Décryptage : Nos clips animés préférés de l’été

Après un été à 2 à l’heure puis une rentrée à 2000 à l’heure, voici venu le temps pour nous de publier notre top des clips animés de l’été. Et la formule reste la même, Kiblind donne la parole à l’artiste derrière l’artiste : les illustrateur.rices et animateur.rices chargé.es de retranscrire la musique en images.

On ne vous l’apprendra pas : l’illustration est partout. Elle a envahi nos murs, nos comptes Instagram (bon, on y est peut-être pour quelque chose), nos objets, nos vêtements, nos pochettes de disques, notre page Youtube… Et c’est bien normal, il faut dire que c’est elle la meilleure toutes catégories pour faire joliment passer des messages et provoquer des émotions. Les artistes là dessous l’ont bien compris et l’ont utilisé au service d’un autre art capital : la musique.

Parce qu’on s’est légèrement fait happer par la rentrée, on vous propose cette fois la sélection de nos clips animés et illustrés chouchous de l’été, décortiqués par leurs créateur.rice.s qui ont gentiment répondu à nos questions.

NOVEMBER ULTRA – COME INTO MY ARMS

RÉALISATION : TAMERLAN BEKMURZAYEV
PRODUCTION : REMEMBERS (JOSÉPHINE MANCINI, UGO BIENVENU, FÉLIX DE GIVRY)

Vous avez réalisé un véritable court-métrage d’animation pour le clip « come into my arms » de November Ultra. Quelles étaient les directives côté label ? 

Tamerlan : le label m’a laissé une très grande liberté artistique, comme mon univers graphique est proche de celui de November Ultra j’ai eu quasiment carte blanche sur mon interprétation visuelle de « Come Into my arms ». C’est le rythme de la musique qui m’a amené à découper le clip de manière narrative, comme je l’aurais fait pour un court métrage. La musique m’a évoqué l’idée d’un voyage, qui prend son temps pour dépeindre une journée et tout ce qu’elle peut comporter de simple et de beau.

Quelles étaient vos références visuelles / artistiques pour ce clip ? 

Tamerlan : L’illustration jeunesse a été une très grande source d’inspiration, notamment le travail de E.H. Shepard et ses dessins de Winnie l’ourson, mais aussi les illustrations d’Akiko Hayashi. Leurs manières de dépeindre des petites scènes de quotidiens d’enfants qui s’ennuient, s’amusent, explorent, m’ont beaucoup inspiré. J’ai choisi de mettre en scène l’artiste, Nova, enfant, dans un monde de jouets. Les photos de maisons de poupée, les maquettes de train et scènettes miniatures m’ont permis d’imaginer les décors du film. Dans ces maquettes les rapports de proportions sont souvent faux, les portes trop grandes, les trains trop petits, les horloges trop grandes, mais je trouve que ces défauts font justement le charme de ces maquettes, j’ai essayé d’incorporer ces petits détails dans les décors du film.

Comment vous êtes-vous répartit les tâches ici ? 

Tamerlan : J’ai travaillé en équipe sur ce projet, pendant environ quatre mois.  J’ai commencé par réaliser un storyboard et une animatique, ainsi que quelques images définitives – pour trouver le style général. Ensuite, j’ai été accompagnée de Julie Fournier, Quentin Rigaux, Adam Sillard, Emmanuel Lantam, Mathilde Loubes, Antoine Bonnet et Laura Passalacqua sur l’animation. Louise Seynhaeve a fait le colorscript et m’a aidé aux décors. Laura Passalacqua m’a aussi soutenu sur toute la fin du clip, pendant la dernière étape du compositing. 

Pouvez-vous nous parler des différentes étapes par lesquelles vous êtes passés pour réaliser ce clip ?

