Les Gens du Mag : Mathilde Paix

Rencontre avec Mathilde Paix, qui nous à parlé d’Éric Cantona, de mauvais métal et de sa création originale pour Kiblind Bla Bla Bla, intitulée Big Bluff. En tout cas une chose est sûre, question talent, elle n’a pas triché.

C’est en regardant loin dans le rétro – jusqu’aux fourches rebelles de l’Histoire médiévale – que Mathilde Paix puise son inspiration. Bercée aux esthétiques grotesques du cinéma d’exploitation, elle combine tout ce qu’elle aime pour mettre en lumière des personnages mélodramatiques sans jamais oublier de nous faire sourire. Avec l’ancien, elle fait du neuf, de la bande dessinée à la céramique.

Il parait que les meilleures confitures sont cuisinées dans les vieux pots. Sans doute, car son travail, en plus de nourrir l’âme, se dévore des yeux.

Création originale pour le magazine Kiblind Bla Bla Bla - Mathilde Paix
Big Bluff – Création originale pour le magazine Kiblind Bla Bla Bla

Hello Mathilde ! Ton illustration sur le thème “Bla bla bla” fait référence à l’art bluff. Mais du coup, le bluff c’est bien ou c’est mal ?

Hello Kiblind ! Quand on est quelqu’un qui ne comprend rien aux règles de jeux comme moi, la triche c’est le seul moyen de s’amuser en jouant a des jeux de société : donc bien. Le revers de la médaille c’est que personne ne veut jouer avec une grosse tricheuse, donc pas ouf.

scène coupée place de ma mob - fanzineMathilde Paix
scène coupée du fanzine Place de ma mob

Ton dessin nous ramène au temps des cow-boys, si tu pouvais changer d’époque pour discuter un peu, tu irais quand et avec qui ?

J’irais à Angoulême l’année dernière, quand j’ai croisé Eric Cantona et que je n’ai pas osé lui demander une photo, pour corriger le tir. Ou alors n’importe où dans la timeline de Eric Cantona pour essayer de devenir son amie.

Versus Cow-boy - illustration personnelle
Versus Cow-boy – illustration personnelle

Derrière leur aspect mignon aux premiers abords, tes créations représentent souvent la violence. Comment expliques-tu ce mélange ?

J’ai beaucoup consommé de films de genre, de cartoons et de mauvais métal quand j’étais plus jeune et je pense que ce sont des influences qu’on retrouve beaucoup dans ce que je fais. Il y a quelque chose de profondément amusant à dessiner des blessures en tout genre, la preuve, quand on demande à un enfant de faire une bd, il y a 1 chance sur 2 qu’il fasse quelque chose de morbide.

Extrait de la bande dessinée Jacques Bonhomme - Mathilde Paix
Extrait de la bande dessinée Jacques Bonhomme

C’est un truc qu’on retrouve aussi beaucoup dans l’illustration et l’enluminure médiévale et justement dans le cinéma d’exploitation, les cartoons « pour adultes » des années 2000 ou les visuels de groupes de métal. Ce qui relie beaucoup ces esthétiques que j’aime c’est leur côté grotesque.

D’un autre côté, je met en scène des personnages en proie à des problèmes relationnels mélodramatiques, mes scénarios sont « anti-climatiques », et mon dessin est très loin d’être technique, ce qui m’exclut un peu, de fait, de la grande famille de la bd d’exploitation ou de genre. C’est un contraste dont je suis assez fière en vérité, car ça a été ma manière de m’approprier pleinement mes influences virilistes tout ne faisant jamais vraiment partie du club. Heureusement d’ailleurs car d’après mes goûts, si j’avais fait partie du club, je serais probablement un incel.

Extrait de Jacques Bonhomme - Petite histoire
Extrait de Jacques Bonhomme – Petite histoire

Avec quel matériel réalises-tu tes dessins ?

Je peins à la gouache. En dessous de chaque peinture il y a plusieurs couches de crayonnés différents, toujours assez difficiles à lire et pas forcément représentatifs de ce que le dessin sera à la fin. Je m’ennuie pas mal quand je dessine sans couleur et c’est au moment de peindre que je décide de comment sera l’image. En plus, la peinture permet de rajouter plein de détails à postériori et donc, même en me lançant un peu au hasard, je peux rajouter des trucs qui vont rééquilibrer l’image si elle ne me plait pas. Je dessine parfois au trait, mais en général je n’aime pas ce que ça donne.

Extrait de la bande dessinée Mounta Calà - Mathilde Paix
Extrait de la bande dessinée Mounta Calà

Tu crées également de la céramique, quelle est la différence avec l’illustration ? As-tu une préférence ?

