Clip Clap : notre sélection bimensuelle de clips animés

Tous les deux mois, Kiblind donne la parole à l’artiste derrière l’artiste : l’illustrateur.rice chargé.e de retranscrire la musique en images. Retrouvez nos clips musicaux animés préférés décryptés par celles et ceux qui les ont fabriqués.

Naive New Beaters ft. Star Féminine Band – Ye Kou Si Kuo

ANIMATION : Lola Lefèvre

Salut Lola !  Pour le retour de Naïve New Beaters en featuring avec Star Feminine Band, tu as réalisé ton tout premier clip, comment s’est faite la collaboration ?

Hello Kiblind ! C’était un bel hasard des choses cette rencontre. En octobre dernier, j’ai été jury dans la catégorie animation du festival de courts-métrages Un Festival C’est Trop Court à Nice. C’est durant cet événement que j’ai rencontré David Boring (le chanteur). J’écoutais pas mal les Naive New Beaters il y a quelques années, et j’avais vu plusieurs de leurs apparitions dans des web séries. J’aimais déjà beaucoup les personnages et l’humour qu’ils incarnaient en plus de leur musique. David était venu présenter une sélection de courts-métrages puis mixer en tant que DJ pour le reste de la soirée.

En parallèle, il s’avère que j’avais déjà rencontré le guitariste du groupe durant un concert deux ans plus tôt. On a tous fait connaissance en faisant la fête, en gros. David m’a appris que le groupe sortait un nouvel album à ce moment. Je lui ai montré mon travail et l’idée d’une potentielle collaboration est venue naturellement. J’ai été bercée par tellement de clips dans ma vie, tant en animation qu’en live action, que j’étais déjà très emballée à l’idée d’explorer ce format. Quelques semaines après, il m’a envoyé le morceau qu’ils voulaient cliper. J’y ai vu beaucoup de couleurs dès la première écoute. On a brainstormé plusieurs fois avec David pour être bien sûrs qu’on allait dans la même direction, mais tout matchait vraiment bien. J’ai ensuite mis en page le concept final pour le proposer à Miyu, la boîte de production avec qui j’étais déjà en contact.

Est-ce qu’il est plus difficile d’avoir carte blanche comme tu l’a eue, ou d’avoir des règles à respecter ?

J’ai toujours été flippée à l’idée d’avoir carte blanche, j’étais persuadée qu’il me fallait un cadre pour créer quelque chose. Avec ce projet, j’ai réalisé que ce n’était pas tant de contraintes dont j’avais besoin mais avant tout de me faire confiance et de rester instinctive. J’ai fait le choix de laisser la réflexion de côté pour laisser toute la place à ce que je ressentais en écoutant le morceau. Ça m’a forcé à complètement lâcher prise, chose que je fais très mal en temps normal. Si le processus créatif s’est avéré fluide, c’est aussi grâce à nos envies communes avec les Naive New Beaters. Je devais faire figurer d’une manière ou d’une autre le groupe et Star Feminine Band. Le plus important, c’était que ce soit fun : je voulais m’éclater et pouvoir communiquer cette joie au groupe à travers le style graphique et l’animation. Les images que j’avais en tête durant mes premières écoutes me paraissaient déjà fortes. J’avais juste à dessiner chronologiquement ce que je voyais, en plus de quelques aller-retours avec le groupe. C’était génial.

Est-ce que le rendu final correspond exactement à l’idée que tu t’en faisais avant de commencer ? 

Mes moodboards sont toujours chaotiques mais pour ce qui est de la direction artistique, on est quasiment à l’identique de celle des premiers croquis. Je voulais des aplats de couleurs et une ligne claire pour pouvoir consacrer un maximum de temps à l’animation. Sachant que je n’allais pas être la seule à animer sur le clip, j’ai pensé le trait pour qu’il reste imitable rapidement par d’autres animateurs, et que l’on tente d’être économe dans les dessins à cause des contraintes de temps. C’est raté pour l’économie, on est à 12 images par seconde durant tout le clip. Je ne pensais pas qu’on arriverait à obtenir autant de fluidité dans les temps escomptés, donc c’est encore mieux.

