Décryptage : Nos clips animés préférés d’octobre

Chaque fin de mois, Kiblind donne la parole à l’artiste derrière l’artiste : l’illustrateur.rice chargé.e de retranscrire la musique en images. Retrouvez nos clips musicaux animés préférés de ce mois d’octobre, décryptés par ceux qui les ont fabriqués.

On ne vous l’apprendra pas : l’illustration est partout. Elle a envahi nos murs, nos comptes Instagram (bon, on y est peut-être pour quelque chose), nos objets, nos vêtements, nos pochettes de disques, notre page Youtube… Et c’est bien normal, il faut dire que c’est elle la meilleure toutes catégories pour faire joliment passer des messages et provoquer des émotions. Les artistes là dessous l’ont bien compris et l’ont utilisé au service d’un autre art capital : la musique.

Voici donc la sélection de nos clips animés et illustrés chouchous du mois d’octobre, décortiqués par leurs créateur.rice.s qui ont gentiment répondu à nos questions.

YOSOYMATT – AURORA DIJO ADIÓS (FRENCH BRAIDS & EVA DE MARCE)

ILLUSTRATION / ANIMATION : IVAN R. GRAJEDA

Salut Ivan, peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours en illustration / animation ?

Hey, je m’appelle Ivan. Je suis réalisateur, illustrateur, animateur 2D, motion graphic designer et post-producteur. Mais avant tout, je suis un imaginatif. Ma première rencontre avec l’illustration et l’animation 2D a eu lieu à un moment de crise existentielle, au début de la pandémie. C’est dans les moments d’ennui et d’isolement dans mon bureau (à domicile) que j’ai commencé à chercher de nouvelles façons d’exprimer mes idées. Je n’ai pas étudié l’animation ou l’illustration, mais je me considère comme un amateur avec beaucoup d’expérience et qui a la volonté d’en apprendre tous les jours davantage sur cette incroyable technique.

Quand tu as écouté pour la première fois la chanson de YoSoyMatt, quelles images te sont venues à l’esprit ?

La première fois que j’ai entendu cette chanson, l’image d’une femme qui naît avec la puissance d’un volcan en elle m’est immédiatement venue à l’esprit.

Peux-tu nous expliquer comment tu as travaillé sur ce clip, du premier dessin à la vidéo finale ?

La première chose a été d’écouter profondément la chanson. Ensuite, j’ai eu une réunion avec YosoyMatt et Dani pour entendre ce que pensait l’auteur de la chanson. Pour moi, il est très important de comprendre l’artiste et la nature de la chanson car j’ai besoin d’être connecté à l’âme du projet. Matt et Dani ont été les meilleurs partenaires au cours de ce voyage, car ils m’ont fait confiance tout au long de mon travail. Ils m’ont donné toute la liberté créative nécessaire pour construire ces graphiques magiques. Ensuite, j’ai commencé à dessiner les idées qui me venaient à l’esprit, tout en démarrant le processus d’animation, c’est la façon dont je me sens le plus à l’aise pour travailler. Moins de réflexion et plus d’action, c’est ma devise. J’illustre et j’anime tout avec mon Ipad en utilisant Procreate (c’est l’outil que je recommande à tous ceux qui veulent s’initier à l’animation 2D). Mes principales références étaient la pochette de la chanson, mon énorme bibliothèque de références (sur Pinterest, bien sûr), et les idées visuelles que Dani et Matt m’ont envoyée. Pour assembler tous les éléments, j’ai terminé le projet avec Adobe Premiere Pro, où j’ai effectué tous les ajustements de post-production afin qu’il soit prêt à être lancé sur toutes les plateformes de médias sociaux.

Comment la musique de YoSoyMatt et l’animation sont-elles liées ici ?

Avec l’animation, j’ai cherché à transmettre la passion de YoSoyMatt et la force de « la fille du volcan » à travers le style de mes traits et de l’animation, si vous y prêtez attention, les traits semblent négligés et sales, de cette façon je voulais capturer la force volcanique et l’esprit passionné qui enveloppe toute la chanson.

Est-ce que tu peux nous citer 2 projets d’illustration sur lesquels tu as travaillé et dont tu es particulièrement fier ?

Ximena Sariñana – Nostalgia, a été l’un de mes tout premiers clips vidéo. J’ai eu l’occasion de diriger une équipe de créatifs, ainsi que d’illustrer et d’animer l’entièreté du projet. Et cela peut paraître un peu « noob », mais je suis fier de chacune des illustrations et animations que je fais pour moi juste pour le plaisir et que vous pouvez voir sur mon Instagram.

Quelle est, selon toi, la meilleure vidéo d’animation jamais réalisée ?

