Les Gens du Mag : Pits

Chez Pits, la surprise n’est pas toujours là où on l’attend. Ce qui n’en a pas été une par contre est l’uppercut visuel qu’on s’est reçu en pleine poire à la vue de son illustration pour Kiblind « Surprise ». Une fois les gants de boxe retirés, la Coréenne a bien voulu répondre à quelques unes de nos questions.

« Vlan », « Bam », « Poooow ». Voilà les sons que sont capables de déclencher les illustrations de Pits dans votre esprit à la seconde où vos yeux s’y engouffrent. Oui, les illustrations de la Coréenne vivent. Elles sont fixes et pourtant, renferment une variété de plans et d’actions qui défie la logique. Alors on s’y attarde, on imagine les personnages se prendre une beigne, courir sans jamais se retourner, être interpellé par un élément en dehors de l’image…

Passionnée de BD et nourrie par la science-fiction, Pits construit des mondes gouvernés par des créatures venues d’ailleurs et où la norme n’existe pas. Parce qu’après tout et comme nous le laisse entendre l’illustration de la dessinatrice réalisée pour Kiblind « Surprise », n’est-on pas tous·te l’extraterrestre de quelqu’un ?

Now, who is the alien ? - Création originale - Kiblind Surprise - PITS
Now, who is the alien ? – Création originale pour Kiblind Surprise

Bonjour Pits ! Pour ta création originale dans le magazine Kiblind Surprise, tu as décidé de représenter un voisin à l’allure un peu trop classique dans un monde étrange. Paraître normal dans un monde fou, c’est surprenant ?

Bonjour Kiblind ! Nous pensons et vivons tous avec notre propre personne comme point de référence central, en supposant que tout ce qui est différent de nous est étrange. Cependant, le monde est constitué d’une multitude de « moi », chacun ayant ses propres normes. Cela soulève la question de savoir ce qui est vraiment « normal », « moyen » ou « ordinaire ». Dans son propre monde, on est toujours à la fois normal·e et étranger·e au monde extérieur. Plus les normes et les perspectives de chacun·e sont rigides, plus les autres deviennent des étranger·es et, inversement, on devient un·e étranger·e pour eux. Ces mondes disparates s’harmonisent et s’opposent parfois. C’est ce genre de monde que j’ai voulu exprimer.

Lorsque l’on regarde ton travail dans sa globalité, tu sembles t’amuser à varier les sujets et les techniques, quelles sont tes inspirations ?

Plus j’étudie l’art, plus je me rends compte que les souvenirs visuels que j’ai accumulés pendant mon enfance ont une grande influence sur mon travail actuel. En repensant aux œuvres d’art que j’aimais à l’époque où je n’avais que peu de connaissances en la matière, je constate qu’elles ont une caractéristique commune : elles ressemblent souvent à des symboles que l’on trouve dans les bandes dessinées.

Lorsque je vois des éléments tels que la composition des planches, les lignes de vitesse exprimant l’action, les tons de la trame donnant de la lumière et de l’ombre, les expressions situationnelles suggérant des événements à venir, ou les symboles – comme « l’emanata » – propres à l’univers de la bande dessinée représentés dans des peintures, je suis comblé.

Comment conçois-tu une illustration, entre la première idée et le résultat final ?

Je commence par dessiner dans un grand carnet, sans thème spécifique, en esquissant simplement ce qui me vient à l’esprit en fonction de mon humeur et de mon état du jour. Au fur et à mesure que j’accumule des formes qui me plaisent, je commence à les assembler en images. Si je parviens à rassembler un certain concept, une atmosphère ou une narration, je complète l’image en conséquence. Je m’efforce d’inclure un point qui amène les spectateur·rices à se demander « Qu’est-ce que c’est ? », que ce soit visuellement ou narrativement.

Les situations qui défient la logique peuvent également exister dans la réalité. Cependant, j’écarte les esquisses qui sont trop grossièrement assemblées. Parfois, je mets tout de même ces dessins de côté, comme une pâte fermentée qui servira ou non à cuisiner un beau plat dans le futur.

Tu réalises aussi des comics, qu’est-ce que ça change pour toi, d’ajouter du texte à tes dessins?

Dans les bandes dessinées, le texte est largement utilisé dans les bulles et les effets sonores. En 2023, en dessinant Le robot et la princesse, j’ai activement utilisé les effets sonores comme élément rythmique. Les effets sonores sont un symbole intéressant de la bande dessinée qui peut donner de la vitesse, de la direction et du mouvement au flux du regard du lecteur qui suit les bulles. Ils peuvent renforcer ou interrompre la direction du regard. Le texte dans les bulles, qui représente généralement le dialogue des personnages, a été utilisé pour refléter la personnalité des personnages par le choix de la police de caractères. J’ai utilisé une police avec empattement pour le discours de la princesse et une police bitmap pour le discours du robot.

Quelle proposition de projet serait ta surprise rêvée ?

Je veux créer une scène semblable à un vieux décor de film de science-fiction, avec des structures rudimentaires et de nombreux personnages, remplis de glace carbonique, pour que les spectateur·rices aient l’impression d’être des terrien·nes visitant une planète étrangère – où, en fait, nous sommes les extraterrestres ! Je veux créer cette illusion avant qu’elle ne devienne réalité.

Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été marquants pour toi et nous dire pourquoi ?

D’abord j’aimerais parler de A Blue Throne. J’aime utiliser des couleurs fluorescentes, c’est pourquoi j’ai souvent recours à la risographie. Et même si j’aime la sensation de demi-teinte de la risographie, j’ai été captivé par l’application de couleurs unies de la sérigraphie, ce qui m’a amené à créer une bande dessinée d’une seule page, sur une affiche. Le trône bleu est une bande dessinée qui remet en question la valeur de l’ancienne autorité. Les trônes étant toujours placés au centre de l’autel, la composition des panneaux a également été conçue pour être symétrique, centrée sur le milieu de chaque page.

Blue Throne – extrait

Ensuite, Space Holiday. Un jour férié, c’est un jour convenu légalement où l’on peut échapper temporairement aux obligations sociales. Bien qu’il permette une pause dans les routines quotidiennes imposées, il ne soulage pas complètement les tensions. Je l’ai vu comme un jour où l’on peut tranquillement, sans trop se faire remarquer, s’adonner à ses petits désirs dans le temps imparti.

Space Holiday – extrait

Enfin, Floofy and Jewelry, il s’agit de ma première bande dessinée (au format fanzine) sur laquelle j’ai travaillé en suivant entièrement mon cœur, de l’histoire à la mise en page jusqu’à la méthode d’impression. Comme il y avait beaucoup d’éléments contrastés, tels que les bijoux et les clés, Floofy et les invités, les rochers et la mer, j’ai intentionnellement fait correspondre la mise en page des deux côtés des planches. Lorsque je travaille sur un livre, j’essaie de laisser des questions aux lecteur·ices, c’est pourquoi mes bandes dessinées ont souvent des fins ouvertes. Dans celle-ci, je voulais questionner l’idée d’abandonner sa vie quotidienne ordinaire dans le but de relever un nouveau défi.

Floofy and jewelry – extrait

PITS // KIBLIND SURPRISE

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