Si vos dernières formes hasardeuses faites sur Microsoft Paint remontent à l’époque de l’ordinateur familial au milieu du salon, Alexander Medel lui, n’a jamais vraiment tourné la page. Amateur de concepts plus que de réalisme, pour sa création originale il s’est attelé à interpréter le Bla Bla Bla dans notre magazine éponyme.
Ne cherchez pas de fioritures dans le travail d’Alexander Medel. L’illustrateur basé à Santiago ne s’attache pas aux détails. Non lui, ce qu’il aime, c’est l’interprétation. Laisser s’exprimer sa main, lorsque le cerveau a déjà l’idée, sans savoir exactement où elle va le mener. Une quête dessinée menée avec une palette de couleurs primaires réduite au cours de laquelle il expérimente, il teste, pour sans cesse se réinventer.
Et s’il a parfois du mal à trouver les mots justes, dans ses créations, ses lignes et ses couleurs chuchotent déjà tout ce qu’il faut savoir. Faire beaucoup avec peu, voilà le talent d’Alexander Medel.
Hello Alexander ! Pour ce numéro tu as réalisé une œuvre originale sur notre thème “Bla bla bla”. Est-ce que c’est un sujet qui te parle, sans mauvais jeu de mots ?
En général, mes illustrations n’ont pas de message explicite. La plupart du temps, c’est l’illustration elle-même qui est le message. Il m’a donc été assez facile de travailler sur le thème du « bla bla bla », qui est très ouvert à l’interprétation personnelle. Je me sens très à l’aise avec les messages ambigus.
Quel est le thème sur lequel il ne faut pas te lancer au risque de t’entendre parler de heures?
L’un des sujets qui me passionne le plus est la nature. En particulier, j’aime parler de la relation à la nature, des cultures précolombiennes et de toutes sortes de faits concernant ces sujets. J’aime aussi le Muay-thaï (la boxe thaïlandaise). Aucun de ces sujets n’est exposé de manière figurative ou explicite dans mes illustrations, mais je pense que d’une manière ou d’une autre, de façon très abstraite, si vous vous arrêtez une seconde et que vous les regardez, vous serez en mesure de trouver qu’ils en font partie.
Quand on s’exprime par l’illustration, est-ce qu’il est important de l’expliquer avec des mots ?
En vérité, j’aimerais associer mes illustrations à des phrases ou des mots, mais j’ai réalisé que, personnellement, ça ne me semblait pas naturel. Ça me rend plutôt timide de communiquer avec des mots dans mon travail. Même s’il est prouvé que cela génère plus d’interactions avec le public, en particulier sur les réseaux sociaux, je ne me sens pas à l’aise. C’est pourquoi j’ai tendance à éviter de le faire, même si je m’y pousse parfois.
Ton travail est basé sur une colorimétrie assez étroite, avec des couleurs très franches, est-ce que c’est un choix conscient ou un simple hasard devenu une signature ?
Au début, c’était une décision inconsciente et, avec le temps, c’est devenu quelque chose de caractéristique dans mon travail. En général, je pense qu’avec le nombre de ressources existantes et disponibles, il vaut mieux se limiter à l’utilisation de quelques-unes d’entre elles afin de pouvoir les explorer en profondeur, d’une manière contrôlée. Néanmoins, il m’arrive parfois, pour changer, d’ouvrir ma palette de couleurs à un nombre délimité de tons.
Quelle est ta méthode de travail ?
Lorsque l’on me commande un travail, la première chose à faire est d’écouter le client et de discuter avec lui. Si la commande est liée au monde de l’art, la communication est plus facile. Si ce n’est pas le cas, je lui demande généralement de m’envoyer des références et des exemples tirés de mon propre travail, afin de mieux comprendre ce qu’il a en tête.
Ensuite, j’aime bien y penser. Sans ordinateur. Comme ça, lorsque je m’assois devant l’écran, j’ai déjà une idée de ce que je veux, et je ne perds pas de temps à improviser. La plupart du temps, j’ai cette « idée mère », comme nous l’appelons en espagnol, et après ça, je la dissèque et la modifie, en différentes variations et couleurs comme options.
Lorsqu’il s’agit d’une pièce personnelle, je m’assois simplement avec de la musique et j’improvise.
L’esthétique de tes illustrations fait bien sûr penser au design numérique des années 2000. Tu faisais quoi à cette période ?
Dans les années 2000, je n’étudiais pas encore à l’université, donc ma relation avec le design et l’illustration n’était pas encore très forte. Cependant, je n’oublierai jamais la première fois que je me suis assis devant un ordinateur. C’était fascinant. Je ne saurais dire combien d’heures j’ai passé à dessiner sur Microsoft Paint. C’était quelque chose qui me semblait si naturel. Maintenant que j’y pense, ces dessins n’étaient pas très différents de ceux que je fais aujourd’hui.
Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été marquants pour toi et nous dire pourquoi ?
Parmi les derniers travaux que j’ai réalisés, j’aime la couverture du magazine Brummell, qui est accompagnée d’une version animée numérique. J’ai également pris plaisir à explorer les interprétations de mon travail par les outils d’IA. Pour le troisième, je choisirai une illustration que j’ai réalisée pour la revue Endémico sur le thème « Si vous venez ici, n’apportez pas votre ville ».