J’en ai trois, la première est le clip vidéo de la chanson Grey to Green de Lydia Lee, dont l’animateur est l’un des meilleurs illustrateurs 2D latino-américains (selon moi) Marcos Sánchez, du Chili. La deuxième vidéo est en fait un film intitulé Loving Vincent de Dorota Kobiela et Hugh Welchman. Et la troisième est le court-métrage Travelogue Tel Aviv de Samuel Patthey (recherchez-le sur Vimeo, vous en aurez plein les yeux).

CLAPTRAP – YOU, OPERATOR

ILLUSTRATION / ANIMATION : GEOFFROY PITHON/ JULIEN FUNKEN

Salut Julien. Pour commencer, peux-tu m’écrire quelques mots pour présenter Claptrap en tant que membre du label sur lequel le projet va sortir ?

Originellement conçues par Eric Pasquereau, (musicien entre autres dans La Colonie de Vacances) les chansons de Claptrap ont été décomposées, déformées, travesties puis recomposées avec Julien Chevalier, Paul Loiseau et Vincent Robert (croisés chez Borja Flames, La Terre Tremble !!! ou Electric Electric). Ce qui nous a beaucoup plu dans cet album, au-delà de la qualité des compositions sous influence bossa nova, ce sont ces riches arrangements combinant harmonies pop et passages atonaux. Le groupe crée une ambiance singulière qui peut faire écho aux précédentes sorties du label plus ouvertement expérimentales. 

Quel était ta volonté et celle du groupe pour ce clip ?

“You, Operator” est le premier “single” de l’album Adulting à paraître le 28 janvier prochain. La volonté du label et du groupe était de dévoiler simplement ce premier morceau le visuel de l’album, signé de l’artiste Nantais Geoffroy Pithon (Peintre et designer graphique). Vous pouvez découvrir une partie de ces travaux sur son compte intagram.

Comment as-tu réussi à travailler la narration ici, en partant simplement de peintures ? 

Le principe de cette vidéo est parti d’une contrainte : réaliser un clip de 4 minutes à partir d’une seule et unique image, la pochette de l’album. La peinture originale proposée par Geoffroy Pithon étant riche en formes/couleurs/matières, j’ai eu envie de travailler sur des détails, en découpant différents fragments en couches de couleurs. J’ai ensuite pu créer de courtes boucles animées. Cette matière m’a permis de construire une narration et un rythme allant de motifs abstraits – animés –  jusqu’au dévoilement figuratif final, la pochette – fixe -.

As-tu animé d’autres clips ? Si oui, lesquels ? 

En 2019 j’ai co-réalisé avec Jean-Baptiste Geoffroy un clip animé pour le titre « Vesprir » de Tachycardie (un je-ne-sais-quoi) visible ici. En 2018, j’ai réalisé un clip animé pour AWARDS, mon groupe avec l’artiste Canadien Thesis Sahib (Animal Street) visible ici. En 2014, un clip qui mélange prise de vue réelle et animation pour mon projet solo, Funken (Platinum Records) visible ici.

Si tu ne pouvais regarder en boucle que trois clips dans ta vie, lesquels seraient-ils ? 

Toute ma vie c’est surement trop, mais voila 3 clips très différents que j’aime beaucoup : “Rascal” de RMR réalisé par Gabe, « Catadioptre Ambidextre » de PNEU réalisé par les talentueux Mizotte et Cabecou et « The Magician » d’Andy Shauf réalisé par Winston Hacking.

CLÉMENT WALKER – SANS TOI

ILLUSTRATION/ANIMATION : ALBANE CHAUMET

Salut Albane, peux-tu nous raconter la naissance de ta collaboration avec Clément Walker pour ce clip ?

Je connais Clément depuis longtemps. Nous avons travaillé ensemble sur différents projets en animation où il composait la musique. Lorsqu’il m’a dit qu’il sortait un EP et dès que j’ai eu la chance d’en écouter les premiers extraits, j’ai instantanément visualisé des couleurs et des textures. Cette pop psyché mélangeant synthés, cordes et cris d’oiseaux m’a donné envie de développer un univers visuel multicolore et fourmillant de détails. Alors je lui ai proposé une collaboration pour un clip. 

Quelles références / directives t’as t’on donné avant d’attaquer la conception de ce clip ? 

Le projet musical de Clément est un concept album qui raconte l’odyssée de l’Homme bleu, un humanoïde venu de l’espace. Dans « Sans toi », il découvre la rupture amoureuse. Il fallait donc rester dans ce sujet. Clément souhaitait également que le clip fasse écho au reste de l’histoire de son personnage : il y est question d’un pêcheur de perles, de sirènes, d’une île tropicale et bien d’autres choses. J’ai donc disséminé des éléments un peu partout dans les plans afin que l’on puisse poser un regard nouveau sur ces images lorsque tous les morceaux seront sortis. Sur le plan esthétique, Clément connaît bien mon travail et il m’a fait confiance.  

Quel degré de liberté as-tu pu t’accorder pour réaliser ce clip, notamment pour en imaginer l’histoire ?

