Décryptage : nos clips préférés de l’été 2023

Chaque mois, Kiblind donne la parole à l’artiste derrière l’artiste : l’illustrateur.rice chargé.e de retranscrire la musique en images. Retrouvez nos clips musicaux animés préférés de l’été décryptés par ceux qui les ont fabriqués.

On ne vous l’apprendra pas : l’illustration est partout. Elle a envahi nos murs, nos comptes Instagram (bon, on y est peut-être pour quelque chose), nos objets, nos vêtements, nos pochettes de disques, notre page Youtube… Et c’est bien normal, il faut dire que c’est elle la meilleure toutes catégories pour faire joliment passer des messages et provoquer des émotions. Les artistes là dessous l’ont bien compris et l’ont utilisé au service d’un autre art capital : la musique.

Découvrez la sélection de nos clips animés et illustrés favoris sortis au cours de l’été 2023, décortiqués par leurs créateur.rice.s qui ont gentiment répondu à nos questions.

YUSSEF DAYES FEAT. TOM MISCH – RUST

DIRECTION, DESIGN & ÉDITION 2D : JACK BROWN

Hello Jack, avec ce clip, il s’agit de ta troisième collaboration avec le duo formé par Yussef Dayes et Tom Misch. Comment tout ça a commencé ?

En fait, tout a commencé pendant le confinement. J’ai réalisé que personne ne pourrait filmer quoi que ce soit et que l’animation devrait donc sauver la mise pour le contenu. J’ai rassemblé toutes les adresses mails que j’ai pu trouver des managers de mes artistes préférés et l’équipe de Tom m’a contacté presque immédiatement pour réaliser la vidéo de Nightrider.

Quel est ton niveau de liberté dans la réalisation de leurs clips ?

Immense ! Tom et Yussef ont toujours eu confiance en mon travail. Pour Tidal Wave, toute la phase de développement du concept s’est faite par un coup de fil avec Tom alors que je me promenais sur la plage en Cornouailles. Nous avons simplement discuté de notre amour du surf et nous nous sommes mis d’accord sur la direction à prendre, puis c’était parti. Cette époque me manque !

Quelles ont été tes inspirations pour cette réalisation ?

Yussef a un son intemporel et sa musique a toujours été liée au monde naturel. Je voulais essayer de capturer cette ambiance pour la vidéo tout en la gardant assez simple.

L’animation de “Rust” mêle 2D et 3D, qu’est-ce que le mélange apporte à ta narration ?

En parlant de simplicité, ce n’était certainement pas le cas ! Mélanger les deux médias a toujours été quelque chose que j’avais envie de faire, même si je n’ai jamais été un grand fan de l’aspect 3D. J’aime l’esthétique analogique et artisanale que la musique de Yussef capture toujours, alors je voulais essayer de créer quelque chose qui maintienne ce sentiment. L’animation 3D est aussi un excellent moyen d’obtenir des mouvements de caméra intéressants et la première fois que j’ai écouté la chanson, j’ai eu l’impression de tourner autour de la musique, comme si vous l’entendiez sous des angles différents en permanence. C’est trippant.

En réalité vous étiez plus d’une dizaine de personnes à travailler sur ce clip. Travailler en équipe est un défi supplémentaire ou un soulagement pour toi ?

Cela peut être un véritable défi lorsque vous produisez vous-même le film tout en réalisant une grande partie de l’animation et de la conception. Mais dans le domaine de l’animation, à moins de vouloir rester seul dans une pièce sombre pendant six mois, il vaut mieux s’entourer d’une équipe de personnes intelligentes pour vous aider.

Tu as aussi réalisé le clip animé du remix de The Weeknd “Save your tears ft Ariana Grande”. Avec quel(s) autre(s) artiste(s) aimerais-tu travailler ?

Ah, il y a tellement de gens avec qui j’aimerais travailler, pour n’en citer que quelques-uns : Mac DeMarco, Amyl and the Sniffers, Danny Brown, Pharrell, Brent Faiyaz… La liste est longue….

KLEM H – LIBERTY

ILLUSTRATION & ANIMATION : MARTHE AUBINEAU & MARINE BROSSEAU

Salut à vous deux, Marthe et Marine ! Vous avez donc collaboré dans la réalisation visuelle de “Liberty”, comment vous êtes vous retrouvées à travailler ensemble sur ce projet ? 