Quelles ont été les étapes et la durée de réalisation pour ce clip ?

Après quelques croquis à la plume sur mon carnet, j’ai assez rapidement travaillé sur des concepts proches du rendu final. On avait déjà une deadline assez serrée, la date de sortie de l’album étant déjà programmée. C’était pas mal pour la partie créative, ça m’a vraiment forcée à y aller à l’instinct. J’ai dessiné une animatique (storyboard calibré sur la musique) en une petite semaine, pour ensuite enchaîner sur l’animation. Après un mois de production seule, puis j’ai été rejointe par une super équipe composée d’une animatrice et de trois stagiaires. Il ne nous restait plus que deux mois pour tout terminer, leur aide a été extrêmement précieuse. Enfin, je me suis occupée du compositing (mouvements de caméra, ajout de textures) et du montage la dernière semaine.

Tu as déjà réalisé plusieurs court-métrages, est-ce qu’il y a une différence de procédé avec la réalisation d’un clip ? 

Lorsque je travaille sur un court-métrage, j’écris beaucoup avant de me lancer dans le dessin. J’adore ça mais je peux avoir tendance à beaucoup intellectualiser et à me couper de mes sensations. Accessoirement, ça me fait repousser le moment où je saurai à quoi le film va vraiment ressembler. Dans la conception d’un clip, le « texte » existe déjà. Je devais tout de suite penser à ce qu’on allait voir à l’écran. La musique étant relativement courte, je voulais que l’on rentre tout de suite dans l’univers. Bien qu’il y ait un fil conducteur, on s’en fiche si on n’y comprend rien. Je voulais livrer une bombe d’énergie avec mille choses à regarder sur chaque plan. Au final, mon écriture se fait tout autant à travers le dessin. Je voudrais réutiliser ce procédé plus souvent pour d’autres projets.

Aimerais-tu avoir une nouvelle opportunité de mêler illustration et musique ?

J’espère de tout cœur que ce clip ne sera pas le dernier. Il y a tellement d’artistes musicaux avec qui je rêve de collaborer. Que ce soit du rock progressif ou de l’hyperpop, j’ai envie d’explorer d’autres genres de musique avec d’autres rendus graphiques. De manière générale, je voudrais laisser plus de place à la musique et au son dans mes nouveaux projets. Pour mon prochain court-métrage, la partie sonore est déjà au cœur de mon écriture.

L’Impératrice – Danza Marilù (feat. Fabiana Martone)

ANIMATION : Arthur Sevestre

Hello Arthur ! Tu signes le dernier clip pour l’Impératrice dans un univers proche du Où est Charlie à la sauce grand-mère, comment as-tu pensé cette réalisation ?

Hello ! Au tout début, j’avais imaginé une ville où les gens seraient séparés en gangs distincts : les promeneurs de chiens, les bodybuilders, les peintres, les coiffeurs, etc… J’avais envie que chaque gang ait une chorée bien spécifique et qu’on suive un personnage qui se balade dans cette ville, cherchant sa place. Mais je n’avais pas très bien cerné le personnage que je voulais mettre en scène. 

Puis en discutant avec le groupe, j’ai appris que la chanson était à propos d’une vieille dame qui voulait danser et s’en fichait de n’avoir plus l’âge pour la fête. Ca complétait parfaitement ma première idée !

Il s’agit de ton premier clip, quelle différence y’a t-il avec l’illustration fixe ou les court-métrages ?

La grande nouveauté pour moi dans ce projet, c’est que j’ai pour la première fois dirigé une équipe. J’ai jusqu’ici travaillé majoritairement seul sur mes projets et c’est un travail vraiment différent que de devoir superviser d’autres personnes et encadrer leur travail. À ma grande surprise j’ai adoré ! C’est une approche de la création toute aussi intense mais beaucoup moins introspective que l’illustration, c’était très agréable d’avoir en permanence des gens avec moi pour m’aider et on s’est franchement plutôt amusés.

Quelles ont été les principales étapes entre ton premier dessin pour le clip et le rendu final ?

