Les films vertigineux de Boris Labbé

Une chute sans gravité dans les rêves animés de Boris Labbé

On entre dans un film de Boris Labbé comme dans un rêve étrange. Ce genre de rêves sans repères dimensionnels, sans cadre, sans narration, sans espace connu, sans notion de temps. Lorsque les images frappent librement notre esprit endormi, sans règles et sans ordre, dans une joyeuse anarchie libérée du filtre qui retient l’absurde. Ou comme quand on rêve qu’on tombe. La vraie sensation de chute, belle et bien réelle, avec les fourmillements dans les jambes pour attester de sa réalité. Le vertige.


Étude pour Rhizome

Ce vertige justement, est une notion – ou plutôt une sensation – centrale dans le travail du réalisateur. « Beaucoup d’éléments de mes films viennent d’idées que j’ai à mon réveil. Des rêves de chute. Un vertige qui n’est pas réel, qui est généré par notre cerveau, mais dont les sensations bien réelles m’inspirent. C’est ce qui me plaît dans les rêves : pas le contenu, mais la sensation. » C’est de cette manière qu’il façonne ses films, comme on tisse des songes : dans une sorte d’état de concentration spéciale, qui fait qu’on se projette dans l’objet animé, artificiellement mais pourtant concrètement. « Dans l’animation, on fabrique des choses qui ne sont pas réelles. On fait de l’artifice. Mais un artifice qui permet justement de provoquer quelque chose, une émotion, un ressenti, qui sont bien réels. »


« Dans l’animation, on fabrique des choses qui ne sont pas réelles. On fait de l’artifice. Mais un artifice qui permet justement de provoquer quelque chose, une émotion, un ressenti, qui sont bien réels. »


La sensation déroutante, elle est déjà dans les compositions expérimentales de ses courts-métrages, dans les textures organiques, et peut-être plus encore dans les mouvements qui leur sont imposés et qui conduisent inévitablement à la multiplication des formes. Le rythme, hypnotique, mécanique, accompagné par une musique minutieusement conçue, est le vrai conducteur d’une progression envoutante dont l’aboutissement est une sorte de transe, dans laquelle fourmille une myriade de petits acteurs fantasmatiques.


On part de chorégraphies simples, qui se répètent en canon, s’amplifient exponentiellement et deviennent folles. C’est un jeu asymptomatique avec le temps ; parce que l’accroissement de ses modules, de ses formes, de ses personnages, de ses constructions, tend mathématiquement vers l’infini. C’est pourquoi on peut rester des heures devant un film d’animation de quelques minutes de Boris Labbé, tellement il y a de choses à voir, à revoir, comme devant un tableau de Jérôme Bosh. La filiation est d’ailleurs pleinement assumée, notamment dans ses films dessinés à la main, animés à l’encre de chine et aquarelle sur papier : Kyrielle, Rhizome, La Chute. Escher, aussi, et ses figures impossibles, n’est pas très loin.



« Quand je commence un projet, je collectionne des images. Je vais en chercher et en accumuler un grand nombre : des images d’artistes, d’auteurs, de scientifiques, etc., pour arriver à un corpus de formes, de possibles. Une lecture d’un livre ou d’un simple passage, un artiste que je viens de rencontrer, un principe abordé dans un précédent projet que je veux développer, des recherches dans toutes les directions… quelque chose se passe. Quelque chose qui me permet de remplir la page blanche et de commencer une nouvelle création. L’image est pour moi plus importante que le texte. Et dans cette recherche d’images proche de la démarche d’un chercheur en sciences dures, j’avance comme un aveugle qui cherche son chemin. Jusqu’à ce que j’arrive à l’image d’appui, qui va déclencher tout le reste. »

Cette démarche, méthodique, compulsive, explique la dimension expérimentale de ses films. Une fabrique d’images, d’objets, de formes, de petites choses sorties plus ou moins du néant et qui attendent à l’écran d’être animées, de recevoir cette énergie particulière qui va transformer leur matière en mouvement, qui va les faire danser devant nous, juste pour le plaisir du rythme, de la création et de la sensation. Et c’est beau, troublant et vertigineux.


 

IL(S) TOURNE(NT) EN ROND (extrait)


❥ KYRIELLE


❥ RHIZOME (Trailer)


❥ LA CHUTE (Trailer)


❥ SIRKI (Trailer)


❥ MONO NO AWARE (Teaser)

Plus d’animation et plus d’actus
sur le site de Boris Labbé.

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