Tamerlan : Dès le début, l’objectif avec ce clip était de représenter quelque chose de doux, de rond qui puisse servir au mieux la forte émotion que porte la musique et la voix de November Ultra. C’est après quelques échanges avec Ugo Bienvenu et Emmanuel Lantam sur l’imaginaire de l’enfance qu’est venue l’idée de cette petite fille dans un univers miniature qui vient se réconforter dans ses propres bras. Comme si une enfant jouait avec un petit personnage et lui inventait tout un monde. Le miniature m’a amené à revoir les proportions et j’ai ainsi imaginé une pluie de gouttes géantes, qui ponctue tout le long du voyage de la petite fille. Le récit en tête, j’ai dessiné l’image qui me paraissait la plus forte dans ce clip : celle de Nova miniature dans ses propres mains. Cette image a défini le ton et le visuel du film. Le clip a été entièrement fabriqué sur TvPaint et la suite Adobe (Photoshop, Première, After Effect) mais j’ai essayé de garder au maximum une qualité traditionnelle, que les traits aient l’air de traits de crayons, que les décors donnent une impression de gouaches peintes à la main. Je me suis basée sur une banque de textures que j’ai fait à la peinture et que j’ai ensuite scanné, puis je l’ai appliqué dans les décors pour leur donner plus de rugosité.

Avec Remembers, vous avez réalisé de nombreux clips dont récemment un clip pour The Weeknd. Pouvez-vous nous parler de votre boîte de production et des différents types de projets sur lesquels vous bossez ? 

Remembers : Remembers est un studio, un espace de création, tout en étant une société de production. Nous produisons des films de commandes, développons des courts et longs métrages, en animation 2D, 3D mais aussi en prise de vue réelle. Pour les clips, nous sommes très attachés à l’idée des « cartes blanches ». Nous aimons travailler avec des labels ou artistes qui laissent aux réalisateur.rices une liberté nécessaire à l’élaboration d’oeuvres narratives, riches et ambitieuses esthétiquement. Les clips permettent souvent aux réalisateur.rices de travailler en équipe dans un cadre de production relativement court et dans une économie honnête. Ainsi, leur travail est rapidement accessible, diffusé, valorisé et peut dépasser plus aisément les frontières du milieu de l’animation. 

CRYSTAL GLASS – NOCTURNAL THOUGHT BUS

ANIMATION : HANNAH VAN DER WEIDE

Salut Hannah ! Est-ce que « Nocturnal Thought Bus » est la première vidéo que tu illustres et animes ? Si oui, quels ont été les principaux défis à relever ici ?

Hello ! « Nocturnal Thought Bus » n’est pas la première vidéo que je réalise (j’ai fait quelques animations pour des évènements de poésie), mais c’était par contre le premier clip, et la première fois que je faisais une animation de plus de 4 minutes. Les principaux défis ont été de rendre le tout cohérent, les arrière-plans étant tous en aquarelle – il est assez difficile de s’assurer que tout dans une scène soit échelonné de la même façon – et d’arranger l’histoire de manière à ce qu’elle s’enchaîne correctement. Le temps nécessaire à la réalisation de ce projet a aussi était un défi de taille, tout comme le fait d’essayer de ne pas se perdre dans la masse de travail. Heureusement, Crystal Glass a été un super groupe avec qui travailler, ils ont toujours été très patients et m’ont laissé travailler librement, ce qui est très important dans ces longues missions.

Tu sembles beaucoup dessiner avec des techniques traditionnelles. N’est-il pas trop compliqué de passer du dessin traditionnel au numérique ?

J’ai parfois du mal à combiner le traditionnel et le numérique ; j’aime vraiment l’aspect du dessin traditionnel, mais cela prendrait trop de temps de rendre la partie animation traditionnelle également, c’est pourquoi je choisis de les combiner. C’est un bon compromis pour moi. Ce sont des méthodes de travail très différentes et j’adore les deux, mais il faut expérimenter un peu si on veut qu’elles se marient bien ensemble. Je pense qu’il est possible de les combiner de manière à en tirer un bénéfice visuel, mais j’essaie toujours de faire mieux à chaque nouvelle animation.

Quelle scène de ce clip t’as-t’elle pris le plus de temps à animer et pourquoi ?