Planning de sortie de l’Impératrice oblige, les délais de production étaient extrêmement courts, on a appris qu’on faisait le clip à peu près deux mois jour pour jour avant sa date de sortie ce qui, en animation, peut être un peu compliqué… Résultat j’ai eu assez peu d’étapes de préparation pour la production, j’ai fait quelques croquis rapides pour trouver les personnage de Marilù, une image en couleur pour poser une intention d’ambiance, une petite semaine pour l’animatique et très rapidement des animateur·ices sont venu·es m’aider. Tout s’est enchaîné très vite, c’était aussi agréable de ne pas avoir le temps de se poser trop de questions ! 

Le groupe est connu pour confier de nombreux clips à des illustrateur·ices. Est-ce que le fait de t’inscrire dans une sorte de collection a ajouté quelque chose dans ton processus créatif ?

Justement, je pense que c’est le genre de chose qui peut habituellement me mettre la pression, je me compare facilement, comme la plupart des dessinateurs que je connais d’ailleurs…..  Mais le fait d’avoir si peu de temps pour réaliser le projet m’a mis la tête dans le guidon avant que je puisse m’enfouir dans une crise existentielle. Autrement sur le plan artistique, je ne me suis pas tellement aligné sur quoi que ce soit, j’avais l’impression que le groupe avait plutôt envie que je fasse mes dessins sans me soucier d’une quelconque ligne éditoriale. C’était super mais maintenant je regrette un peu de ne pas avoir fait un truc plus space age, j’aime bien cette esthétique et j’aurais bien vu Marilù habillée en Pierre Cardin. 

Si on se prend quelques instants pour des philosophes, le fond du message de ton clip est quand même plutôt sérieux : l’intégration des personnes âgées dans notre société hyperactive. Et toi, tu te poses ce genre de questions quant à ton futur lointain dans l’illustration ?

Oui, à vrai dire c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur et que je pense continuer à traiter dans d’autres formats plus propices à la philosophie ! C’est d’ailleurs un sujet, l’intégration – voire même l’existence des personnes âgées – que je trouve très intéressant à étudier et à questionner au sein de la communauté gay et plus largement queer. Les personnes queers âgées sont si peu représentées dans les arts en général, c’est déroutant. Je n’arrive pas à imaginer un seul film avec un mec homo de plus de 60 ans (en tout cas, autre qu’un daddy bodybuilder sexy – qui est un stéréotype que j’adore – mais pas méga représentatif). Sébastien Lifshitz disait dans une interview que c’est d’ailleurs le point de départ de son magnifique documentaire Les Invisibles. Faute de représentation, il se demandait à quoi ressemblerait ses vieux jours d’homme gay, il a donc trouvé et filmé des personnes queers agées pour chercher des réponses. 

Je digresse un peu parce que j’avoue que je sais pas du tout à quoi ressemblera ma vie dans trois ans alors évoquer mon futur lointain, c’est compliqué !

Et toi, si tu devais réaliser un clip sur ta vie, ça serait sur quel morceau et qui choisirais-tu pour l’illustrer ? 

Une chanson c’est impossible à dire….. Probablement Out of this World par The Cure, ou les Pet Shop Boys avec Jealousy ou Being Boring, des chansons incroyables. Mais peut-être trop incroyables pour illustrer ma vie parce que, soyons honnête, pas palpitante la vie d’illustrateur/animateur, le clip serait un peu naze : “Alors là il boit du café, après il va devant une tablette graphique, après il fait des traits, après il s’achète un taboulé, après il retourne devant sa tablette…” Youhou.
Et pour faire les dessins, je pense que je demanderais à toustes mes ami·es de faire une sorte de cadavre exquis, ça rendrait la partie où je m’achète du lait d’amande chez Naturalia plus charmante !

Paul Bagnol – Doughy The Doggy

ANIMATION : Jérémy Boulard Le Fur & Paul Bourgois

Bonjour Paul et Jérémy, comment vous-êtes vous retrouvés à réaliser ce clip ensemble ?

