Décryptage : Nos clips animés préférés de mars

Chaque fin de mois, Kiblind donne la parole à l’artiste derrière l’artiste : l’illustrateur.rice chargé.e de retranscrire la musique en images. Retrouvez nos clips musicaux animés préférés du mois de mars décryptés par ceux qui les ont fabriqués.

On ne vous l’apprendra pas : l’illustration est partout. Elle a envahi nos murs, nos comptes Instagram (bon, on y est peut-être pour quelque chose), nos objets, nos vêtements, nos pochettes de disques, notre page Youtube… Et c’est bien normal, il faut dire que c’est elle la meilleure toutes catégories pour faire joliment passer des messages et provoquer des émotions. Les artistes là dessous l’ont bien compris et l’ont utilisé au service d’un autre art capital : la musique.

Voici donc la sélection de nos clips animés et illustrés chouchous du mois de mars, décortiqués par leurs créateur.rice.s qui ont gentiment répondu à nos questions.

HECTOR GACHAN – ASKING FOR A FRIEND

ILLUSTRATION : MARIA JESUS CONTRERAS
ANIMATION : RAMI GUINGUIS


Hello Maria, comment as-tu fait la connaissance du label Nice Guys pour cette vidéo ?

Le label m’a contacté sur les recommandations d’Hector Gachan (dont le vrai nom est Hayam). Il m’a dit plus tard qu’il avait beaucoup aimé cette illustration en particulier sur mon Instagram. Je n’avais jamais rencontré de musicien comme Hector, c’est une personne vraiment humble et positive. C’est contagieux. J’étais honorée de faire quelque chose pour lui. Je trouve ça si beau et à la fois, c’est une telle responsabilité de donner une image à une musique que l’on peut seulement écouter.

As-tu déjà travaillé sur des projets d’animation avant celui-ci ?

Oui, quelques uns ! Pour un groupe qui s’appelle Bendigo Fletcher. Mais le style est complètement différent de ce que je fais aujourd’hui. Je faisais de l’illustration depuis 3 ans et je voulais tellement la faire, que j’avais accepté sans avoir aucune expérience (comme souvent, je crois). Mais j’étais en phase avec eux comme je le suis avec Hayam. Ils sont de Louisville dans le Kentucky et Hayam est originaire de Sarajevo, et on est accorde tous beaucoup d’importance à nos racines. J’adore travailler avec des musiciens, apprendre d’où leur musique vient.

Quel était le brief pour cette vidéo et ton degré de liberté pour la réaliser ?

Je n’avais aucune directive, le label m’a juste dit qu’il voulait que ce soit une sorte de voyage. On a eu plusieurs discussions avec Hector, et il m’a raconté sa vie à Sarajevo, à quel point il adorait ce lieu. En prenant en compte les paroles de la chanson, on s’est dit que ce qui avait le plus de sens était de retranscrire sa vie d’enfant dans cette ville. Hector a donc écrit un scénario sur ce qui allait arriver et sur certains endroits et certaines choses de Sarajevo. Les paroles de cette chanson me rende d’ailleurs très nostalgique, ce qui est paradoxal par rapport à la façon très joyeuse dont elle sonne. Je pense que ça colle très bien avec mes dessins, qui sont très colorés mais toujours un peu nostalgiques.

Peux-tu nous décrire plus précisément la façon dont tu as illustré et animé ce clip ?

J’ai d’abord fait un storyboard, et ensuite, j’ai tout dessiné grâce à Illustrator. Ensuite, j’ai utilisé Photoshop pour intégrer des textures et j’ai travaillé avec mon bon ami Rami Guinguis, qui a rassemblé tout ça sur After Effects.

Qu’est-ce que la musique provoque chez toi ?

La musique provoque en moi un sentiment encore plus fort que le dessin. Quand j’étais petite, je voulais en faire mon métier, et j’ai demandé à mes parents qu’il m’achète un violon. À cette époque, nous n’avions pas assez d’argent pour ce qu’un instrument et des cours impliquent, donc je me suis mise au dessin. Aujourd’hui, en tant qu’adulte, je peux rester connectée à la musique grâce à l’illustration et je suis vraiment reconnaissante que les musiciens me laissent prendre part à leur monde.

Tu utilises toujours la même palette de couleurs dans tes illustrations. Peux-tu nous parler de ce choix ?