Marthe : Nous avons été dans la même classe pendant deux ans à l’École de Design Nantes Atlantique. Nous avions travaillé ensemble à l’époque sur un « poster animé » dans le cadre d’un cours de graphisme, et nous avions été très complémentaires, tant sur le plan méthodologique que dans la rencontre de nos univers artistiques. Donc lorsque Klem H m’a proposé de réaliser un clip pour « Liberty », j’ai tout de suite pensé à Marine, dont j’apprécie particulièrement l’univers.

Comment les rôles étaient répartis entre vous ?

Marthe : Le travail a été réparti équitablement à chaque étape du processus : du story-board à l’animation. Comme Marine est en freelance et que moi je terminais mon master pendant la réalisation, nous avons travaillé « en différé » et nous nous envoyions nos progressions à chaque avancée. Dès que l’une bloquait sur une illustration ou l’animation d’une partie du clip, l’autre prenait le relais. Nous ne nous sommes réunies que pour s’accorder sur le synopsis, et pour faire les dernières retouches.

Aviez-vous déjà réalisé des clips auparavant et si oui lesquels ?

Nous n’avions jamais réalisé de clip, ou du moins pas professionnellement (les clips faits au collège sur IMovie, ça compte ?).

Le clip de « Liberty » est à l’image de son titre, doux et poétique. Quelles ont été vos inspirations, avez-vous eu carte blanche pour le créer ?

Klem H nous a laissé carte blanche totale pour ce clip et nous lui en sommes très reconnaissantes. Nous avions même l’opportunité de choisir la musique de l’album pour laquelle nous avions envie de réaliser un clip !

Notre inspiration première découle du film La Planète Sauvage de René Laloux : entre surréalisme et science-fiction. Nous nous sommes nourries de l’esthétique d’artistes tels que Marìa Medem, Victor Mosquera, Jean-Michel Folon, Manshen Lo ou encore Ken Price… Nous aimons les univers poétiques et oniriques qui suscitent des émotions et des images fortes.

En parlant de liberté, si vous pouviez réaliser le projet illustré de vos rêve, ce serait lequel ? 

Marthe : Mon rêve (mais alors vraiment rêve ultime inatteignable) ce serait de réaliser un court-métrage avec un maître de l’animation japonaise (Mamoru Hosoda, Hayao Miyazaki…). Mais si on reste plus réaliste, j’adorerais réaliser un clip pour des artistes comme Zaho de Sagazan, Polo & Pan, Paradis, L’Impératrice

Marine : J’adorerais réaliser mon propre court-métrage d’animation pour partager mon univers, affiner mon style et expérimenter de nouvelles techniques. J’ai vraiment apprécié la collaboration avec Marthe sur ce clip et ça me plairait de réitérer l’expérience pour d’autres artistes comme Tame Impala, Lorn ou encore Lewis OfMan.

ALAN PALOMO FEAT. MAC DEMARCO – NUDISTA MUNDIAL ’89

ILLUSTRATION & ANIMATION : JOHNNY WOODS

Hello Johnny, comment t’es-tu retrouvé à réaliser le clip “Nudista Mundial ’89” ?

Alan Palomo et moi travaillons ensemble depuis longtemps. Nous sommes également des amis très proches. J’ai commencé à travailler avec lui et Neon Indian [groupe de musique mené par Alan Palomo ndlr.] en 2010, en réalisant d’abord des vidéos pour leurs concerts. Alan et moi avons eu une connexion instantanée en parlant de films et de vidéos, donc la collaboration a toujours été naturelle. Nous avons même réalisé un court-métrage ensemble pour le Musée d’art contemporain de Los Angeles en 2012.

Environ un an avant la vidéo de « Nudista Mundial ’89 », je lui ai montré des choses sur lesquelles je travaillais pour un film intitulé Godkrusher (encore inédit). Le film parle d’un jeu vidéo NES, et j’ai été engagé pour animer les parties du jeu dans les moindres détails, en respectant les capacités de la NES. Quelques mois plus tard, il m’a demandé si je voulais faire quelque chose de similaire pour son nouvel album, basé sur la série de jeux Leisure Suit Larry.

