DA de Festival : Sonic Protest 2021

Le festival défricheur Sonic Protest revient du 24 juin au 11 juillet avec non seulement une programmation de doux dingues mais aussi avec une identité visuelle à vous en décoller la rétine. On a demandé à Matthieu Morin, le grand manitou à l’origine de ce graphisme impeccable de nous raconter tout du festival. Ah et on vous fait gagner des places aussi!

Ô joie ô plenitude, les festivals reprennent ! Ô joie, ô plenitude, Sonic Protest revient ! Actif depuis 2003, Sonic Protest fait partie des rares festivals à avoir su apporter de la valeur ajoutée à un milieu dégoulinant d’offres. Conquérant, il revient cette année après vents et marées, après Covid et annulations, sans faire les choses à moitié. Avec une édition de trois semaines, rythmée par une douzaine de rendez-vous répartis dans une douzaine de lieux de la métropole parisienne, Sonic Protest persiste et signe son éternelle programmation à contre-courant.

Défenseur des musiques indépendantes et fières, il continuera de mettre dans la lumière ceux qui ont pris pour habitude (souvent volontaire) de rester bien à l’ombre au cours de l’année. Côté musique, 44 musiciens dont Mohamed Lamouri, OD Bongo et Jean-Louis Costes seront de la partie, mais il serait inutile de se lancer dans un namedropping compulsif tant la majeure partie de la programmation ne demande qu’à être découverte, même pour le plus aguerri des mélomanes.

En plus des concerts et performances, l’exposition Signal/Bruit dédiée aux arts sonores ainsi que des ateliers et rencontres autour des pratiques brutes de la musique rythmeront le festival.

LA PROG COMPLÈTE

Pour mieux comprendre Sonic Protest, on a demandé directement à Matthieu Morin – graphiste du festival, auteur d’un ouvrage sauce underground illustré par Camille Lavaud Benito et fin connaisseur des musiques brutes – de nous parler de son identité chevaleresque et des trucs à ne pas manquer cette année. Une mission qu’il a accompli brillamment.

Salut Matthieu. Quel était ton degré de liberté quant à la création de l’identité de Sonic Protest ?

Un bon degré de liberté voire une vraie carte blanche ! mais de mon côté je préférais tâter le terrain et discuter avec l’équipe, sonder les envies et surtout l’esprit général des troupes après cette foutue année. C’est la deuxième année de collaboration pour moi puisque j’avais réalisé l’image de l’année dernière, celle du festival avorté après quelques dates seulement à cause de l’arrivée subite du virus en mars. J’avais utilisé comme base une image de propagande japonaise anti- Churchill de la seconde guerre qui montrait deux geishas se bouchant le nez d’un air passablement dégoûté. J’avais envie d’un visuel dans l’esprit satirique d’un Hara-Kiri, un truc qui montrait que le Sonic Protest était un festival outsider, avec des choix de prog osés et qui ne pouvaient pas plaire à tout le monde. Malgré l’ambiance plombée, on s’était bien gaussés de l’effet inattendu de l’affiche qui passait du coup pour une prédiction au vu de la merde qui arrivait : l’annulation du festival et l’année qui allait suivre ! Ça sentait vraiment mauvais. On s’était même amusés à distribuer des sentorettes de voiture avec nos 2 geishas ! On avait choisi le parfum le plus dégueu…

Pour cette année, j’avais un peu ce même objectif, de réaffirmer les valeurs outsider et d’engagement du festival mais avec un ton un peu plus gai. Après un an de confinements, on avait quand même envie d’un peu de légèreté.

✞ Affiche du Sonic Protest avorté de 2021 ✞

Peux-tu nous détailler la phase de recherche et de conception de l’identité de cette année ?