On peut dire ça, oui. Parfois, ça change un peu, mais j’utilise toujours des couleurs très saturées, ou ce qui pourrait ressembler le plus aux couleurs de boites de feutres pour enfants ou de pâte à modeler. J’ai entendu une fois dire qu’une affiche devrait être un hurlement sur un mur, et j’aime beaucoup cette idée.

Quelles sont tes inspirations dans la vie de tous les jours ?

Les souvenirs, les amis, les memes. J’adorerais dire que le futur et le présent sont des choses inspirantes, mais je dois avouer que je vis beaucoup dans le passé.

WEIRD NIGHTMARE – SEARCHING FOR YOU

ANIMATION : JORDAN MINKOFF


Salut Jordan. Peux-tu nous dire quand tu t’es lancé dans l’animation et quelle a été ta première vidéo ?

J’ai commencé l’animation en 2016 lorsque j’ai fait la vidéo du morceau « Bump » pour le groupe Mozart Sister’s (qui s’appelle désormais Cecile Believe). On avait eu des subventions pour filmer plusieurs vidéos et c’est là que je me suis dit que je pouvais aussi y intégrer mes peintures. Dans la vidéo, tout a été peint à la main avec de la peinture acrylique, puis scanné et édité sur l’ordinateur. C’était un peu grossier, mais pas si mal. Je viens juste de la revoir pour répondre à cette question. J’imagine que j’ai appris beaucoup depuis, mais pourtant, je n’ai toujours aucune idée de ce que je fais.

Peux-tu nous expliquer les différentes phases de conception de cette vidéo pour Weird Nightmare ?

La vidéo a été faite par le réalisateur Torontois Ryan Thompson. Son concept avait déjà été approuvé par le label (Sub Pop) avec l’idée de faire des prises de vue réelles, mais ils se sont ensuite dit que ça serait sans doute mieux animé. Ensuite, Ryan a vu ce que je faisais grâce à internet et m’a demandé si je voulais le faire. J’ai suivi son storyboard et je l’ai un peu ajusté par rapport à ce que je pouvais faire ou non. J’ai commencé à définir les personnages principaux et les couleurs, puis j’ai fait de mon mieux pour rester sur ces bases. Ça m’a pris à peu près un mois pour faire la vidéo. Je dois avouer que l’expérience était plus relax que d’habitude, comme c’est la première fois que je ne m’occupe pas aussi de la réalisation.

Peux-tu nous raconter l’histoire qui se passe dans ce clip avec tes propres mots ?

Non, mais Ryan peut… : « C’est un cauchemar. Pour que ce soit cohérent avec la vibe du morceau, l’intention était de montrer le moment où un rêve normal se transforme en terrible cauchemar. Des situations normales qui d’un coup, vrillent complètement. Dans ce cas précis, la pauvre livreuse de pizzas est en train de se faire un peu d’argent pour acheter des billets pour aller voir Weird Nightmare quand elle devient, soudain, la victime d’un monstre pizza déchainé. Ajoutez à cela la spirale descendante classique de l’auto-réflexion et vous obtenez un drôle de cauchemar. Mais la bonne nouvelle est qu’à la fin, elle livre quand même dans les temps. »

Quelle est ton film animé préféré ?

Honnêtement, je n’en connais pas beaucoup, donc je ne suis pas un expert en la matière, mais quand j’ai du mal à trouver l’inspiration, je regarder le court-métrage Aeg Maha de Priit Pärn. Je ne crois pas avoir déjà vu quelque chose de mieux que ça.

Quels sont tes projets ?

Je viens juste de terminer un clip pour Built to Spill, le morceau s’appelle « Gonna Lose ». Je pense que ça va sortir mi avril. Et sinon, en ce moment, je travaille sur l’identité visuelle de l’album de l’artiste Montréalais Regular Fantasy. Il y a aussi d’autres projets qui devraient arriver ensuite, mais j’espère aussi trouver du temps pour faire mes propres clips.

LETTING UP DESPITE GREAT FAULTS – SELF PORTRAIT

ANIMATION : BENJAMIN VIOLET


Salut Benjamin, peux-tu nous parler de ton parcours en illustration et animation ?