Tu as clairement suivi le parti pris du jeu vidéo maxi pixélisé – en ajoutant même du texte – ce qui offre une histoire indépendante de la musique. Quelles ont été tes consignes de départ pour la direction artistique du clip ?

Alan a en fait écrit toute l’histoire et tous les dialogues. Nous avons passé quelques mois en préproduction, et pendant qu’il imaginait l’histoire, j’imaginais les obstacles techniques que nous allions devoir surmonter. De nombreux clips tentent d’imiter le style d’un jeu vidéo, mais Alan et moi avons très vite compris que nous ne voulions pas nous contenter de faire référence aux jeux originaux, mais que nous voulions que le film leur ressemble exactement, ce qui signifie qu’il faut travailler très soigneusement en respectant les limites des ordinateurs pour lesquels Leisure Suit Larry (LSL) a été conçu à l’origine. LSL2 et LSL3 fonctionnaient sur le même moteur graphique, et tous deux avaient un aspect que nous aimions, nous les avons donc choisis comme points de référence.

À partir de là, il s’agissait simplement de copier les spécifications techniques et le style artistique aussi fidèlement que possible – ce qui signifiait tout faire à une résolution de 320×200 pixels, et utiliser un ensemble fixe de seulement 16 couleurs de la palette CGA 4 bits. Il s’agissait d’une limitation vraiment laborieuse qui nous a contraints à une méthode de travail extrêmement spécifique, mais qui a finalement permis d’obtenir une vidéo finale dont l’aspect est pratiquement identique à celui des jeux originaux.

Peux-tu nous expliquer les grandes étapes de fabrication du projet ?

Tout a commencé en regardant une tonne de LSL2 et LSL3 et en prenant des notes sur les différentes scènes, les personnages et les éléments que nous pourrions utiliser comme référence. J’ai probablement fait des captures d’écran de presque tous les éléments de ces jeux. Dans la mesure du possible, nous avons essayé de copier directement les éléments qui auraient un sens dans notre histoire. Ainsi, si nous pouvions redessiner au pixel près une voiture, un bâtiment ou même un arrière-plan entier, nous commencions par là. Bien entendu, tout devait être entièrement refait à la main dans Photoshop, généralement un pixel à la fois. L’histoire de « Nudista Mundial ’89 » se déroule dans un cadre très spécifique – l’île d’Ibiza, où l’on fait la fête – qui a une esthétique particulière, et nous avons donc passé beaucoup de temps à modifier les illustrations pour qu’elles correspondent à cette ambiance.

Une fois tous les décors réalisés, il était temps de commencer à travailler sur les personnages. Une fois encore, j’ai puisé des références image par image dans les jeux originaux. Je voulais vraiment que les cycles de marche et les autres animations soient enracinés dans le style original. Ensuite, j’ai dessiné les personnages de notre histoire par-dessus les références. C’est la partie qui a probablement pris le plus de temps. Dessiner les personnages correctement peut vraiment faire ou défaire une histoire, et avec une résolution aussi faible, chaque pixel compte. Le déplacement d’un seul pixel vers le haut ou vers le bas peut faire une énorme différence dans une pose.

Il y avait également une poignée de scènes coupées, qui ont dû être dessinées en grande partie à partir de zéro. Je les ai réalisées en dernier, une fois que je me suis senti à l’aise avec le style général. Une fois que j’avais rassemblé toutes les illustrations, il était temps de commencer l’animation. Au début, j’ai essayé d’utiliser After Effects, mais il n’offre pas de bons outils pour travailler avec des images de pixels très précises, alors j’ai fini par animer presque tout, une image à la fois, dans Photoshop. C’était beaucoup de copier-coller, mais en fin de compte, c’était probablement la façon la plus rapide de faire les choses avec précision. Au fur et à mesure que les montages bruts prenaient forme, nous revenions en arrière pour ajouter plus de détails – de petits éléments d’arrière-plan, des personnages supplémentaires, etc… Alan est vraiment doué pour trouver toutes les petites choses que l’on ne remarque pas et qui rendent l’histoire plus vivante.

