Le dessinateur Lilian Coquillaud et la scénariste Marine Levéel s’associent pour une plongée au cœur d’un groupuscule de chasseurs flirtant sans trop de gène avec les sentiments les plus tristes.
La chasse est une activité pour le moins ambiguë. En même temps qu’elle révèle une certaine forme de fascination pour la nature, elle exalte un sentiment de puissance et de destruction qui flatte l’humain en être supérieur. Et puis, les mecs ont des flingues quand même. Choisir ce décor pour en faire une bande dessinée est un choix opportun de la part de la scénariste et réalisatrice Marine Levéel et du dessinateur Lilian Coquillaud pour leur album Battue. Elle soulève des interrogations qui s’accrochent, tenaces, à l’individu période XXIe siècle, dans son rapport à la nature, dans son rapport à l’autre, dans son rapport aux traditions.
C’est d’ailleurs un pesant passé que l’héroïne, Camille Duhamel, a tenté de fuir. Son père est à la tête d’une obscure assemblée de chasseurs, légèrement orientée politiquement, appréciant notamment l’ordre, la discipline et les rituels immémoriaux. Mais ce père meurt, comme ça arrive parfois. Chauffée par un de ses amis journalistes pour intégrer le groupuscule, elle part jouer la digne héritière lors de La Grande Battue, le rite initiatique des Blanchistes, le joli nom de la bande. Camille plonge alors dans une nature sauvage, dans une société qui ne l’est pas moins et dans des atermoiements sur la place qu’elle doit prendre entre ses origines et ses convictions.
Un récit comme une aubaine pour le dessinateur Lilian Coquillaud. C’est l’occasion de faire, certes, quelques planches magnifiques tant l’aquarelle lui semble facile, mais aussi d’installer autour de ce rite d’initiation une ambiance suffocante. Suivant à la lettre le récit de Marine Levéel, ses envolées graphiques épousent les tensions et les questionnements d’une héroïne aux prises avec les principes qui l’ont vue grandir. La liberté contre l’ordre, l’obéissance contre l’instinct, tout entre ici en résonance avec les questionnements de notre époque. Pendant ce temps, il y en a une que ça commence à fatiguer : la nature
Battue, de Lilian Coquillaud et Marine Levéel chez 6 pieds sous terre, 120 pages, 24 € – Disponible ici.