L’idée est venue assez vite d’illustrer ce côté aventureux du Sonic par la représentation d’une sorte de territoire imaginaire. Un territoire aussi inhospitalier que sympathique et où on prend plaisir à se perdre, où l’on croise les peuplades les plus variées et les plus singulières possibles que j’ai décidé de représenter par des sortes de blasons, d’armoiries absurdes. Pour ce qui est de la recherche graphique, je ne suis pas forcément un habitué de la communication culturelle et je vous avoue que ça me foutait carrément la pression de relayer des pointures du graphisme et de l’illustration comme Harrisson qui avait réalisé les visuels des années précédentes que j’adorais. Je fais très peu de pige graphique, ça me fait flipper, j’ai préféré me lancer et voir un peu la réaction des camarades qui du coup m’ont bien encouragés par leur enthousiasme. J’avoue ne pas être très méthodique et chercher un peu les accidents.

removing knife from under his jacket, teenager threatening with a knife

Pour l’espèce de cartographie que j’utilise dans le fond, il s’agit en fait d’une base de plan topographique en vectoriel, quand je l’ai sélectionnée dans Illustrator j’ai adoré l’aspect de l’outil « sélection » qui ajoute tous ces petits carrés et rendent l’ensemble encore plus bordélique, alors j’ai fait une photo d’écran et me suis dit que j’allais le garder tel quel. Pour une histoire de qualité, de définition d’image, j’ai commencé à retracer les carrés un par un puis j’ai laisser tomber avant d’avoir une sciatique à la main droite. Je me suis dit que j’allais garder ce côté crado sous le fallacieux prétexte de la low-fidélité. Chhhht, de toute façon les patrons du festival ne liront jamais cet article, ils sont bien trop à la bourre sur tout le reste. Pour ce qui est de la typo, j’ai cherché un univers folk qui me ramenait du côté des vieux autocollants du pays basque ou des disques inaudibles de Malicorne. L’idée était aussi que ce territoire imaginaire ne soit pas citadin et pas parisiano-parisien, encore une fois à l’image du festival qui ne l’est pas et qui le revendique : « Paris, autour, ailleurs. » même si cette année, en raison des conditions particulières, le festival ne s’exporte pas comme d’habitude.

Il y a de nombreux symboles utilisés dans l’identité de cette année (notamment dans les blasons), peux-tu nous les expliquer ?

Dans toutes ces déclinaisons de blasons, j’ai cherché à représenter des identités différentes par des associations absurdes, j’ai fait un yaourt bio brassé de symboles voire de clichés de la campagne vu par les citadins : les vaches, les betteraves, les champs de blé et les forêts (notamment avec cette espèce de drapeau européen version déforestation), le tout mixé avec des symboles du son, du bruit. D’ailleurs je me suis amusé aussi à faire ces petits teasers vidéos qui commencent par des scènes paisibles de nature qui d’un coup sont bombardées de l’agréable vacarme du Sonic Protest qui peut représenter aussi cette tempête tant attendue après cette année de calme forcé. Pour revenir à ces blasons, j’ai privilégié l’absurdité au sens, c’est souvent mon problème, mais j’ai quand même voulu encore une fois affirmer l’identité d’outsider et noise du festival avec notamment le blason principal et ses vaches meuglantes et renversées. D’ailleurs on aura des super écussons brodés pour mettre sur nos vestes en jean et nos sac US !

Quelles sont tes inspirations (en général) en terme de graphisme ?

Je suis clairement inspiré, de par mes centres d’interêt, par tout ce qui est d’un côté issu de la culture populaire : les couvertures de Série Noire, de romans de gare, les enseignes foraines et les décors de pizzeria, les affiches de feria et de foires au boudin… et d’un autre côté par l’art brut qui lui, aura cette formidable chance de ne jamais être influencé puisque c’est sa propre définition. J’observe aujourd’hui que la jeune génération s’est vachement ouverte à cette culture populaire (dans l’art visuel comme dans la musique, etc.) et je trouve ça très chouette que cette culture soit naturellement intégrée aux côtés des autres et sans distinction de valeur. Je trouve qu’on joue plus naturellement avec tous ses codes aujourd’hui qu’il y a quelques années où on l’utilisait davantage en évoquant le « kitsch », un mot que je déteste puisqu’il s’agirait de dire que le bon goût existe, ce qui est d’une connerie et d’une prétention sans fond !

Tu as l’air très impliqué dans le milieu de l’art brut, peux-tu nous en dire plus ?