Nous avions un délai très court, et j’ai un travail à plein temps et un bébé, alors les deux dernières semaines, je manquais de temps. Mais Alan avait encore toutes ces petites choses sympas qu’il voulait ajouter. Je lui ai donc expliqué le processus, il a appris Photoshop et il a animé tout un tas de choses dans la vidéo finale. Il est très doué dans tous les domaines, et c’était amusant de le voir se salir les mains sur ce projet.

Quelle a été ta principale difficulté, s’il y en a eu une ?

Honnêtement, la quasi-totalité de ce projet a été difficile. Dessiner de cette manière est très fastidieux, mais peut aussi demander beaucoup de créativité. Vous ne disposez que de 16 couleurs au total, y compris le noir, le blanc et le gris, et chaque couleur a une variante foncée et une variante claire, ce qui fait qu’il s’agit plutôt de 5 couleurs. Pour les tons chair, vous devez vous contenter du rouge, du magenta ou du jaune. Et pour quelque chose comme la chemise hawaïenne de Mac, vous devez faire toute une gymnastique mentale pour essayer de l’interpréter en une poignée de couleurs. De plus, la résolution avec laquelle vous travaillez est si faible que vous devez illustrer quelque chose comme un string dans un carré de 8 pixels. Mais encore une fois, je pense que c’est ce qui définit vraiment l’esthétique des jeux originaux, alors c’était amusant d’essayer de le comprendre.

Tu réalises de nombreux projets d’animations pour différents médiums et ta palette de style est large, rien ne se ressemble ! Pourrais-tu décrire ton travail et ce qui t’inspire ?

Ce qui m’inspire le plus, c’est de faire quelque chose que je n’ai jamais fait auparavant. J’aime beaucoup l’aspect technique de l’animation et l’élaboration de nouveaux processus et flux de travail. C’est à peu près 90 % de ce qui m’amuse. Si quelqu’un me demandait de faire une autre vidéo comme « Nudista », je dirais probablement non (à moins que ce ne soit pour une grosse somme d’argent, bien sûr). Lorsque nous avons commencé, c’était très excitant parce que je devais découvrir toutes ces nouvelles méthodes de travail. J’aime faire des choses comme créer des actions Photoshop, des modèles, toutes les petites choses du flux de travail qui facilitent la vie. Mais une fois que tous ces outils sont construits et que tous les défis techniques sont relevés, cela devient moins amusant pour moi.

Il est donc logique que mes projets semblent diversifiés d’un point de vue stylistique, mais pour moi, ils commencent tous par la même question. Généralement, les projets auxquels je réponds par l’affirmative sont ceux dont je n’ai aucune idée de la manière de les réaliser – ou qui me permettent d’explorer plus en profondeur un processus que j’ai déjà expérimenté. J’ai une émission qui sera bientôt diffusée sur Adult Swim et qui a été réalisée à l’aide d’une caméra contrôlée par un robot et d’un système de retour d’information vidéo. Elle ne ressemble en rien à « Nudista », mais elle nécessite le même type de résolution de problèmes techniques et de réflexion sur les processus.
Je ne me considère pas vraiment comme un artiste, en fait – je me sens plutôt comme un ingénieur qui conçoit des choses qui peuvent ressembler à de l’art.

MISO EXTRA – 50/50

ILLUSTRATION & ANIMATION : TAKU MIKAMI

Hello Taku, il semblerait qu’il s’agit de ta première animation de clip, comment est né ce projet entre toi et Miso Extra ?

J’avais l’habitude de faire des sortes de GIFS. J’avais créé une courte animation d’environ une seconde, qui a probablement attiré son attention, et ce projet s’est concrétisé. Trois minutes d’animation, c’est quelque chose que je n’avais jamais fait auparavant, et bien sûr, j’étais assez nerveuse, mais j’ai décidé de faire de mon mieux parce que j’avais envie d’essayer.

Peux-tu nous dire quel à été ton processus de création de l’idée de départ au résultat final ?

Tout d’abord, Miso m’a envoyé la musique et les paroles. Ensuite, j’ai créé le scénario. Il m’a fallu environ deux mois pour terminer l’animation en créant des scènes avec soin ! Je n’avais pas les compétences nécessaires pour utiliser un logiciel de montage, alors j’ai utilisé une technique analogique consistant à dessiner des images numériques une par une sur mon iPad.