Depuis la sortie de l’école (ENSAD, Paris) en 2009, nous collaborons sur tous les projets d’animation que nous développons ou sur lesquels il nous arrive de travailler. Le boulot plutôt fastidieux de l’animation est ainsi divisé, et ça permet de se réinventer en confrontant nos univers. Pour ce clip, l’idée était d’utiliser nos temps de pause entre différents gros projets pour s’amuser à créer un film court à partir de presque rien. Paul a composé la musique en parallèle, ce qui en fait un objet hybride entre court-métrage, clip musical et musique à l’image.

D’où naît l’idée d’un chien cochon qui surfe la vague de sa vie ?

Cette idée apparaît en amont dans plusieurs dessins de Jérémy. Nous sommes partis de l’image d’un étrange animal entre chien et cochon surfant une vague creuse au coucher du soleil. Il y avait aussi, parmi ses dessins, la vision entêtante de cette immense colonne au visage moustachu, qui apparaissait à l’horizon. En ajoutant à cela la passion du surf, et une fascination pour la formation de certaines vagues artificielles (comme le surf lakes en Australie par exemple), le concept était né.

Quelles ont été les techniques pour réaliser ce clip, et comment les tâches ont-elles été réparties ?

Tout a été réalisé en animation 2D sur les logiciels TV Paint et Callipeg. Nous voulions un rendu de brosse frottée dans la continuité des dessins de références, ce qui fait que les lignes vibrent pas mal une fois animées. Cela a parfois créé des difficultés de trait un peu trop grossier, mais finalement le rendu rough a du sens. Et pour l’aspect général, nous voulions l’intervention de ces glitchs, évoquant la matérialité de bandes VHS détériorées, comme un hommage aux cassettes de notre enfance. Tout ce travail, du storyboard au compositing en passant par l’animation rough et le clean, a été constamment un jeu de ping-pong entre nous deux. La répartition des tâches est entremêlée, comme pour la plupart de nos projets.

Vous aviez déjà tous les deux créé du contenu pour la télévision (sur Arte), est-ce qu’il y a beaucoup de différences entre ce type d’animation et la réalisation d’un clip ?

La différence fondamentale est la liberté d’action : dans le cas des émissions pédagogiques de Arte comme de la série 1001 Les Mondes Antiques pour France 3 réalisée l’année dernière, il faut forcément respecter une certaine ligne, même si on arrive toujours à produire quelque chose qui nous plaît dans la mesure du possible. Pour le clip, le nombre d’interlocuteurs à qui rendre des comptes était réduit au maximum, c’est-à-dire nous-même puisqu’il a été autoproduit. Les deux contextes ont leurs avantages, et une liberté totale peut aussi nous perdre… On est donc heureux d’avoir pu aller au bout de ce clip, même sans compte à rendre.

Quel prochain animal loufoque aimeriez-vous mettre en scène ?

Ce pourrait être un éléphant de mer, croisé avec un Terre-neuve, un genre de Cousin Machin larvaire qui cacherait sous sa peau flasque une musculature hypertrophiée. Mais ce n’est qu’une supposition.

Pierre Grizzli – Petits mots

ANIMATION : Adrienne Mourier, Anna Polutnik et Capucine Villar

Bonjour les filles, Comment vous êtes vous retrouvées sur ce projet de clip ?

 Hello ! Tout a commencé grâce à Kaycie Chase, la copine de Pierre qui a montré le travail de Capucine à Pierre. Il lui a parlé de son rêve de faire un clip animé pour une des chansons de son premier album solo. Capucine nous a proposées de faire partie de l’aventure ! On sortait toutes les trois d’une prépa animation, c’était notre premier travail, notre premier clip animé, notre premier vrai projet !

Comment l’avez-vous pensé, de l’idée originale à la création finale qui se découpe en deux parties visuelles distinctes ?

On s’est retrouvées avec Pierre et Kaycie. On a écouté la musique Petits mots ensemble et Pierre nous a expliqué l’histoire qu’il voulait que l’on dessine. L’idée de découper notre travail en deux parties nous est venue assez vite en écoutant la musique.  Il y a un vrai climax au milieu de la chanson, et on voulait l’amplifier avec une direction artistique qui change à ce moment-là. On a vite commencé à gribouiller des idées ensemble.