Je suis collectionneur d’art brut et d’art populaire depuis presque 20 ans maintenant. Je suis tombé dans la marmite subitement et me suis vraiment intéressé à cette idée que la création dormait en chacun de nous et se réveillait parfois sans nul besoin d’une quelconque formation (formatage) culturelle. Pour rappeler un peu le concept d’art brut, que le peintre Jean Dubuffet avait conceptualisé en 1945, c’est plus simple de rappeler ses mots : « Nous entendons par l’art brut des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. »

J’ai écrit un bouquin sous forme de road-trip à propos de l’art brut américain, Des pépites dans le goudron !, sorti en 2019 aux éditions Knock Outsider et j’ai été invité en commissaire d’expo pour L’Amérique n’existe pas ! je le sais j’y suis déjà allé au musée d’art brut de Bruxelles, le Art et Marges musée. Mon intention était de voir et de donner à voir l’envers du décor du fameux rêve américain à travers le regard d’artistes bruts et contemporains. Ce qui a également noué ce lien que j’entretiens justement aujourd’hui avec le festival Sonic Protest, c’est que je fais partie du label et collectif La Belle Brute qui depuis 2015 cherche à mettre en valeur par des éditions de disques (pour qui je réalise le graphisme), de programmation de concerts, d’ateliers et de résidences, ce qu’on appelle les
« pratiques brutes de la musique » et qui finalement joue le pendant sonore de ce qu’on appelle l’art brut en général en parlant d’expression plastique. On co-organise avec Sonic Protest, et ce pour la 5ème année, dans le cadre du festival, les « Rencontres Internationales autour des pratiques brutes de la musique » où l’on invite des acteurs de tous horizons confondus à échanger autour de la vaste question de la norme sous forme de tables rondes, conférences, performances, concerts, ateliers. D’ailleurs, j’aurai le plaisir d’en tenir un (d’atelier) en continu et ouvert à tous, avec les artistes Antoine Liebaert et Elsa Fauconnet qui nous feront une espèce d’initiation à la gravure sur mousse, on essaiera très certainement avec le public de s’amuser à créer ses propres blasons et à les reproduire sur textiles, en drapeaux, etc.

Que nous conseilles-tu d’aller voir dans la programmation de Sonic Protest de cette année ?

Alors là je vais pas me géner ! Venez nous voir le 2 et 3 juillet à La Parole Errante de Montreuil pour les Rencontres ! Et puis le premier des deux soirs, en plus du super trio Berrocal, Fennec, Epplay il y a le premier concert en France des franco-belges Il était dans l’ouest une fois avec Kostia Botkine chanteur MC de la célèbre Choolers Division, Wilfrid Morin membre de Keeper Volant et de ma famille, et Julien Bancilhon de La Belle Brute ! Pour vous donner une petite idée, l’équipe du festival a qualifié leur musique de death-country minimaliste. Au passage, j’ai vraiment envie de dire au public du Sonic Protest de ne pas hésiter à être curieux sur ces deux journées de Rencontres. Certes, elles sont en partie vouée et animée pour et par les professionnels de la santé mentale et à ceux de l’accompagnement socio-culturel mais elles sont ouvertes à toutes et à tous dans une super ambiance, ponctuées d’impros musicales, de performances, de cuisine collective, tout ça dans un très joyeux barouf ! Venez ! Le mot d’ordre est vraiment le mélange et l’échange, on pourra aussi bien écouter le philosophe Jacques Rancière que le performeur Jean-Louis Costes, c’est pour dire !

CONCOURS – SOIRÉE DU JEUDI 10 JUILLET

Kiblind vous fait gagner 2×1 place pour la soirée du 10 juillet dans la cour du théâtre Berthelot à Montreuil avec MADALITSO BAND, MOHAMED LAMOURI & CHARLIE O, OD BONGO… Pour tenter de mettre le grappin dessus, il vous suffit d’envoyer votre nom et prénom à e.quittet@kiblind.com et de titrer votre mail « Sonic Protest 2021 ». Tirage au sort le lundi 28 juin.

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