Quel est ton parcours personnel en tant qu’illustratrice ?

J’ai commencé à travailler en tant qu’illustratrice il y a environ deux ans, après avoir obtenu un diplôme d’une école d’art et fréquenté une école d’illustration. J’ai créé des albums commandés par des artistes étrangers, conçu des tapis et participé à des expositions, et je dessine un large éventail d’illustrations.

Ton style, que l’on retrouve sans équivoque dans 50/50, à une forte empreinte rétro et en même temps, un penchant futuriste. Quelles sont tes inspirations ?

Depuis mon enfance, j’aime lire les magazines de manga japonais des années 70, et plus généralement, j’aime le design et le style à la fois rétro et futuriste des années 70. Écouter de la musique de différentes époques est une autre source d’inspiration. J’écoute souvent de la musique néo-soul et électronique lorsque je dessine des illustrations.

Est-ce que le fait de passer de l’illustration à l’animation à été un challenge pour toi ?

Je n’ai absolument aucune expérience en matière d’animation, ce qui est plus difficile que je ne le pensais. L’un des attraits de mon pays, le Japon, est sa richesse en matière d’animation. J’aimerais donc acquérir davantage de connaissances dans ce domaine et élever mon niveau d’animation à niveau supérieur pour réaliser ce que je veux, comme je l’imagine.

Après cette expérience d’animation franchement réussie, quels sont tes futurs projets ? 

J’ai ressenti un grand sentiment d’accomplissement et de confiance en créant cette animation, et j’aimerais en créer d’autres à l’avenir. J’aimerais également continuer à développer mon expression en dehors de l’illustration et de l’animation.

MAX CAZ – NEW-YORK AU MILIEU DES SPECTRES

RÉALISATION : LÉA TRAN & CLAIRE MDÉ


Hello Claire et Léa ! Vous avez donc réalisé le clip “New York au milieu de spectres” pour Max Caz, comment ce projet a vu le jour ?

Claire : C’est Léa qui est venue me voir parce qu’elle avait vu une annonce de recherche d’animateur.rices pour un clip en animation. Comme on avait rien prévu de spécial l’été dernier et qu’on voulait travailler ensemble, on s’est proposées.

Aviez-vous déjà réalisé des projets d’animation auparavant, seules ou ensemble ?

Claire : Oui ! En ce qui me concerne suis encore étudiante en animation donc j’ai fait des projets de cours ainsi qu’un film de diplôme. Par contre, c’est ma première commande professionnelle.

Léa : Je viens plutôt de l’illustration et de la peinture perso, mais j’ai déjà aidé sur des projets d’animation, notamment des films de Claire, et j’aime bien m’attaquer à des choses que je maîtrise pas, donc c’était une bonne opportunité ce clip !

Aviez-vous des contraintes particulières pour créer le clip ou bien une totale liberté de création ?

Max et son équipe nous ont donné quelques directions de base pour l’ambiance du clip et l’histoire, notamment l’idée de la boîte de nuit inspirée du célèbre club Max’s Kansas City, mais l’ensemble était très libre après. On avait prévu un déroulé plus audacieux à l’origine avec un récit plus développé, mais la principale contrainte était le temps (durée du clip et
deadline), ce qui nous a obligées à réduire le nombre de décors et de personnages.

Pouvez-vous nous expliquer les différentes étapes de fabrication du clip et le temps nécessaire à tout ça ?

Claire : Alors… Notre plan de base, c’était de réaliser un clip de fou en papier découpé en genre 2 mois d’été, en se disant qu’une deadline aussi courte nous amènerait à faire des choix efficaces. C’était évidemment infaisable, alors on a revu le projet et choisi d’animer sur After Effects plutôt que sous caméra. Ça nous semblait plus rapide (hum hum) et nous permettait de travailler à distance sans banc-titre ni poste de travail fixe. On a quand même fabriqué un maximum de marionnettes et de décors en papier qu’on a ensuite scannés histoire d’avoir un rendu le moins numérique possible. En tout, la production a duré quasiment 10 mois, parce qu’on ne pouvait pas travailler dessus à temps plein, et qu’il y a eu pas mal de changements autant dans nos choix de réalisation que dans les retours.