Comment vous êtes-vous réparties les tâches ?

C’était assez naturel. Pour la pré-production, Anna est passionnée et a un vrai talent pour la couleur et les ambiances. Le style graphique que Pierre recherchait était très proche du style d’Adrienne donc elle s’est occupée des character designs et de la couleur des personnages. Quant à Capucine, elle s’est lancée sur le storyboard de la deuxième partie qui était, au début, encore très flou pour tout le monde.

Pour l’animation, on était toutes les trois complètement débutantes donc pour essayer de garder un style cohérent on s’est réparties des tâches propres à chacune pour ne pas empiéter sur le travail des autres. Anna s’est occupée de la première partie jusqu’au départ de l’homme, Adrienne a animé le moment du timelapse où la fille est seule et apprend à vivre sans lui et Capucine s’est occupée de la partie en noir et blanc. Pour la colorisation on s’y est toutes mises et on a meme demandé de l’aide à des ami·es de classe ! Enfin, Anna et Capucine avaient un peu d’expérience avec le compositing grâce à d’autres petits projets de la Prépa donc elles ont fini par ça.

Ça n’est pas difficile de travailler à trois lorsque chacune à sa manière de faire et son univers?

On est en bachelor d’animation a l’école des Gobelins, et les travaux de groupe, on est habituées ! On est très proches toutes les trois et ça peut être quelque chose de très pratique, parce qu’on se connaît, mais aussi assez délicat parce que l’on est très honnêtes. Puisque Pierre nous a expliqué ce qu’il voulait, c’était plus simple pour nous de se mettre d’accord et de se recentrer sur toutes les parties pour la réalisation de ce clip. 

C’était un premier clip pour chacune d’entre vous, qu’est-ce que vous retenez de l’expérience ?

C’était un expérience folle et très excitante mais bien sûr, aussi stressante ! On a surtout beaucoup appris durant ce projet que ce soit sur le plan de l’organisation et la séparation des tâches mais aussi en terme de technique d’animation et de réalisation. C’était aussi super intéressant de travailler à trois et de pouvoir brainstormer ensemble et trouver des idées originales. En tout cas ce premier clip nous donne envie de réitérer l’expérience !

Maintenant que le baptême est passé, avec quel(s) autre(s) artiste(s) aimeriez-vous collaborer ?

Capucine dirait Taylor Swift, Anna dirait Kaytranada et Adrienne The Libertines… Mais avant d’en arriver là, tout artiste dont la musique nous plait serait un plaisir.  C’est la première fois qu’on travaillait en musique et surtout avec un musicien qui nous a laissé rentrer dans son monde et qui nous a fait confiance pour illustrer son histoire. C’était un tres gros travail à fournir, surtout pendant une année de cours, mais  on le referait avec plaisir !

Chris Cohen – Sunever

ANIMATION : Lilli Carré

Bonjour Lili ! Tu as réalisé le clip pour Sunever de Chris Cohen, comment s’est faite cette collaboration ?

Chris m’a demandé si cela m’intéresserait de réaliser une vidéo pour cette chanson. J’ai un profond respect pour son travail – comme tous ceux que je connais et qui connaissent sa musique – donc c’était vraiment un honneur de pouvoir faire cette vidéo.

Que raconte ce clip ?

J’ai demandé à Chris s’il y avait une histoire derrière la chanson ou un thème qu’il aimerait que j’explore dans la vidéo. Il m’a laissé le choix. Pour situer le contexte de la chanson, Chris a dit qu’il avait écrit Sunever pour un enfant transgenre présent dans sa vie, comme une chanson d’amour et de soutien. Il a mentionné qu’ils aimaient l’escalade et l’animation, alors j’ai commencé à penser davantage à l’escalade comme point de départ de l’imagerie animée. Les paroles commencent également par une ligne sur l’escalade, et parlent du fait d’être toujours entre deux, que la transition est l’état de la vie.

  • Lorsque tu as écouté la chanson la première fois, quelles ont été les premières images que tu as eues en tête ?

