Les sensualités de Yoriko Mizushiri

Une sensualité bizarre comme une gourmandise acidulée… Bienvenue dans les courts-métrages d’animation de Yoriko Mizushiri.

Des mouvements aussi lents que des caresses, qui avancent comme le bout de la langue sur une pâtisserie sucrée, et des silhouettes pâles alanguies sur des lèvres gonflées. Un empire des sens où règne en impératrice Yoriko Mizushiri, la réalisatrice japonaise la plus sensuelle du cinéma d’animation.
Le titre de son dernier film, Anxious Body, résume en deux mots l’orientation esthétique et sémantique contenues dans toutes ses œuvres : celle d’une tension charnelle. Tension qui s’exprime par des ruptures entre ses tableaux animés, qui se succèdent comme des lanternes magiques, et par des oppositions sensitives, des contrastes lentement joués sur la corde tactile et vibrante du duel plaisir/souffrance. Un sadomasochisme tendre, à la douceur de la peau d’une pêche, et qui glisse dans la gorge comme une liqueur de rose.


Futon, 2012

Ce qui frappe le plus à l’esprit et au corps dans le travail animé de Yoriko Mizushiri, c’est la fluidité et la subtilité du mouvement. Pourtant elle ne découvre l’animation qu’à la fin de ses études de graphisme à l’université d’Art et de Design Joshibi : « Je passais mes journées à dessiner des fesses, sans but et sans savoir exactement ce que j’allais créer, mais avec la sensation que je pourrai les sublimer dans une œuvre. “Pourquoi n’essayez-vous pas d’en faire une animation ?”, m’a suggéré le professeur. Et c’est comme ça que j’ai réalisé mon premier film. » Assez naturellement, et comme une évidence, elle se passionne pour l’animation, en solitaire, en recherchant des mouvements qui lui font du bien, qui provoquent de bonnes sensations lorsqu’elle les exécute.


« La sensibilité physique et l’érotisme sont parmi les éléments les plus faciles à appréhender immédiatement pour les Humains. C’est pourquoi j’aime travailler sur la sensibilité du corps. »


Sa ligne est subtile, fine, claire. Les couleurs douces, pales et rosées. Le mouvement gracile, sensuel et érotique. Trois influences avouées ressortent de ses œuvres : « Gabin Ito (artiste, éditeur et concepteur de jeux), le Professeur qui a supervisé mon projet de fin d’études, m’a donné l’opportunité de faire de l’animation et m’a appris combien la création artistique est importante ; Tomoko Kashiki (peintre japonaise d’inspiration Nihonga), dont les œuvres réalisées avec un toucher très doux dégagent une atmosphère à la fois calme et étrange ; et Ren Hang (grand photographe chinois), qui exprime le corps nu d’une manière unique et magnifique. » La réunion des trois a provoqué cette sensibilité charnelle, ce sens du toucher qu’elle a développé si passionnément et qui lui sert de canal pour dialoguer directement avec le spectateur, en s’adressant intimement à son corps ; par ses sensations. « La sensibilité physique et l’érotisme sont parmi les éléments les plus faciles à appréhender immédiatement pour les Humains. C’est pourquoi j’aime travailler sur la sensibilité du corps. Je communique ainsi plus facilement avec le spectateur en m’adressant directement à ses sensations corporelles. Le corps est incroyable, parce qu’il se souvient de beaucoup de choses. C’est la mémoire du corps plutôt que celle de la tête que je stimule dans mon travail. »

Des stimuli, des frissonnements, des réactions en chair. Les films de Yoriko Mizushiri ne racontent pas d’histoire, au sens classique que l’on donne habituellement au procédé narratif, mais gravitent autour d’une idée, d’un concept ou d’une image. Il y a quelque chose de très représentatif de l’art japonais au sens large, aussi bien littéraire, que pictural, ou visuel : cette incroyable maîtrise du temps, de la suspension, du silence, de l’espace, qui n’existe plus finalement. Pas de message à rechercher, ni même de sens logique évident, mais la quête malicieuse et animée de titiller les sens physiques pour produire son petit effet. « Je veux qu’en regardant mes films le spectateur ressente quelque chose dans son propre corps. C’est le plus important pour moi. »


Futon, 2012

« Quand je commence un projet, je collectionne des images. Je vais en chercher et en accumuler un grand nombre : des images d’artistes, d’auteurs, de scientifiques, etc., pour arriver à un corpus de formes, de possibles. Une lecture d’un livre ou d’un simple passage, un artiste que je viens de rencontrer, un principe abordé dans un précédent projet que je veux développer, des recherches dans toutes les directions… quelque chose se passe. Quelque chose qui me permet de remplir la page blanche et de commencer une nouvelle création. L’image est pour moi plus importante que le texte. Et dans cette recherche d’images proche de la démarche d’un chercheur en sciences dures, j’avance comme un aveugle qui cherche son chemin. Jusqu’à ce que j’arrive à l’image d’appui, qui va déclencher tout le reste. »

Et la mécanique du corps est effectivement très réceptive à ses films. Ce qui explique facilement pourquoi ils ont déjà été nominés et récompensés dans les plus grands festivals d’animation internationaux, comme la Berlinade, le festival d’Annecy ou celui de Zagreb. Sensibles, fluides, physiques, érotiques, méditatifs, mélancoliques et intimes, tout dans ses œuvres est dédié à l’exaltation du corps et l’immense cadeau qu’il nous offre en nous permettant de sentir, par chaque morceau d’épiderme qui habille notre présence.


ANXIOUS BODY


❥ FUTON


❥ SUSHI


❥ MAKU (Trailer)


❥ KAPPO (Trailer)


❥ SHIRI PLAY

Plus d’animation et plus d’actus
sur le site de Yoriko Mizushiri.

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