Léa : J’ai quasiment appris à utiliser After Effects avec ce clip personnellement, donc le processus de création n’était probablement pas optimal : j’ai créé le décor 3D de la boîte dans After (1703 calques en tout…), et la majorité des plans étaient animés dedans ensuite, donc les fichiers étaient très lourds et les exports étaient si longs, ne reproduisez pas ça chez vous les enfants !

Claire : Pourtant je pense que Léa maîtrise bien mieux After Effects que moi alors que j’ai eu des cours dessus et elle non.

Est-ce que vous aimeriez faire d’autres clips animés prochainement, ensemble ou séparément ?

Claire : Franchement oui ! Si une occasion se présente pourquoi pas. C’est une autre manière de travailler en comparaison à de la fiction (par exemple) mais j’aime bien créer à partir de musiques. Et perso, ça ne me dérangerait pas de retravailler avec Léa, mais je ne sais pas si elle le voudrait… En tout cas, elle ne veut clairement plus repasser sur mes fichiers After Effects !

Léa : Oui carrément, clip ou autre chose d’ailleurs ! J’ai l’impression de ne pas être allée au bout des choses ici, par manque de temps et de matos. J’ai quelques projets de court-métrages en tête qui finiront peut-être par voir le jour prochainement, qui sait…

CRUMB – CRUSHXD

CINÉMATOGRAPHIE & RÉALISATION : ALEX FUTTERSAK

Hello Alex, tu avais déjà collaboré avec Crumb sur le clip de “Locket” en 2019, mais cette fois il s’agit d’une création 100% animée. Comment est né ce projet ?

J’ai une longue histoire avec Crumb qui commence avec la vidéo de « Locket ». C’est à cette occasion que j’ai rencontré pour la première fois le groupe et le réalisateur Haoyan. Depuis, j’ai travaillé sur la plupart de leurs vidéos (la plupart du temps de manière mineure) et j’ai observé l’évolution de leur style. Après des années d’amitié et d’admiration mutuelle, il était enfin temps de collaborer sur quelque chose de grand !

Dans ce clip, il semble que de nombreuses techniques soient utilisées, peux-tu nous détailler un peu les méthodes de créations dont tu t’es servi ?

J’ai travaillé sur ce projet avec Abraham El-Makawy, qui en a eu la vision créative initiale. Alors qu’Abe et le groupe expliquaient comment ils envisageaient le monde et les personnages, j’ai commencé à créer les matériaux 3D. Abe et moi venons d’univers différents, mais nous avons tous les deux un grand catalogue d’art numérique qui nous inspire. Nous avons discuté longuement de chaque petite décision, en nous concentrant sur l’innovation et en évitant de faire référence à quoi que ce soit de particulier. J’espère que nous pourrons un jour plonger encore plus profondément dans ce projet ! Réduire ce projet à ses règles essentielles a été le plus grand défi pour nous.

La texture des combinaisons des personnages est particulière, comme vaporeuse et solide à la fois, comment t’y es tu pris ?

La texture est ce que je préfère travailler en 3D. J’ai essayé de trouver un équilibre entre le physique et le numérique, le stop-motion et la miniature. Mais je pense aussi que la direction d’Abe s’appuyait sur l’idée d’une technologie venue d’un autre lieu ou d’une autre époque… Je ne sais pas si c’est un autre monde ou simplement un monde futuriste. Nous nous sommes amusés à créer des règles cohérentes pour notre monde.

Lorsqu’on regarde plus en détail tes travaux, on peut dire que tu manies à merveille le changement de style. Est-ce que c’est une façon pour toi d’adapter ton travail à la demande ou bien tu te retrouves dans tous ces univers ?

L’astuce pour moi est de créer ces règles visuelles cohérentes, de repousser leurs limites, de les tester en permanence et d’aller jusqu’au bout. Chaque pièce que je ferai sera traitée différemment, c’est la seule façon que je connaisse de faire des choses. J’essaie vraiment de faire en sorte que les choses aient un sens par rapport à elles-mêmes. Je me demande toujours si j’ai un style dominant. Globalement, l’art numérique est dans un générateur d’IA en temps réel, un moment de course à l’espace et je pense que beaucoup se sentent amenés à repousser les limites de ce qu’il est possible de faire. C’est une période amusante.