Il y a plusieurs scènes qui me viennent à l’esprit en fait : celle où le bus tourne et roule (flotte ?) vers la caméra. Il a fallu quelques essais et erreurs pour m’assurer que la perspective était correcte. J’ai pensé à faire d’abord un modèle en 3D puis à le rotoscoper, mais il m’aurait fallu d’abord apprendre la 3D. Au final, j’ai pris la vue latérale du bus et je l’ai transformée en perspective avant de la retracer. Ensuite, il y a une scène sur laquelle j’ai travaillé pendant de nombreux jours. Il s’agit de la scène où le personnage principal se roule dans son lit et que j’ai fini par retirer de l’animation parce que je n’arrivais pas à en faire quelque chose de bien. Je l’ai même animé sous deux angles différents, mais ça paraissait toujours bizarre et interrompait l’histoire. Au final, j’ai opté pour une solution plus simple, et ça a donné de meilleurs résultats.

Peux-tu nous parler de tes études et de la façon dont tu t’es lancée dans l’animation ?

Quand j’étais petite, je n’ai jamais voulu aller dans une école d’art, car je pensais qu’il n’y aurait pas de travail dans ce domaine, même si j’adorais l’art. Après quelques essais, j’ai cédé et j’ai fini par aller à l’Académie Minerva à Groningen, aux Pays-Bas. Pendant mes études, j’ai eu l’occasion de faire de l’animation, principalement pour réaliser des travaux pour de la poésie. Dans mon école, il y avait aussi un cours intitulé « film & ink », où nous faisions de l’animation en gravure. Ce cours était vraiment laborieux et imprévisible, mais vraiment amusant. Je pense qu’une fois que j’ai expérimenté la capacité de faire bouger un personnage, ou de faire une petite scène amusante, j’ai été accroché par la puissance qui s’en dégageait et j’adorais la finalité. Ce qui est chouette avec l’animation, c’est qu’il y a tellement de façons différentes de faire d’en faire qu’on peut toujours apprendre quelque chose de nouveau.

On se retrouve plongés dans un rêve dans cette vidéo. La représentation de l’onirisme est-elle récurrente dans tes créations ?

Oui, je pense. J’aime beaucoup le réalisme magique et le surréalisme, et je pense que ces genres sont très oniriques. J’adore l’idée que lorsque l’on éprouve un sentiment si profond, on a l’impression qu’il pourrait se manifester à l’extérieur de soi en quelque chose de tangible. J’aime aussi le côté visuel de ce sentiment. En dehors de cela, j’aime comment dans les rêves on peut ressentir une émotion très profonde et spécifique, même si ce qui se passe peut être bizarre ou ridicule. Il y a une animation sur YouTube de Shingo Tamagawa appelée Puparia qui est très parfaite pour représenter ce qu’on ne peut pas saisir immédiatement, tout en faisant ressentir une émotion qu’on ne ressent pas habituellement. C’est mon animation préférée, et un bon moyen de comprendre cette « connexion à l’insaisissable ».

Ton univers est rempli de personnages, peux-tu nous en parler ?

Je ne pense pas très consciemment à mes personnages quand je les crée, mais maintenant que j’y réfléchis, je me rends compte que je suis attirée par les personnages qui sont un peu tristes, ou effrayés, ou méchants, un peu mauvais. Ce sont leurs défauts et leur mélancolie qui me plaisent le plus, mais malgré cela, je les aime toujours et j’ai de l’empathie pour eux. Ils existent tous dans ce monde folklorique, fantastique, de cirque de fées, où tout peut être exubérant. Pour « Nocturnal Thought Bus », Crystal Glass voulait que les personnages dégagent une atmosphère incertaine et menaçante, ce qui était parfait pour moi car ces types de personnages sont vraiment amusants à créer. Ils ont tendance à être assez étranges et ambigus, et ils entraînent le personnage principal dans un voyage douteux. Personnellement, je ne pense pas que je leur ferais confiance pour m’emmener en voyage.