Excepté les envies de Clément que je viens d’évoquer, j’ai eu carte blanche donc une totale liberté autant sur le plan narratif que sur le plan graphique. Dans les paroles de la chanson, le sujet de la rupture est évident. J’ai voulu le décaler légèrement et avec mon producteur, Clément Treboux (Melting Productions), nous avons imaginé l’histoire de cette plante qui dépérit malgré tous les efforts de son jardinier amoureux. 

Peux-tu nous raconter les différentes étapes de conception du clip de la première idée à la réalisation finale ?

J’avais une liste d’envies de départ – l’appartement cabinet de curiosités, le balcon aux plantes luxuriantes, les objets magiques, l’île imaginaire – et je me suis servie de la métaphore florale comme fil conducteur narratif pour les regrouper. Mes premières impressions à l’écoute du morceau étaient chromatiques et tout naturellement, la couleur a pris une place de premier plan dans le projet. Je l’ai voulue vive, éclatante, en remède à la mélancolie du morceau. À la fin, la fleur jusqu’alors rabougrie s’enflamme d’une palette chatoyante en célébration au pouvoir de la couleur. 

Tu as réalisé l’illustration mais aussi l’animation de ce clip, comment t’es-tu formée dans ces deux domaines ? 

J’ai fait mes études à l’ENSAD où j’ai beaucoup hésité entre ces 2 disciplines. Finalement, c’est en animation que je me suis spécialisée. J’ai très vite été séduite par les possibilités infinies qu’offre ce domaine artistique qui à un côté art total. Je trouve toujours très excitant de me dire que dans le cadre du même projet, il va être question d’écriture, de mise en scène, d’image, de jeu d’acteur, de musique, de bruitages et je suis sûre que j’oublie des choses ! Maintenant, je travaille sur des projets en animation et aussi en illustration, celui-ci était l’occasion idéale de combiner les 2.

En plus de ces deux disciplines bien prenantes, tu fais aussi de la broderie et de la céramique. Quel est le prochain skill à ajouter à ta liste ? 

J’aimerais beaucoup fabriquer des tapis, j’y réfléchis depuis plusieurs mois. Je pense également à développer une recherche entre la vidéo et l’animation avec des décors et des costumes peints… Je ne manque ni d’envies, ni d’idées !

LE CLIP BONUS¨* : DEERHOOF – BE UNBARRED, O YE GATES OF HELL

ANIMATION : GEOFF HOSKINSON

Bonjour Geoff, alors qui es-tu ?

Je suis un réalisateur, un illustrateur et un animateur.                                                                                                                     

L’histoire derrière cette musique est épique. Ce n’était pas trop compliqué de la mettre en images ?

Lorsque je crée des clips, je considère toujours mon rôle comme complémentaire à la vision de l’artiste. Pour moi, il ne s’agit pas vraiment de traduire les paroles en images. Il s’agit de créer une expérience visuelle unique qui, à sa manière, fonctionne harmonieusement avec le message et l’esthétique de la chanson.

Il semble que tu fais beaucoup de vidéos animées pour Joyful Noise Recordings, comment cette collaboration a commencé ?

Il y a quelques années, j’ai réalisé un clip pour le morceau « Chinchilla » de Sleeping Bag + Rozwell Kid. Karl Hofstetter, le fondateur et conservateur de Joyful Noise Recordings, avait vu la vidéo et m’a contacté directement pour me demander si je serais intéressé par la réalisation de vidéos musicales pour certains artistes de Joyful Noise. J’étais tout à fait partant. Mon premier projet avec JNR a été un clip pour « State of Mine » de Sebadoh. C’était une opportunité incroyable. Depuis, j’ai été impliqué dans divers projets vidéo pour JNR.

Peux-tu décrire les différentes étapes pour illustrer et animer ce clip, de la première idée à la vidéo finale ?

Tout d’abord, j’écoute toujours le morceau de nombreuses fois. Pour moi, les sons informent chaque décision créative. Je ne me lance pas dans un projet de vidéo musicale avec des idées préconçues. En général, après avoir médité sur la chanson pendant un certain temps, je vois le concept visuel principal en un clin d’œil. Je vois en quelque sorte le tout dans ma tête. Ensuite, un récit ou un thème prend rapidement forme et je commence à dessiner tous les éléments visuels sur papier. À partir de ce moment-là, tout le processus se transforme en mode de production pure. Pour « Be Unbarred, O Ye Gates of Hell », j’ai créé toutes les illustrations finales dans Photoshop, puis je les ai animées avec After Effects.

Quelles sont tes principales inspirations dans la vie quotidienne et dans l’art ?

 Je suis inspiré par la vérité, la beauté et la véritable expression humaine. Je considère l’art visuel comme une forme de langage et je m’efforce de donner un sens à mon art.

À l’avenir, les tomates gagneront-elles ?

Qu’en pensez-vous ?

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