Quel est ton parcours dans le domaine de l’animation ?

J’ai commencé vers 2019, mais mon premier clip complet a été réalisé avec Haoyan of America en 2020. Pendant la pandémie, nous n’avons pas pu filmer. Nous avons donc commencé à nous tourner vers l’animation. Cette expérience a changé ma vie. J’ai passé les trois années suivantes à regarder un ordinateur et j’ai appris beaucoup de trucs en cours de route.

Peux-tu nous parler d’un projet à venir ?

Je ne peux pas le dire précisément, mais j’ai passé une partie de l’année à travailler sur quelques publicités, sur un long métrage indépendant avec des artistes extraordinaires, et maintenant sur mon travail personnel. Je suis un livre ouvert et je cherche toujours de nouveaux artistes avec qui travailler. Donc n’hésitez pas à me solliciter ! Merci beaucoup pour vos questions, si d’autres personnes en ont encore, elles peuvent me contacter par DM afin de discuter d’art.

D.A. STERN – DON’T TAKE YOUR HEARTACHE OUT ON THE WORLD

DA & ILLUSTRATION : NATHAN GELGUD // ANIMATION : PATRICIA LUNA

Salut à vous Patricia et Nathan ! Vous avez collaboré sur la réalisation de “Don’t Take Your Heartache Out On The World”. Avant ça, aviez-vous déjà travaillé sur un projet de clip animé ?

Nathan : Non, c’était notre première collaboration. Nous avons été présentés par l’illustratrice Joanna Neborsky.

Patricia : En effet, Nathan est entré en contact avec moi par l’intermédiaire de Joanna Neborsky, une amie et collaboratrice que nous avons en commun. Il avait déjà une chanson et une idée en tête.

Comment est né ce projet entre vous et D.A Stern ?

Nathan : J’ai rencontré David à une fête d’Halloween l’année dernière. Il était Barf dans Spaceballs, j’étais John Lennon même si je n’aime pas les Beatles. Il m’a demandé plus tard si je faisais de l’animation. Je n’en fais pas vraiment, mais j’ai demandé à Joanna si elle pouvait me montrer comment elle faisait la sienne. Elle m’a dit que Patricia serait d’une meilleure aide.

Nathan, pour la direction artistique, est-ce que tu as plutôt adapté ton idée à la chanson ou bien la musique / les paroles ont été la base de ton processus de création ?

J’ai eu l’idée de placer David au milieu d’un groupe de personnages étranges. Le premier dessin que j’ai fait le représentait à un match de base-ball, entouré d’autres personnages bizarres, mais c’était une scène assez statique. Le fait de le mettre dans un bus lui a donné du mouvement. Et maintenant que j’y pense, il y a ce sentiment de « mauvais bus », comme dans Stardust Memories. Ce sentiment d’être coincé avec les perdants.

Patricia, de ton côté tu ne fais pas seulement de l’animation. Tu crées également de nombreuses illustrations dans tout un tas de registres différents, variant les supports et les techniques. Qu’est ce que tu préfères faire par-dessus tout ?

J’adore dessiner et j’aime vraiment tout ce qui implique de dessiner de manière surréaliste, loufoque ou maladroite : cela inclut à la fois l’animation et les images fixes. J’aime aussi animer sur de la musique.

Si vous pouviez à nouveau réaliser un clip, avec quel artiste musical aimeriez-vous collaborer ?

Patricia : Il y en a tellement ! Cate Le Bon, Charlotte Adigéry & Bolis Pupul, Circuit des Yeux, Tierra Whack, Lido Pimienta, pour n’en citer que quelques-uns. J’aimerais également réaliser d’autres clips avec les musiciens avec lesquels j’ai déjà travaillé par le passé.

Nathan : Thelonious Monk.

PLUS DE CLIPS ANIMÉS

Restez Connecté

Recevez nos dernières actus, nouveaux talents et musique

Fermer la recherche