PANDA BEAR & SONIC BOOM– GO ON

ANIMATION : JAMES SIEWERT

Salut James !  Tu as animé et illustré le nouveau clip de Panda Bear et Sonic Boom. Comment cette collaboration a-t’elle débuté ? 

J’avais déjà animé une autre vidéo pour Sonic Boom (Peter Kember) il y a deux ans : « things like this ». Je pense que l’idée d’origine était basée sur un travail que j’avais fait pour un autre artiste sur son label. 

Peux-tu parler de l’histoire que tu racontes dans cette vidéo ?

L’idée était de faire une quasi-métaphore de la collaboration entre Pete et Noah à travers cette idée de flipper. Ainsi, à la fin, ils se révèlent être deux flippers dont les boules sont comme des idées qui passent d’un esprit à l’autre.

Tu travailles beaucoup en 3D. Peux-tu nous parler des outils que tu as utilisé pour réaliser cette vidéo en particulier ? 

J’utilise Blender et After Effects. J’ai un ordinateur Puget Systems. Je ne suis pas complètement sûr de ce qu’il contient, mais en tout cas, il était recommandé pour faire de la 3D. Bonn, par contre, j’arrive quand même à le faire planter tout le temps. (L’arrière-plan a crashé pendant que je vous écris par exemple)

Quel a été ton degré de liberté quant à la réalisation de cette vidéo ? 

Pete est venu vers moi en me disant qu’il voulait un gros flipper bien trippant. Il m’a envoyé la vidéo du gros classique « 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10 » de Sesame Street.  J’ai eu l’idée de le rendre anatomique et de faire le lien entre le flipper et la collaboration entre Sonic Boom et Panda Bear. Nous avons partagé un tas de références différentes. J’avais plus ou moins la liberté totale de faire ce que je voulais pour chaque niveau du flipper. 

Comment et quand as-tu commencé l’animation ? 

Je trouve toujours ça un peu bizarre de me présenter comme un animateur – il y a tellement d’artisans qui ont une idée très claire de ce qui se passe sous le capot en termes de mouvement et d’expression. Je m’améliore mais si vous me donnez 12 feuilles de papier et que vous me demandez de faire un « cycle de marche » (série d’images ou d’illustrations d’un personnage qui marche dessinées en séquence), je serais plutôt mauvais. Cela étant dit, j’ai toujours été très attiré par les effets spéciaux, donc j’ai accumulé des connaissances en vidéo en lisant là dessus à l’école. J’ai ensuite appris grâce aux tutos Blender sur Youtube quand j’étais à l’Université. Blender est un super logiciel parce qu’il contient énormément de ressources de qualité. Parfois, vous devez vous débrouiller par vous même, mais dans la majorité des cas, tu peux parler à quelqu’un qui a rencontré le même problème que toi. 

Qu’est-ce qui t’attires le plus dans la 3D ? 

Je pense vraiment que le cinéma est avant tout un moyen de communication chorégraphique plutôt que narratif. La caméra est le leader d’une danse perceptive et le spectateur est son partenaire. C’est pourquoi le mouvement de la caméra dans l’espace tridimensionnel est peut-être l’élément le plus important du film pour moi. Adolescent, j’ai passé un temps non négligeable à fabriquer des montages de caméra maison – en essayant de faire bouger la caméra de la même manière que votre imagination… avec des résultats médiocres prévisibles. Cela dit, je préférerais ne pas être un artiste 3D – je pense qu’il serait infiniment plus cool de fabriquer un énorme jeu de flipper farfelu et d’y faire passer une caméra à commande de mouvement en stop motion. Ça me semble beaucoup plus amusant, mais c’est aussi peut-être 100 fois plus cher. La vraie réponse est donc que j’aime la 3D parce qu’elle me permet de faire (en quelque sorte) ce que je veux, mais à peu de frais et facilement. 

KT GORIQUE – OH LORD

ANIMATION : LE MAILLE

Salut Quentin ! Comment ta collaboration avec KT Gorique est-elle née ?

