Ce n’est pas peu dire que les six membres du groupe isérois ont roulé leur bosse pendant des berges, récoltant au passage quelques belles cicatrices, avant de se retrouver et de faire parler d’eux par monts et par vaux. Le combo a de la bouteille – au sens propre comme figuré – des bagages et du bagou.
Kiblind s’installa donc pépouze en backstage après une très grosse prestation du groupe au Glazart – Paris – le dimanche 22 janvier dernier, et ouvrit grand les esgourdes, entre des cendards à moitié pleins, un reste de taboulé et le bruit des canettes qui s’ouvrent.
Parce qu’il est toujours pertinent d’écouter ce que les écorchés ont à dire.
Kiblind : Comment présenteriez-vous Flayed ? Qui sont les membres ? Quel est votre style ?
Julien : Je vais commencer… Je suis guitariste, compositeur de Flayed et créateur du projet, au départ. C’est parti de mon initiative. En terme de style, j’ai vu passer plein de trucs sur le net ou dans les magazines, mais je définirai ça comme du Rock n’ Roll au sens très très large du terme. Je ne suis pas très fan que l’on nous classe dans le Stoner, dans ceci ou cela… Pour moi, c’est du Rock au sens large. Oui, ça me fout les boules.
Renato : En même temps, tu dis ça parce que pour promouvoir cette soirée [concert du 20 mars 2015 au Glazart, nldr], les mecs [Stoned Gatherings, le producteur] ont écrit Stoner dessus, ça t’a fait virer.
Julien : C’est de ta faute aussi !
Renato : Ouais, c’est de ma faute et je t’emmerde ! [rires]
Julien : Tu n’aurais pas pu prendre Rob Halford, toi ? [chanteur de Judas Priest – remarque liée à la comparaison constante faite entre la tessiture de Renato et celle de Phil Anselmo].
Renato : J’aurai pu, j’aurai pu… Mais je me serai trop fait chier… Enfin, je vous aurai trop fait marrer !
K : Étant à l’origine du projet, comment as-tu fait pour regrouper tous les gars assis autour de cette table ?
Julien : On a fait un petit apéro… Mais cela c’est fait hyper simplement. Tout ceux qui jouent dans Flayed se connaissent depuis dix ou quinze ans déjà, donc nous sommes tous potes. Au départ, ce projet avait été écrit avec d’autres musiciens, mais ça n’a pas marché comme je le voulais. Du coup, j’avais deux dates prévues que je voulais absolument faire car elles me paraissaient cool – finalement, il y en a une qui était hyper merdique, en première partie de Michael Jones [rires]. Du coup, j’ai rappelé mes potes pour qu’ils me dépannent sur ces deux dates, ce qui a finalement débouché sur un vrai groupe. Maintenant, Flayed, ce n’est pas que moi, c’est vraiment une entité propre.
K : Du coup, toi qui es à l’origine, comment laisses-tu les autres membres du groupe s’approprier le projet ?
Julien : Musicalement, je fais les pré-productions chez moi. J’écris tout : batterie, guitares, basse. Il n’y a que le chant que je laisse. Vraiment, écrire des textes ou des mélodies, ce n’est pas mon truc, donc je laisse le soin à Renat’ de tartiner tout ça.
Renato : Tartiner de merde !
Julien : Je n’ai pas voulu dire « merde ».
Renato : Mais tu l’as pensé ! [rires]
Julien : Ouais, parce qu’on aime bien dire ça. Puis j’envoie tout ça par facebook, on se fait une petite conversation, ils les regardent de leur côté et on le met en place en répét’. Mais vraiment, tout le monde est plus ou moins libre d’interpréter comme il en a envie. Justement, ça donne toujours cette sensation que je suis le créateur, le patron du groupe parce que je compose tout, mais quand je compose, j’ai besoin d’avoir un produit final quand je réécoute mes morceaux, avec la batterie, et tout… Mais Jean-Paul [batterie], quand il ne sent pas trop des breaks et qu’il les sent d’une autre façon, il n’y a pas de problème. Charly [basse], c’est pareil, il est plus ou moins free. J’avoue quand même que pour la guitare, je suis casse-couilles et que je ne laisse pas trop de place sur les arrangements.
Rico : C’est une bonne chose pour moi. Que Julien écrive, c’est très bien, j’en avais besoin.
Renato : Tu vois un peu le personnage ! Il a l’air rigoureux, ce mec ? [rires] Tu as déjà la veine, Rico !
K : Le premier album, Symphony for the Flayed, est sorti le 31 octobre dernier. Avez-vous déjà eu des retours ?
Julien : Oui, carrément. On a eu pas mal de retour sur le net, en France et en Europe, où il a été hyper bien accueilli. Après, nous avons également eu une bonne chronique sur Rock Hard Magazine – qui nous a fait un bon petit coup de pub. Et globalement, sur scène, le projet marche. Je ne sais pas encore ce que l’on a de plus que les autres ; on est un peu passe-partout. Mais pour l’instant, on vend l’album, plutôt bien.
Renato : C’est vrai. On vend bien l’album. Je suis tombé sur une seule chronique négative. Nous sommes les premiers étonnés. Quand tu sors un album, tu ne sais pas trop, tu es persuadé que c’est génial – et on sait de quoi on parle, on en a sorti une paire – mais s’il est mal reçu alors tu te prends une giflette. Quand c’est tout le contraire, c’est la fête. C’est même la fête au village, Bernard ! Même si Framboisier…
K : Et vous enregistrez chez Raph [orgue] ?