Ma pratique de la céramique est devenue une pratique de duo en 2020 quand j’ai commencé à faire des figurines, puis des bas reliefs avec mon amie Maxime Le Nahelec, avec qui j’adore travailler, et qui a beaucoup influencé mes goûts et mon travail. On fait aussi du moulage et du bois ensemble. Quand on est toutes les deux, on a tendance à beaucoup s’éparpiller et à vite s’emballer sur des idées et pour moi c’est les principales qualités de ce qu’on produit ensemble : c’est désordonné et joyeux.
Ces derniers temps on n’habite plus dans la même ville avec Maxime et j’essaie désespérément de finir une grosse bd alors je ne fais plus trop de sculptures mais on a pour projet de s’y remettre un peu sérieusement au printemps de cette année.

bas reliefs complet - céramique - Mathilde Paix et Maxime Le Nahelec
bas reliefs complet – céramique – Mathilde Paix et Maxime Le Nahelec

À l’inverse, j’ai l’impression que ma pratique de l’illustration et de la bd est plus canalisée mais du coup plus austère. Ça me prend vraiment énormément de temps de finir une planche à la peinture, et pour pouvoir finir quelque chose il faut que je crée des tunnels de concentrations qui ne me permettent pas trop de me laisser distraire ou surprendre par d’autres idées.

La Grande Jacquerie - céramique - Mathilde Paix et Maxime Le Nahelec
La Grande Jacquerie – céramique – Mathilde Paix et Maxime Le Nahelec

Donc pas vraiment de préférence, le top c’est vraiment quand je partage mon temps entre les deux.

Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été marquants pour toi et nous dire pourquoi ?

Jacques Bonhomme est à la fois ma première bande-dessinée de plus de 10 pages, ma seule activité constructive pendant le confinement et ma première bd éditée. C’est donc un projet hyper cher à mon cœur, aussi parce que l’idée de cette histoire vient des recherches qu’on faisait avec Maxime pendant qu’on faisait notre première série de figurines en céramiques. On était tombées sur l’histoire de Jacques Bonhomme, un révolutionnaire du moyen-âge forcé en 1358 par ses pairs à être le leader d’un soulèvement paysan (appelé La Grande Jacquerie) et qui finira exécuté pour l’exemple au moment de l’écrasement de la révolte par les nobles.

Extrait de la bande dessinée Jacques Bonhomme -Mathilde Paix
Extrait de la bande dessinée Jacques Bonhomme

J’adore les récits de personnages forcés à faire partie de l’histoire des autres et c’est vraiment cet aspect à la fois tragique et anti-héroïque de l’histoire de Jacques Bonhomme qui m’a donné envie d’en faire une bd. Cependant en avançant dans le récit, j’ai fini par m’intéresser beaucoup plus au personnage de Mireille et en sa foi aveugle envers ce Jacques désintéressé et à moitié débile. C’est son histoire à elle que je voulais absolument continuer, et j’ai directement enchaîné avec la suite de l’histoire.

J’ai commencé Mounta Calà à l’été 2021, ça fait donc presque 3 ans que je suis dessus. C’est un projet que je mets en pause régulièrement à cause de plein d’autres choses à faire, mais c’est ma bd la plus longue et la plus ambitieuse jusqu’ici.

Mounta Calà couverture provisoire - Mathilde Paix
Mounta Calà couverture provisoire

Si je suis honnête c’est une bd avec laquelle je commence à avoir une petite relation amour/haine avec le temps, mais qui me suis depuis tellement de temps maintenant qu’elle est toujours dans ma tête. C’est ce qui en fait sa richesse (j’espère) car c’est une sorte de patchwork de ses 3 dernières années, et on peut même y voir mon dessin évoluer et y voir mes intérêts du moment, selon quand la planche a été faite.

Extrait de bande dessinée Munta Calà - Mathilde Paix
Extrait de bande dessinée Munta Calà

C’est la suite de l’histoire du personnage de Mireille et un tout petit peu de Jacques à la suite de la fin de Jacques Bonhomme. Elle devrait sortir fin 2024 ou début 2025.

Sinon en ce moment je travaille sur une histoire d’une quinzaine de pages autour du thème du complot. J’ai été invitée avec Maurane-Amel Arbouz à participer à la prochaine revue du collectif Très Très Bien. C’est un collectif d’édition et une maison d’édition angoumoisine qui rassemble les esprits les plus brillants de sa génération : Coline Hégron, Thy-Lane Monnet, Caro CDBC, Paulin Matrot, Hélène Topouria et Louise Laveuve. Le hasard fait bien les choses et tous ces génies de la bd sont aussi mes ami·es, on a même monté ensemble un atelier à Angoulême il y a maintenant deux ans.

extrait de l'histoire à paraître dans la revue du collectif Très Très Bien - Mathilde Paix
Extrait de l’histoire à paraître dans la revue du collectif Très Très Bien

C’est un thème qui m’emballe énormément, et iels m’ont invitée car je suis obsédée par les histoires de complots. Quand j’étais petite, je regardais beaucoup de vidéos conspi sur youtube ou à la télé sur le cable, la nuit, en pensant que c’était des documentaires, et mine de rien avec le temps j’ai accumulé pas mal de connaissances sur les anciens astronautes, donc avec cette bd je peux enfin mettre à profit tout mon savoir inutile sur le folklore reptilien… La revue est sortie en mai !

 revue collectif Très Très Bien par Mathilde Paix
Extrait de l’histoire parue dans la revue du collectif Très Très Bien

MATHILDE PAIX // KIBLIND BLA BLA BLA

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