Hello Kiblind ! Je collabore régulièrement avec KT depuis 2018. J’avais déjà fait pour elle quelques quelques visuels et je lui avais déjà réalisé un clip animé en 2020 qui s’appelle « Way ». J’avais depuis un moment une idée de clip ou un.e artiste serait en retard pour son concert et devait se dépêcher pour arriver à temps, et comme je collaborais souvent avec elle, je suis allé lui proposer l’idée. Elle était grave hypée et m’a dit qu’elle était en train de bosser sur son prochain projet, elle m’a envoyé deux sons en préparation dont « Oh Lord » et m’a demandé de choisir lequel m’inspirait le plus à animer. C’est parti de là. En fait, j’avais le script avant même d’avoir le son !

Peux-tu nous parler de la manière dont tu as réalisé ce clip de A à Z ? 

Comme j’avais déjà écrit une grosse partie de ce que j’attendais de ce clip, une fois le son reçu, je me suis lancé directement dans le storyboard et un animatique. C’est le premier projet où j’ai passé autant de temps sur la pré-prod parce que je voulais vraiment avoir les transitions et les animations bien calées sur la musique. Une fois l’animatique validé par KT, je me suis lancé dans la prod. Pour me faciliter là tâche au dessin, j’ai réalisé des références en 3D pour la voiture et certains décors. Je dessine tout à la main sur du papier avec des brushpens pour le linework, des markers à l’alcool pour les couleurs et des markers acryliques pour les highlights. ça prend beaucoup plus de temps que de dessiner en digital mais je trouve le rendu « brut » et imparfait du dessin traditionnel plus humain. Je dessine tous les éléments séparément pour pouvoir les scanner, et les animer dans After Effects. Pour la voiture, j’ai exporté les animations en 3D et j’ai utilisé un logiciel qui s’appelle EbSynth pour venir « plaquer » le scan de mon dessin fait à la main sur le rendu 3D. Ça m’a permis de garder le même style pour la voiture que pour le reste des éléments à l’image. Après, je suis passé aux effets de lumière et à la colorimétrie pour avoir cet effet nuit néon. Le montage a été fait relativement rapidement, je n’ai plus eu qu’à caler mes scènes animées proprement sur l’animatique.

Quel a été ton degré de liberté ici ? 

J’avais une totale liberté. Comme j’avais déjà souvent collaboré avec KT, elle avait complètement confiance en mon travail. C’était en mode : « tiens voilà un son, fais-toi plaisir, je sais que ça va être lourd ». Du coup, j’ai pu avoir vraiment le rendu final comme je l’imaginais, y placer mes références, et globalement faire un truc qui me fait kiffer et dont je suis fier. Son seul retour, c’était de me demander si je pouvais rajouter la liste de ses dates de concert à la fin, je crois que c’est difficile de penser à une meilleure collaboration.

Il y a beaucoup de références dans ce clip, notamment des références à la licence Zelda, c’était ton choix ou celui de l’artiste ? 

C’était mes choix, franchement, je me suis fait plaisir sur les références. Comme je savais que j’allais passer plusieurs semaines / mois à dessiner et animer ce clip, j’ai un peu listé des trucs que j’avais absolument envie de dessiner pour m’amuser. Par exemple, je rêvais d’animer la Toyota AE86 d’Initial D, et d’animer le visage de la lune de Majora’s Mask. Ça a rendu le processus de production beaucoup plus fun et ça aide a ne pas abandonner devant la liste de tous les dessins à faire pour arriver à l’animation finale !

Comment la musique a influencé ton processus créatif ici ?

Comme j’ai reçu la musique après avoir écrit je pense que le son a du coup plus influencé l’aspect visuel du clip. Il y avait quelque chose dans l’énergie de KT et dans les sonorités de l’instru qui m’ont fait pensé aux edits de « Drift Phonk ». Ces vidéos ont souvent des visuels plein de texture, d’aberrations chromatiques et de teintes bleues et roses. Et je pense que c’est inconsciemment pour ça que je suis parti sur ce look old school néon en 4/3. Après, j’ai aussi essayé de coller au maximum au rythme et aux sounds effects du morceau et ça m’a inspiré certaines transitions, notamment celles des spots du concerts qui clignotent et qui deviennent les phares de la voiture.

