Les Gens du Mag : Adèle Verlinden

La jeune illustratrice nantaise manie les formes (disproportionnées souvent), les couleurs (vives la plupart du temps) et la matière comme le jeune Harry Potter sa baguette, avec fougue et talent. Pour nous, et notre numéro Sugar Sugar, elle a réalisé un portrait à la canne à sucre en forme d’hommage à la grande Frida. On a sauté sur l’occasion pour en savoir plus sur l’autrice du récent et brillant Polly et les trois chiens.

On avait déjà aperçu Adèle dans l’excellent journal Biscoto et dans la belle revue Bien Monsieur. L’illustratrice passée par l’école Estienne à Paris et les Arts Déco de Strasbourg aime beaucoup, entre autres, raconter des histoires et dessiner des animaux, plein d’animaux, aux formes et aux couleurs folles. Son dernier livre en est un très bel exemple. Petit voyage dans le monde d’Adèle, aux côtés de sa propriétaire.

Illustration réalisée pour Kiblind Sugar Sugar

Comment es-tu devenue illustratrice ?

Je suis devenue illustratrice à cause de Harry Potter, du CDI du collège et de Kitty Crowther. Pour l’ado que j’étais, les romans de littérature fantastique étaient des fenêtres de liberté qui ouvraient sur des mondes où tout était possible. Plus j’en lisais, plus j’osais m’imaginer écrivaine, inventeuse de mondes et de personnages. Et puis j’ai avalé des kilos de manga et le dessin s’est glissé dans mon fantasme. Un jour, je devais avoir 15 ans, j’ai pensé : « Illustratrice ! Ça, ce serait la liberté ! ». J’ai rêvé de l’école Estienne et quand j’y ai mis les pieds, j’ai découvert les livres de Kitty Crowther… Là, ce n’était même plus la peine de me parler d’autre chose. Tout ce que je voulais faire, c’était imaginer des univers et raconter les histoires qui s’y passaient.

Polly et les trois chiens, Editions Les Fourmis Rouges, 2021.

Peux-tu nous expliquer ta création pour Kiblind et ce numéro Sugar Sugar ?

Au début, j’étais un peu perplexe face à ma feuille blanche. Le sucré, c’est pas mon goût préféré. Un morceau de sucre ? Pas très rigolo à dessiner pour moi qui ne suis pas super copine avec les lignes droites. Des cristaux de sucre alors ? C’est plus mon genre mais c’est encore un peu trop abstrait pour que j’en tire une vraie idée. Comment trouver un prétexte pour dessiner des choses que j’aime dessiner ? Ah, tiens, les champs de canne à sucre, ça, c’est sympa. C’est beau, ça me rappelle mon enfance. Les fruits aussi, ça me donne envie. La grenade par exemple. Ça me fait penser aux insectes qui aiment le sucre, comme les fourmis qui apparaissent sur la terrasse en été dès qu’il en tombe un peu par terre. Ou aux ours, qui sont censés être les plus grands amoureux du miel des abeilles. C’est à peu près à ce moment là que j’ai pensé aux autoportraits de Frida Kahlo qui réunissent des plantes, des animaux et des symboles autour d’elle. Son Autoportrait au collier d’épines et colibri est un de mes tableaux préférés. Ça m’inspire l’envie de peindre un portrait de femme entourée d’évocations du sucre, sorte d’allégorie à la Kahlo. Et voilà comment j’ai réalisé ce « Portrait à la canne à sucre » pour Kiblind Sugar Sugar.

Si tu devais nous présenter trois projets importants à tes yeux ?

– Polly et les trois chiens est mon dernier album jeunesse, il est paru en mars aux éditions Les Fourmis Rouges. C’est une adaptation très librement inspirée du conte Le briquet d’Andersen. Elle raconte l’histoire de Polly, princesse du royaume de Canidies où humains et chiens vivent une idylle sans pareille. Une nuit, Waïkiki, le petit corgi royal, se fait enlever avec tous les autres chiens du royaume et la courageuse Polly part à leur recherche dans la forêt maudite qui borde le royaume. Elle va rencontrer une terrible monstresse mangeuse de toutous et trois chiens magiques qui seront la clé du problème.

C’est un album tout à la peinture, dans lequel j’ai mis beaucoup des nombreuses choses que j’adore : des chiens, des petits personnages, des perspectives aplaties, des tas de couleurs bien contrastées, plein de détails, des grands yeux ronds humides, des animaux gigantesques, de la magie, des vers de chanson… et pour lequel j’ai pu me connecter à mes références d’amour : les jeux Pokémon sur Gameboy, la peinture tibétaine, les films de Miyazaki, le portraitisme animalier, etc. Ça faisait un moment que je n’avais pas été autrice et illustratrice sur un album et c’est vraiment très réjouissant. Un boulot de dingue, c’est sûr ! Mais une joie de dingue aussi.

Les calendriers de L’Amour éditions sont un peu ma récréation d’automne depuis deux ans. Avec mes trois irréductibles camarades de L’Amour éditions (Ariane Hugues, Pauline Hébert et Maeva Szpirglas), on produit en tout petit tirage un calendrier en riso qui nous permet à la fois de nous réunir, de faire un peu de façonnage ensemble et de faire entrer un peu de sous pour se payer un stand à Angoulême. La première année, on s’est réparti douze chansons à illustrer et à faire deviner à nos lecteurs. La deuxième année, on a choisi des romans. C’est aussi l’occasion de partager des références avec le public et d’engager facilement la conversation !

– La Léoniade est un grand projet de bd que je suis en train de réaliser. C’est une épopée fantastique avec mondes parallèles, métamorphoses, magie, aventures, amitiés et un max de chats. Tout ce que j’aime, quoi.

Ce livre est un grand défi pour moi car c’est la plus longue histoire que j’aie jamais essayé de raconter (la BD fera 244 pages), c’est la première fois que je me confronte à un récit aussi épique (il y a pas mal d’aventures), c’est la première fois que je fais une vraie bande dessinée (avec des cases et des bulles) et c’est aussi la première fois que je ne fais PAS un livre à la peinture (et le dessin en noir et blanc, c’est dur ! Mais la colo numérique c’est plutôt rigolo). Malgré la tendinite chronique due à ma manière problématique de tenir une plume, c’est un projet qui me procure énormément de joie car déjà l’histoire me tient très fort à cœur et en plus je découvre de nouvelles choses à chaque fois que je me penche dessus. Il devrait sortir en octobre 2022 aux géniales éditions Biscoto.

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