Je pensais à l’escalade, à la progression, à l’existence dans l’état de voyage d’un point à un autre… Dépeindre différents moments de transition, espaces, dilemmes et formes. J’aimais l’idée d’avoir un ensemble spécifique d’éléments qui se recombineraient de différentes manières tout au long de la chanson. J’ai choisi une chèvre, une vigne, une personne, un serpent et une échelle, s’efforçant à grimper vers le haut ou vers l’avant tout en se déplaçant, se défaisant et se fondant de manière inattendue, toujours dans un entre-deux.

Quels ont été tes outils et techniques de réalisation ?

J’ai tout dessiné à la gouache et à l’aquarelle sur de grandes fiches bristol vierges. J’animais d’abord des versions au trait pour obtenir un mouvement correct, puis je peignais de nouvelles images avec le trait comme guide, sur un caisson lumineux. Tout a été réalisé à 12 images par seconde. J’ai maintenant de nombreuses piles de chèvres et d’échelles peintes qui remplissent mon studio.

Ça prend combien de temps de réaliser un clip comme celui-ci, du premier dessin au résultat final ?

J’avais un délai de trois mois pour le réaliser, mais comme c’était une période chargée et que j’adore trouver des moyens de me mettre la pression, je dirais que 20 % de la vidéo ont été réalisés au cours de ces premiers mois, et 80 % au cours des trois dernières semaines avant la date limite, ce qui a nécessité des journées de dessin de 12 heures.

Quelle est la chanson pour laquelle tu aurais adoré réaliser un clip ?

Celle-ci !

Rey Pila – Ani Oni

ANIMATION : Yurex Omazkin

Bonjour Yurex ! Comment t’es-tu retrouvé sur ce projet de clip pour Ani Oni ?

Hello ! Jesús Benítez m’a invité. C’est lui qui a connu El Güero de Rey Pila,
et il a été chargé d’engager des artistes et des animateurs pour réaliser des clips pour le lancement de la nouvelle musique du groupe en 2024.
J’ai connu Jesús vers 2012, également pour le travail, lorsqu’un client souhaitant décorer son nouvel établissement avec plusieurs peintures murales nous a réunis. Nous nous sommes donc rencontrés là-bas.

Quel a été ton niveau de liberté dans la réalisation ?

C’était quelque chose de très libre, Jesús nous a seulement donné quelques indications sur le thème et l’esthétique qu’ils voulaient dans le clip.

Le clip alterne entre images concrètes et abstraites, dans une colorimétrie assez limitée, quelles ont été tes inspirations pour ce clip ?

La consigne était de créer un clip animé de 30 secondes, qu’ils utiliseraient ensuite pour créer des visuels pour les chansons. Peu de couleurs, beaucoup de noir et blanc et nous devions créer quelque chose sur les démons, les possessions, l’occultisme, l’exorcisme, le satanisme, etc.

Au départ, je ne voulais faire que des textures « mystérieuses », pour illustrer le thème, en pensant à ce qui serait « plus facile » pour raconter une histoire, mais ce n’était pas le cas. Dans mon cas, j’ai fini par faire 1 minute 15 secondes, parce que je ne suis pas un expert en animation et que je devais faire en sorte que les dessins correspondent plus ou moins à la vitesse à l’écran et que l’histoire puisse être comprise. C’était une tâche bien plus difficile que je ne l’avais imaginée !

Je ne connaissais la chanson que lorsque j’ai terminé mon clip, mais ils l’ont préféré en tant que vidéo officielle plutôt qu’en simple visuel, et je l’ai prolongé jusqu’à 3 minutes.

Au final, c’est très strident en termes de couleurs, mais je n’ai utilisé que cinq teintes. D’une certaine manière, le rouge symbolise l’esprit du robot cassé et les bleus représentent le « monde réel » dans lequel se trouvent les moines-robots. Je voulais que les images abstraites soient interprétées comme les pensées et les hallucinations du robot, ainsi que les choses étranges qui se produisent dans l’univers à la suite de l’accident.