J’ai toujours voulu être réalisateur de films, mais j’ai fini par aller dans une université à Seattle qui n’offrait pas de formation pour poursuivre cette carrière. Par contre, il proposait d’acquérir de solides bases en illustration. Je me suis penché sur l’aspect visuel de la narration de films, et dès que possible, je me suis servi des projets d’école pour m’auto apprendre l’animation. Par exemple, nous avions un projet où nous devions créer un autoportrait miniature, et j’en ai profité pour créer cette animation bâclée, mais mignonne. Après avoir terminé l’Université, j’ai commencé à me construire une petite base de clients pour des clips musicaux et j’ai eu la chance de pouvoir travailler avec certains de mes artistes préférés comme Polyphonic Spree, Kishi Bashi et The Toadies.

Quel a été ton degré de liberté pour réaliser le clip de Letting Up Despite Great Faults ?

Je me suis senti vraiment en confiance sur ce projet. Mike Lee, le chanteur du groupe, m’a demandé de faire quelque chose avec des miroirs, mais pour le reste, j’avais carte blanche. J’avais déjà fait des « lyric videos » pour eux dans le passé et j’avais beaucoup aimé travailler avec eux. Cela dit, quand on me donne trop de liberté, il y a toujours ce moment de peur avant de leur envoyer une première ébauche. Ce moment un peu bizarre où je me dis : « bon, j’espère que ça passe ». Mais ils ont toujours été adorables et positifs.

Tu as utilisé beaucoup d’anciennes illustrations dans cette vidéo, d’où viennent-elles ?

Je suis toujours à la recherche d’images et de matériaux qui pourront être utiles pour mes prochaines vidéos. C’est incroyable que je ne sois pas devenu un accumulateur maladif, c’est difficile de savoir de quoi sera fait ma prochaine vidéo. Par exemple, j’ai un gros sac rempli de branches quasiment uniformes dans mon placard, au cas où j’en aurais besoin un jour pour un projet. Mon endroit préféré pour trouver des choses chez moi à Austin, Texas, s’appelle Austin Creative Reuse. Ils collectent toutes sortes de donations de vieux magazines, de vêtements, de matériaux artisanaux, de vieilles poupées… C’est une pure merveille. Si je ne trouve pas ce dont j’ai besoin dans ma collection personnelle, je dois malheureusement me tourner vers internet parfois. Mais ça devient tellement compliqué de trouver des choses intéressantes sur internet, et puis, l’expérience de la chine n’est pas la même…

Peux-tu nous en dire plus sur la typographie rouge à lèvre utilisée dans ce clip ?

Le texte est écrit avec ma propre écriture en utilisant le brush « Number 2 Pencil » sur Photoshop avec un Apple Pencil. J’ai cherché longtemps une meilleure option de brush, mais je n’ai rien trouvé de plus convaincant. C’est bien de faire simple quand on peut.

On dirait que tu aimes utiliser différents types de médias dans tes vidéos : des collages, des illustrations… Quel genre de vidéo préfères-tu faire ?

J’adore tout mélanger. J’aime travailler sur des projets multimédias et faire des marionnettes en papier découpé. Dernièrement, je me suis penché sur la peinture pour l’animation, ce qui m’a semblé apaisant. Je crois que j’ai appris que tant que mes mains participent physiquement au processus d’animation, je suis heureux ! Il y a aussi une tradition occulte fascinante dans l’histoire de l’animation qui joue sur la nécromancie et la magie des golems. C’est cette tradition qui rend si spécial le fait de travailler avec des matériaux trouvés et de leur donner vie. Travailler avec de la viande fraîche pour la « Ballad of Mr. Steak » de Kishi Bashi a été un plaisir particulier – un plaisir dégoûtant, mais délicieux !

Pour quel groupe rêverais-tu de faire un clip ?

J’en ai toute une liste ! J’adorerai travailler avec Perfume Genius. Big Thief écrit aussi les chansons les plus imaginatives du moment, ça serait un projet de rêve aussi. La luxuriance d’Angel Olsen excite également mon penchant pour le maximalisme… et il y en a tant d’autres. Je lance juste l’idée : appelez-moi, écrivez-moi !

KO SHIN MOON ft. CEM KÖKLÜKAYA – ESKI DOSTUM

ANIMATION : ALEX MOON & ELLIE PRITTS


Salut Alex. Peux-tu nous dire comment s’est passé le travail à quatre mains avec Ellie Prits ?