Renato : Oui, au studio Cartellier. Tout est fait en live et sur bandes. Raph enregistre.
K : Ce n’est pas trop dur d’avoir un membre du groupe qui produit l’album ?
Julien : Déjà, Raph n’est pas tout seul sur le mixage et le master.
Renato : En fait, Raph ne fait que les prises. Et puis il y a aussi un truc : chacun son job. Julien écrit les titres et on lui fait pleinement confiance. On fait nos parties. Raph enregistre et on lui fait pleinement confiance. Si chacun a son boulot et qu’il y est compétent… Ceux qui n’y connaissent rien ferment leur gueule.
K : L’album est sorti chez Klonosphere. Qu’est ce que ça change d’avoir un premier album qui pourrait être auto-produit mais qui est sorti par un label ?
Renato : La visibilité. Avoir Klonosphere – qui n’est pas exactement un label mais je ne vais pas m’étaler là-dessus – permet d’avoir une promo d’enculé. Vraiment, c’est la visibilité, l’exposition. Si jamais nous nous étions amusés à le faire nous-mêmes, avec tout les contacts accumulés depuis dix ans, nous aurions pu faire 30% du boulot que Klonosphere a fait. Tu sors un album, tu as l’impression d’être quelqu’un… ce n’est pas grâce à nous, mais grâce à eux.
K : Il y a beaucoup de sons très 70s dans cet album. Peux-tu détailler tes inspirations ?
Julien : Déjà, il faut citer l’orgue. C’est clairement la touche 70s du groupe. Parce que même si nous avons tous nos univers musicaux, on se retrouve tous sur Deep Purple forcément, AC/DC, Status Quo… tous les groupes glorieux de cette époque-là.
K : Au milieu de ça, il a des textures différentes : des passages très Blues – comme « Symphony for the Flayeds » – et d’autres plus directs. C’est vraiment un album transversal, qui transpire toutes vos influences.
Julien : Oui. En tant que compositeur, il y a plein d’informations. Ça fait vingt ans que je fais de la musique, il y a plein d’informations et de styles que j’ai pu jouer que j’inclus toujours un peu, que ce soit un petit peu de Funk, etc.
Renato : Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il vient du Death Metal à la base. Donc quand tu débarques dans Flayed, tu te dis qu’il s’est passé quelque chose à un moment donné.
K : C’est une critique que j’ai lu à droite à gauche justement, sur le fait que l’on entende ZZ Top ici, là The Who, ailleurs Deep Purple… A quel moment imprimes-tu ta propre patte ? Ou à quel moment les inspirations prennent le pas sur les aspirations ?
Julien : Je ne sais pas trop quoi te dire. Bizarrement, l’influence la plus importante chez Flayed, quand j’écris, c’est AC/DC. Et ce n’est pas ce qui ressort le plus. Je pense qu’avoir joué plein de styles de musique pendant des années, d’avoir digéré plein d’informations, cela t’amène à créer ta propre patte. Tu fais un condensé de tout ce que tu as pu digérer sur des années de musique. Je pense quand même que Flayed a une identité propre car tout les membres ont un bagage musical qui commence à avoir une certaine importance.
K : Quel est le retour du public ?
Julien : Jusque là, le retour du public est plutôt cool.
Renato : Aujourd’hui, on ne connaissait personne, on joue à 19h un dimanche à Paris, et c’était de la folie. Franchement, on était les premiers sur le fion parce que l’on ne s’y attendait pas du tout. Le retour du public est hyper cool, et c’est du coup sur coup. On vend des skeuds en sortie de scène, les gens viennent nous voir. On ne peut pas dire d’où ça vient, et quelque part, je pense que ça nous dépasse.
Julien : Il y a un truc important chez Flayed, et c’est un retour que l’on nous fait régulièrement : le public nous dit « on sent vraiment que vous êtes des potes ».
Renato : Encore tout à l’heure. C’est le premier truc que l’on m’a dit en descendant de scène. « Putain les mecs, on voit vraiment que vous êtes des potes ! » « Bah,merci, Bernard ! »
Julien : Bravo. Tu l’as placé.
K : Vous avez tous de la bouteille, des groupes avant, la trentaine… Comment se passe le processus de se recogner des tremplins, de refaire des petites scènes, etc. ? Est-ce que ça vous fait chier ou vous savez que c’est un processus nécessaire ?
Renato : C’est un processus nécessaire. D’une, on l’a vécu et on sait que ça marche comme ça. Sauf que là, avec le bagage que l’on a, il y a moyen de griller quelques étapes. Au final, ces scènes là, on se les tape, mais heureusement que l’on ne fait pas que de ça. Nous n’avons fait qu’un tremplin, et il nous a rapporté la première partie de Scorpions. Jouer des MJC, des machins, on en fait toujours, mais ce n’est pas le quotidien d’un groupe qui se lance. Il se passe d’autres plans qui sont très intéressants, donc on arrive à gratter des étapes parce que ça fait dix, quinze, vingt ans qu’on le fait.
K : Il y a aussi une forme de succès médiatique, avec pas mal de publications, de radio, web-TV… ça vous boost aussi ?
Renato : Carrément ! Quand tu vois ta face dans un magazine ou que tu passes à la téloche, à un moment donné, tu te dis… Ah ouais, non, je ne suis pas d’accord sur les photos choisies, tu vois [rires] mais c’est bien parce que l’on a pas notre mot à dire. Mais sinon, quand tu vois ta face dans Hard Rock Mag ou Rock Hard, tu te dis « sans déconner ? » C’est bien. