout en m’adaptant à l’atmosphère et à la dynamique de chaque morceau. J’ai donc animé manuellement chaque vidéo avec des textures de base, mais des mouvements détaillés ont été intégrés aux chansons dans After Effects et Cinema 4D, puis j’ai importé les scènes dans Warpfusion, un outil d’animation et de texturation d’IA. C’est un outil assez grossier qui est constamment en développement, mais il est vraiment passionnant à utiliser, et il est facile d’aller loin avec. Je sais que l’IA est un peu un gros mot pour certains, mais en tant que réalisateur indépendant qui travaille avec des budgets limités pour des clips, je la vois comme une excellente alliée. Vous devez juste être réfléchi lorsque vous l’utilisez et éviter de reprendre des styles d’autres artistes pour garder le vôtre. La bonne chose à propos de la pré-animation avec ce genre de programmes, c’est que vous pouvez gardez un contrôle total sur la scène et composer avec ce que vous aimeriez que l’IA fasse. Je me suis aussi beaucoup servi de mon ancien équipement analogique pour travailler les textures du clip.

Ce qui est impressionnant dans cette vidéo est la façon dont le visuel réagit à la dynamique de la musique. Comment as-tu travaillé là dessus ?

Merci ! J’essaie généralement de faire en sorte que le clip soit un reflet visuel du mouvement musical, plutôt que n’importe quelle direction narrative. Je préfère me laisser inspirer par le mouvement et l’ambiance de chaque chanson. J’ai donc animé chacune clip en synchronisation avec les principaux mouvements de la musique.

Quel est ton parcours dans l’animation ?

Cela a commencé par la nécessité de vouloir concrétiser des idées de clips, tout en autodidacte, en me cognant la tête contre des choses que je ne comprenais pas, tant qu’elles ne fonctionnaient pas. J’ai commencé à être drôlement inspiré par la série comique Tim & Erics Awesome Show, avec le travail d’animation basé sur la photo dingue qu’ils ont fait. J’ai donc découvert la personne qui était à l’origine de ça, Doug Lussenhop, et ce qu’il utilisait comme méthodes. J’ai ensuite commencé à essayer de les reproduire et à les transposer dans des clips. À partir de là, je me suis plongé dans After Effects et j’ai commencé à faire des vidéos musicales pour moi et mes amis, en allant plus loin dans le retour vidéo et les effets analogiques, puis dans la 3D. J’essaie maintenant de fusionner au maximum tous ces mondes, tout en explorant de nouvelles techniques qui me passionnent.

Quels sont les trois meilleurs clips animés de tous les temps pour toi ?

Je ne connais pas le meilleur, mais certains de mes préférés sont « Shadrach » des Beastie Boys, où ils ont peint à la main des cadres de séquences en direct. Apparemment une idée d’Adam Yauch, qui m’a captivé quand j’étais enfant. « One More Time » des Daft Punk est aussi un choix assez évident. En tant qu’enfant qui a grandi avec des dessins animés comme La Bataille des Planètes et l’animation japonaise, cela m’a vraiment touché en plein coeur. La vidéo « T69 Collapse » d’Aphex Twin est également incroyable tant le réalisateur a réussi, avec la technologie de l’époque, à créer quelque chose d’aussi frénétique et énergique que la chanson elle-même. Pour finir, je mentionnerai les vidéos de Michel Gondry et Peter Gabriel, mais c’est un peu évident.

BLANCHE DE L’OS – Urtica

ILLUSTRATION / ANIMATION : BIANCA DALL’OSSO

Hello Bianca ! Tu débutes dans l’animation en sortant un clip pour accompagner ta cover du générique de Lady Oscar. Peux-tu nous raconter cette première expérience ? 

En attendant le mastering d »Urtica », j’étais hyper impatiente et j’ai commencé à imaginer le clip un peu pour du beurre, et puis, au final chaque jour je faisais un plan et ça avait l’air de marcher donc j’ai fait un storyboard et ça a fait un clip. Ce qui est super avec l’animation c’est qu’il y a une réelle satisfaction à voir les images naître, c’est presque de la magie. Et cette chanson me procure toujours la même émotion, écoute après écoute, ce qui m’a aidé à aller au bout du projet.

Quelle est l’étape de conception de ce clip qui t’as semblé la plus difficile ? 

Tout simplement faire bouger mes images, donc un peu la base de l’animation. Heureusement, je n’avais pas de deadline et aucune pression, j’ai pu passer parfois une semaine sur un simple mouvement parce que j’apprenais en faisant avec mes bagages d’illustration et de BD. Aussi, je ne suis pas très patiente donc ça m’a beaucoup appris de ce côté là. Mais maintenant, j’ai déjà hâte d’animer ma chanson suivante pour voir mes progrès.

Tu sembles avoir lancé ton projet musical tout récemment. As-tu la volonté de faire fusionner tes deux passions : musique et illustration, sur scène ?

Oui, en septembre par exemple, grâce à Littérature etc, j’ai pu faire un concert dessiné par Avril Avilas qui illustrait mes chansons en direct et à la fin du concert, les spectateur.ice.s pouvaient récupérer les dessins. J’ai des paroles très imagées, propices à l’illustration donc je pense continuer sur cette lancée en réalisant mes propres clips et pochettes, et qui sait mes scénographies ? J’ai pensé une illustration pour un fond de scène qu’une licière de la manufacture des Gobelins est en train de tisser pour mes futurs concerts, donc affaire à suivre.

En parallèle de tes multiples activités, as-tu en tête d’autres projets de BD ?
 
Oui, ce sont des BD de science-fiction. La première est un scénario que j’ai écrit en 2019 sur Bli, une abeille tripophobe inadaptée au travail de la ruche. Le second est une collaboration avec Marine Forestier : Híppos Kampós, un récit érotique de centaures lesbiennes sur une île de boue qui se désagrège. J’ai aussi dans les placards un album jeunesse sur une planète que j’ai inventé qui s’appelle Pereia et qui parle justement de musique et d’émotions. 

Quels sont tes films d’animation préférés au monde ? 

Les classiques : Le roi et l’oiseau de Paul Grimault, Nausicaä de Miyazaki, Mindgame de Masaaki Yuasa et Adventure time de Pendleton Ward même si c’est une série. Je raffole d’animations d’oeuvres musicales donc je pense également à Fantasia de Disney (celui de 1940), Allegro non troppo de Bruno Bozetto, Yellow submarine de George Dunning et Fairy Florence de Masami Hata. Il y a quelques jours, j’ai découvert Bye-Bye Elida de Titouan Bordeau et je crois que c’est devenu un de mes préférés aussi. 

PEARL AND THE OYSTERS ft. Laetitia Sadier – Read the Room

ILLUSTRATION / ANIMATION : MICKEY MILES

Hello Mickey ! Ton esthétique est vraiment reconnaissable et truffée de références aux années 70. Qu’est-ce qui est le plus inspirant dans cette époque selon toi ?

C’est compliqué de décrire le sentiment que me procure l’esthétique visuelle des années 70, ou de déterminer en quoi cette décennie toute entière résonne si fort en moi. Je pense que ça a du être hyper excitant de vivre cette époque, même si ça a du être très intense à la fois. Je pense que cela se traduit par les empreintes visuelles et audio qu’elle a laissé dans notre culture et notre art. On retrouve un côté léger et amusant dans beaucoup de visuels de cette époque, mais également de la passion et parfois même des choses un peu plus dramatiques. Cette approche plus agressive, bruyante des mouvements a commencé dans les années 60. C’est un endroit parfait pour moi. J’ai lu quelque part que la résurgence de styles du passé est souvent liée à des évènements actuels qui reflètent le passé de notre monde. Parce que nous sommes confrontés aux mêmes genres de problèmes aujourd’hui que dans les années 70, on peut de manière inconsciente faire revenir leur esthétique également. Je pense que c’est vrai et que beaucoup de choses qui sont nées des contre-cultures des années 70 et de leur activisme sont devenues synonymes de leur courant artistique. Je pense aussi que cette esthétique est sacrément efficace et cela me parait naturel qu’on ait envie de le revisiter après 50 ans alors que ça devient frais et excitant pour ma génération, tout en amenant un doux sentiment de nostalgie aux générations précédentes. Tout le monde a quelque chose à en tirer.

En fait, aussi loin que les animations de cette époque sont allées, elles ont été faites avec beaucoup d’amour. Faites à la main, les animations réalisées avec les techniques de l’époque ont une vraie énergie qui n’est que renforcer par leurs imperfections. Parfois, le fait de voir des défauts me fait sortir de l’animation mais maintenant, avec tant de cartoons qui paraissent froids et qui sont séquencés digitalement, ça me fait apprécier l’apport de l’humain. C’est toujours plus chaleureux de se dire que l’artiste à passer un vrai temps sur les personnages, en leur donnant vie image après image. Voilà ce qui m’a inspiré à en faire de même.

Tes animations sont dessinées à la main. Peux-tu nous décrire les étapes de fabrication de la vidéo de Pearl and the Oysters ?

J’aime à penser que mon approche consiste à utiliser des méthodes traditionnelles avec des outils modernes. Le type d’animation que je réalise aurait pu être facilement accompli par un petit studio dans les années 70, mais en tant qu’artiste indépendant, j’ai besoin d’utiliser des outils comme mon iPad pour accélérer le processus. Au lieu de faire appel à des artistes individuels pour les croquis, la conception des personnages, le storyboard, le travail au trait et la mise en couleur, je suis en mesure de tout faire seul et de fonctionner seul comme un studio.

Un jour, j’aimerais travailler avec une équipe complète d’animateurs, car je ne dispose pas des compétences nécessaires pour donner vie à la plupart de mes idées, mais en tant qu’artiste travaillant dans le domaine des clips, j’ai réussi à me débrouiller assez bien tout seul. Je pense qu’une grande partie du travail consiste à comprendre ses forces et ses faiblesses et à trouver un moyen de se placer dans une position qui lui convienne le mieux. Je n’ai pas fait d’études pour ça, je suis autodidacte, donc les mouvements dynamiques et compliqués sont quelque chose que j’ai encore du mal à maîtriser. Au lieu de cela, je me concentre sur ce que je peux faire, c’est à dire accorder plus d’attention à la composition d’une scène et trouver un moyen de captiver ou d’engager le public dans les limites de mes compétences techniques. J’ai passé ma vie à analyser de l’animation, à regarder attentivement chaque scène, parfois image par image. Toutes mes animations sont réalisées grâce à un support numérique, mais j’applique les mêmes règles qu’un animateur traditionnel.

Toutes les animations que j’ai réalisées ont été illustrées dans Procreate. L’arrière-plan est regroupé en couches, placé derrière les personnages et les autres objets. J’utilise la méthode du « pelage d’oignon » pour les éléments mobiles de la scène. Une fois que le cadre est prêt, j’exporte l’ensemble de l’image au format JPEG. Je n’ai pas d’ordinateur portable et je suis donc limité à mon iPad, ce qui signifie que je ne peux pas utiliser des logiciels comme Adobe Premiere, qui faciliteraient vraiment le processus d’édition. J’utilise une application de montage vidéo simple et gratuite qui me permet d’importer chaque image et d’ajuster chaque image à 0,10 image par seconde. Cela signifie que je monte image par image et que si j’ai besoin de changer quelque chose, je dois identifier les images exactes et recomposer la scène dans Procreate.

Je ne peux généralement pas passer trop de temps sur ces projets, car ils sont très rapides, et je n’ai donc pas beaucoup de temps pour planifier les choses. Je fais approuver l’idée générale par le groupe et je me lance, souvent en inventant au fur et à mesure en gardant un cadre assez structuré à l’esprit. Encore une fois, j’aimerais un jour travailler avec une équipe afin d’avoir plus de temps pour étoffer ces idées et voir ce que je pourrais faire dans un délai raisonnable. Au cas où vous seriez curieux d’en savoir plus sur le temps que ça me prend, j’ai réussi à animer 5 secondes du clip en une journée de travail et j’ai terminé « Read The Room » en moins d’un mois. 

Tu sembles être très intéressé par la scène musicale indépendante. Es-tu également musicien ?

Je ne suis pas musicien moi-même. J’ai l’impression de savoir à peine chanter, même si j’aime bien le faire. Je suis plutôt un consommateur de musique et, depuis peu, un collaborateur visuel. La musique a toujours été ma principale source d’inspiration. C’est de là que viennent toutes mes idées et elle me relie aux mondes que j’ai imaginés.

Même si je ne dirais pas que j’ai jamais été un grand acteur, quand j’étais jeune, je jouais souvent à faire semblant et je demandais à ma jeune sœur de jouer les histoires que j’avais imaginées pour nous. La musique était omniprésente dans notre maison, si bien que mes jeux avaient toujours une bande sonore. Je me souviens d’avoir écouté très jeune The Continuing Story Of Bungalow Bill (ndlr. des Beatles) en me glissant dans la maison et en me prenant pour un chasseur de gros gibier à la recherche d’un tigre. Je me souviens aussi d’avoir ressenti l’émotion du Fantôme de l’Opéra et d’avoir imaginé à quoi ressemblerait un tel personnage, sans avoir d’autre contexte que celui décrit par ma mère. Lorsque j’ai appris que la plupart des musiques que j’entendais avaient une signification et une histoire, je demandais à mes parents d’expliquer les paroles de chaque chanson depuis la banquette arrière de notre monospace. Cela m’a permis d’imaginer en permanence les images qui accompagneraient la musique. Je ne pense pas qu’une grande partie de moi-même existerait sans la musique. Elle m’inspire et influence mon travail comme rien d’autre ne peut le faire. Faire de l’art pour la musique me semble donc naturel, comme quelque chose que j’ai déjà fait pendant la plus grande partie de ma vie.

Peux-tu nous en dire plus sur New Commute

New Commute est un blog audiovisuel qui se concentre sur la musique et l’art sous-estimés du passé et d’aujourd’hui. Avec des playlists, des interviews, des critiques et un tas de trucs ésotériques bizarres, le blog partage les choses les meilleures et les plus intéressantes que vous voudrez connaître.

David, le fondateur du blog, m’a d’abord découvert grâce à mon travail avec Alex Izenberg. Il m’a soumis l’idée de travailler sur une série continue de portraits pour accompagner les playlists créées par les artistes présentés. Nous avons discuté au téléphone de différentes options pour la direction visuelle ainsi que d’idées de titres. Le titre « Autoportrait » s’est imposé parce qu’il semblait fonctionner à plusieurs niveaux thématiques. Le plus évident étant qu’il s’agit d’une série de portraits, mais aussi l’idée que ces musiciens composent une liste de chansons qui représente vraiment ce qu’ils sont. C’est ce qui m’a donné l’idée de les encadrer dans un miroir, un reflet de soi.

J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler sur ce projet et sur la conception générale des portraits. C’est un excellent moyen pour moi de développer mon style de personnage et de m’entraîner à travailler leur ressemblance. À part une animation de célébration du Nouvel An que j’ai terminée à temps pour le début de l’année 2023, nous avons quelques autres projets en cours dont je ne peux pas parler ici, mais j’ai vraiment adoré ma collaboration avec ce blog et j’attends avec impatience les plans futurs

Tu dessines également beaucoup de bandes dessinées. Envisages-tu d’en publier une un jour ?

La création de bandes dessinées est quelque chose qui m’a intéressé depuis que j’ai dessiné mes propres personnages à l’école primaire. J’avais l’habitude de dessiner des pages de ces histoires pour m’amuser avec mes amis pendant l’heure d’études ou chaque fois que je le pouvais. Je pense que j’ai vraiment commencé à m’y intéresser lorsque j’ai découvert Calvin et Hobbes à cette époque. Cependant, après cette courte période, j’ai en quelque sorte mis ce hobby de côté pour la décennie suivante. Je me concentrais davantage sur l’amélioration de mes talents de dessinateur et ce n’est que récemment, avec mon projet pour les sections locales de l’Utah, Toothpicks, que je l’ai repris. J’avais oublié à quel point j’aimais ce moyen de raconter des histoires visuellement et j’avais en fait prévu de suivre cette voie plutôt que celle de l’animation.

Ma passion première a toujours été le cinéma, mais pour y parvenir, il faut une équipe de talent, du matériel coûteux, des décors, des accessoires, etc, autant d’éléments auxquels je n’avais pas accès dans la banlieue du comté d’Utah. Je ne pouvais pas me payer une école de cinéma et j’ai réalisé que j’aurais plus de chances d’illustrer mes visions sous forme de bandes dessinées, qui serviraient de storyboards.

Cela a été de courte durée lorsque j’ai réalisé que je pouvais aller plus loin et m’investir pleinement dans l’animation. Donc, bien que je prévois de m’en tenir à l’animation pour l’instant, je ne suis pas opposé à l’idée d’explorer la création de bandes dessinées à l’avenir. Même si elle sert de storyboard pour d’autres idées d’animation.

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