Cela a été le fruit de plusieurs aller-retours. Dans un premier temps, nous avons (Ko shin Moon) shooté des images sur fond vert, à la maison dans notre studio, un peu à l’arrache à vrai dire, et Cem, le chanteur, en studio photo à Istanbul. J’ai ensuite fait un premier montage fond vert, avec un travail d’animation en numérique sur After Effect. Je l’ai envoyé à Ellie, qui à fait un premier travail en analogique, en supprimant le fond vert et en ajoutant des glitch, le résultat n’était pas optimal, car les images que nous avions filmé étaient trop sombres. Nous avons donc décidé de procéder différemment, Ellie m’a envoyé une série de fonds animés qui étaient le fruit d’un travail de Glitch analogique pur, que j’ai incrusté au montage digital. J’ai retravaillé le montage en fonction des fonds d’Ellie, puis j’ai mélangé son premier montage en tout analogique au montage hybride digital/analogique. 

On sent que vous vous êtes pas mal éclaté sur l’animation de ce clip, quelle était votre volonté de départ ? 

L’idée, c’est de faire une animation rétro futuriste, avec un côté gaming qui fasse écho au son « 8 bit » du morceau. On voulait de la couleur, du glitch et un côté un fantasque, coloré. Et puis on avait besoin de quelque chose qui soit faisable en homemade, avec peu de budget.  On avait déjà expérimenté le côté fond vert et animation sur un clip précédent, Al-Ghali, sorti l’année dernière, et je me sentais plus à l’aise à l’idée de refaire un clip avec cet outil. 

Quels sont vos prochains grands projets sur fond vert ?

 Si un jour on peut débloquer un peu plus de moyens, j’aimerais travailler sur de l’animation pure avec une équipe qui maitrise d’autre types de techniques comme la 3D, ou l’animation dessin, le stop motion. Aussi je trouvais intéressant l’idée d’intégrer des fonds verts dans des espaces réels. J’avais récemment en tête un clip genre roman de la rose en 3D photoréaliste, avec des personnages hybrides mi-êtres humains mi-animal. 

L’esthétique glitch est omniprésente dans ce clip. Pour ou contre le retour de la VHS ? 

J’ai la trentaine, la VHS ça m’évoque beaucoup de souvenirs, mes premiers émois sont sur VHS, les films de mon enfance sont inextricablement liés à la texture de ce support. Après je ne suis ni pour ni contre, je ne sais pas vraiment si cela apporterait quelque chose à l’expérience de spectateur. Par contre j’aime l’idée de pouvoir, dans la création actuelle, utiliser différents supports qui évoquent aussi différentes périodes, et de les mélanger. De la 3D avec de la VHS, de la pellicule avec du digital, j’aime ce jeu avec les supports comme matières et les références qui vont avec. Je ne suis pas un maniaque du rétro. 

L’EP Miniatures #2 va bientôt voir le jour, peux-tu nous dire comment ce projet collaboratif a t’il pris forme ? 

On avait envie de travailler avec d’autres personnes, d’ouvrir notre espace de création. Le projet que l’on mène n’est pas un égo trip, on ne ressent pas le besoin d’être au centre de la musique produit. On souhaite juste que la musique soit belle, intéressante, surprenante ou drôle, et qu’elle offre quelque chose à l’auditeur. Pour cette série d’EP Miniature, l’idée c’était de travailler notamment autours de différents répertoires traditionnels. On a beaucoup écouté de musiques de l’ouest méditerranéen (Grèce, Balkans, Turquie, Levant, Egypte…), on avait envie dans un premier temps de collaborer avec des musiciens de ces régions, d’explorer et découvrir ces répertoires avec eux et de les mettre en valeur. Nous souhaitions aussi rendre hommage aux musiciens de ces régions qui nous inspirent, via des clins d’oeil stylistiques. C’est vraiment fantastique en musique de pouvoir faire ça, de se rencontrer, d’échanger et de créer ensemble. Nous avons rencontré de belles personnes, talentueuses, généreuses et on espère que le résultat est à la hauteur de leur qualités artistiques.  

Quelle est ton film / clip animé préféré au monde ? 

Dure comme question, je suis un gros fan d’Akira, un de mes premiers chocs animés, sur VHS d’ailleurs, et en particulier pour la musique. J’aime aussi beaucoup Le Roi et L’oiseau, pas du tout le même univers, mais j’ai découvert ces deux animés à la même période, petit et sur VHS.

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