Tu as illustré et animé des clips pour d’autres artistes comme un fan art pour Odezenne. Est-ce que l’animation est un domaine que tu as toujours eu envie d’explorer, ou est-ce que tu es passé par plusieurs expérimentations avant de te spécialiser là dedans ? 

À la base, j’étais plutôt intéressé par l’illustration et le dessin, l’animation c’est venu un peu par hasard. En 2015, j’ai commencé une formation de vidéaste et du coup on avait des cours d’After Effects / animation. Les premiers petits projets d’animation en classe, je me disais « mais qui a la patience de faire de l’anim’, jamais de la vie, je ferai ça ! » et du coup j’ai laissé de côté After Effects. Quand j’ai commencé à travailler en tant que monteur, j’ai rapidement dû m’y remettre. Du coup, j’ai regardé plein de tutos. Comme je continuais à dessiner à côté, pour m’entrainer je me suis mis à faire bouger 2-3 éléments de mes illustrations, puis 4-5, puis 6-7… Et au bout d’un moment, c’est devenu des animations à part entière sans trop que je m’en rende compte. Le clip sur le morceau d’Odezenne c’était plus un test pour voir si j’étais capable de faire un plus gros projet d’animation. J’ai fait ça pour le fun de mon côté et pour m’entrainer, d’ailleurs je suis même pas sûr qu’ils l’aient vu.

On retrouve un esprit Lascars dans l’esthétique de ton clip pour KT Gorique. Peux-tu nous citer les films d’animation qui t’ont particulièrement marqué ? 

Je pense que l’esthétique est similaire parce que même avant d’animer, j’ai toujours été inspiré par le graff’ et le street art et forcément ça se ressent dans mon dessin, dans ce projet comme dans mes autres animations. Et donc mes références visuelles doivent être proches de celles des personnes qui ont réalisé Lascars. D’ailleurs, un de mes animés préférés c’est Samurai Champloo qui allie une esthétique Hip-hop/street dans une histoire qui se passe à l’ère Edo. Sinon j’adore le travail de Rhymezlikedimez qui a notamment travaillé sur le clip incroyable « Lyk Dis » de Anderson Paak et Knxledge. C’est probablement la vidéo qui m’a le plus donné envie de faire des clips animés avec celles de Gorillaz.

LAURE BRIARD – MY LOVE IS RIGHT

ILLUSTRATION / ANIMATION : LOU BENESCH / ADÈLE GAUCHER
DA : CLARA VILLEGAS

Salut à vous trois. Lou, on te connait bien ici pour ton travail d’illustration, moins pour de l’animation. Pouvez-vous nous parler de la répartition des tâches pour faire ce clip ? 

Clara : J’ai d’abord crée un moodboard d’inspirations pour définir la direction dans laquelle je voulais emmener la vidéo. Il ’s’agit de prendre en compte l’univers de Laure, ce qu’elle dégage, et ce que ça m’évoque à moi. Il y avait dans le moodboard beaucoup de visuels des années 70, des affiches des Beatles, des Doors, des illustrations,  une illustration des Barbapapa, des couvertures de Vogue des années 70 … Et j’ai aussi défini une palette de couleurs qui puisse guider Lou dans sa création. Une fois que Laure a confirmé que c’était bien la direction qu’elle souhaitait prendre, j’ai défini des actions simples pour le personnage de Laure selon les différentes parties du morceau, c’était comme écrire un mini-scénario. Lou a tout saisi du premier coup, donc la collaboration a été très rapide et fluide. Elle nous a envoyé tous les éléments séparément, avec lequel j’ai constitué une sorte de storyboard pour guider Adèle dans le travail d’animation, et ensuite, c’est elle qui a passé des heures à donner vie aux visuels, à rajouter du mouvement lorsque c’était trop statique, à ajuster les typos etc … Puis nous avons tous fait nos différents retours jusqu’à ce que tout le monde soit complètement satisfait !

Quelles ont été vos échanges avec Laure Briard quand à la réalisation de ce clip ? 

Adèle : Laure et Lou ont déjà travaillé ensemble de nombreuses fois. Lou avait par exemple peint le portrait de Laure pour la pochette du single « Janela », ou encore pour le titre « Grandeza ». C’était déjà un format lyrics vidéo avec un portrait et une petite animation qui fonctionnait très bien. Cette fois, on a essayé de pousser la lyrics vidéo plus loin, en intégrant plus d’éléments, d’animations et en jouant sur la typographie et le montage. La collaboration avec Laure s’est super bien passée, elle nous a fait entièrement confiance. Elle a suivi tout le processus de création, et on validait ensemble certains détails. C’était très agréable. 

Pouvez-vous nous décrire la réalisation du clip de A à Z ?

Lou : Pour ce projet, il s’agissait surtout pour moi de déconstruire mes illustrations afin qu’il soit possible pour chaque objet d’être mis en mouvement par Adèle. J’ai donc peint le portrait, les différentes tenues, yeux, fonds et symboles sur des supports séparés et tout rassemblé après numérisation. Un peu comme on travaillerait sur Photoshop avec nos éléments sur des calques distincts… un Photoshop handmade, comme on faisait avant !

Adèle : Dans mon cas, je ne suis pas animatrice – ni monteuse – de formation, même si je remplis souvent ce genre de missions pour le label. C’était la première fois que je m’essayais à After Effects, j’ai passé deux jours à regarder des tutos pour trouver la meilleure manière d’animer. Je voulais éviter au maximum l’effet « motion design » tout lisse, que je ne trouve pas très organique. Une fois que je m’y retrouvais bien dans le logiciel, j’ai commencé à composer les séquences avec les éléments de Lou, en suivant les indications de Clara. Elles m’avaient préparé un document avec toutes les séquences. L’idée c’était de faire au mieux avec les moyens dont je disposais, travailler sur les apparitions/disparitions des éléments et exploiter toutes les formes et les objets dessinés par Lou pour rendre le tout pas trop statique.  Après avoir fait les animations, j’ai tout monté sur Premiere Pro, et s’en est suivi quelques allers-retours pour des petites retouches. 

Y a t’il des films d’animation qui vous ont particulièrement marqué ? 

Lou : Les films d’animation m’ont toujours énormément influencée, et parmi ceux qui me parlent le plus, il y a La Planète Sauvage de René Laloux et Roland Topor, Akira de Katsuhiro Otomo, Le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault et Belladonna of Sadness de Eiichi Yamamoto. J’ai aussi une place toute particulière dans mon coeur pour Princesse Mononoke de Miyazaki que j’ai découvert bien avant qu’il sorte en France grâce à un DVD ramené de Taiwan par mon père. Le film était en japonais sous-titré en chinois mais j’ai du le regarder une vingtaine de fois, hypnotisée par les dessins qui même sans traduction arrivaient à me communiquer l’intensité du propos de ce film. 

Adèle : Tous les Miyazaki honnêtement. J’ai eu un gros choc esthétique quand j’étais petite en voyant Mon voisin Totoro. C’est ultra classique comme référence mais je trouve que son animation est tellement chargée en émotion. La manière d’animer la mer qui est si vivante dans Ponyo par exemple, c’est fou. Dernièrement, je suis tombée sur le clip d’Aja pour son morceau « Hikari » réalisé par Martin Robic et Louis Fourel qui est vraiment trop beau. La séquence finale avec les larmes à la fin ça m’a fait une petite réminiscence de Miyazaki. Aussi, j’adore regarder les films de fin d’études des Gobelins, y’a des pépites. J’ai super envie d’en apprendre davantage dans ce domaine.

Lou, est-ce que cette expérience t’as donné envie de travailler plus avec de l’animation? 

Avec grand plaisir, oui ! Il y a quelque chose de magique pour moi quand je vois mes dessins s’animer. Jusque là, je ne pouvais que les imaginer se mouvoir dans mes pensées ! 

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