Cette animation s’inspire de ce type de rituels et de croyances -démons, possessions et occultisme – dans un esprit de science-fiction, avec un peu d’humour. Elle aborde aussi un peu le thème de la création de la bombe atomique et des autres inventions mortelles qui l’ont suivie.
Tout se passe dans un monde perdu dans le futur et les personnages ont libéré le « mauvais génie de la bouteille » qui laissera la mort et la destruction dans son sillage jusqu’à la fin des temps.

Dans les siècles passés, il était dangereux de souffrir d’épilepsie, de troubles mentaux ou même d’être trop extraverti. Il était très facile d’interpréter cela comme de la possession démoniaque, de la sorcellerie ou tout ce qui pouvait donner un sens à ces comportements inexplicables.

Cette vidéo en est mon interprétation : des moines-robots tentent de réparer un autre robot cassé à l’aide d’étranges symboles. Alors qu’ils s’efforcent d’accomplir leur rituel, l’esprit du robot se perd dans les limbes de la douleur et des hallucinations, et l’anomalie atteint un niveau critique. Sans qu’ils s’en doutent, tout est perdu et le monde est sur le point de connaître une nouvelle apocalypse.

Quelles sont les techniques que tu as utilisées ?

J’utilise une table lumineuse et je dessine les scènes au crayon, puis j’encre et je scanne, je colore et j’assemble les clips dont j’ai besoin dans Photoshop (Ps), puis j’exporte le tout vers Premiere (Pr).

Tu as déjà réalisé différentes affiches pour des festivals ou artistes musicaux comme FatBoy Slim ou Austin TV. À ton avis, comment musique et illustration peuvent-elles se répondre ?

Mercadorama m’a invité à participer à ces projets, il s’agit d’une société basée à Mexico qui réalise des produits dérivés pour de nombreux groupes et événements. J’aime faire des affiches de concerts parce que c’est amusant, une application très « élastique » du design graphique et de l’illustration.

En ce qui concerne la musique et l’illustration, je pense qu’elles sont nées en même temps dans l’Histoire de l’humanité. Avant la musique enregistrée, il y avait les recueils de chansons, et avant cela, il y avait les spectacles vivants, les cirques et les carnavals… Les gens qui investissent dans ces spectacles veulent faire de bonnes affaires, alors ils utilisent des « trucs » pour attirer l’attention du public, en faisant des affiches, des prospectus, des défilés, etc.

Nous voulons utiliser nos cinq sens, voire plus, pour faire l’expérience de cette vie et de ce monde, c’est une sorte d’ambition naturelle. C’est pourquoi nous exigeons et achetons de l’art en permanence. L’art est présent dans nos vêtements, dans nos ustensiles de cuisine et dans beaucoup d’autres choses de notre vie, avec de nombreuses formes de styles, d’esthétiques, d’ambitions, d’expressions, etc.

Après ces beaux projets, avec quel·le artiste rêverais-tu de faire équipe ?

J’adore réaliser des vidéos pour n’importe quel groupe ou projet. J’aime beaucoup quand quelqu’un m’engage pour le faire. J’aime gagner ma vie en tant qu’illustrateur / designer, mais j’ai toujours rêvé d’être réalisateur de films et travailler dans de grosses productions depuis que je suis enfant. Pour l’instant, c’est ce qui me rapproche le plus de ce rêve : vivre de mon travail en tant que réalisateur derrière un bureau !

En ce moment, j’adorerais réaliser une vidéo pour Junior H, Natanael Cano ou Santa Fe Klan, car j’aime vraiment beaucoup de leurs chansons. Je pense aussi que ce qu’ils créent en tant qu’art est authentique, et que la façon dont cette avant-garde a émergé et s’est ensuite emparée des hit-parades est également très importante. Il serait très intéressant de faire quelque chose avec eux.

Ce serait bien aussi de pouvoir collaborer avec Cole Bennett, Nacho Vigalondo, Gossip, Turnstile, Hidrogenesse, ScHoolboy Q, Jelly Roll ou Post Malone. Je rêve que cela puisse arriver un jour si je continue à travailler sur ce genre de choses !

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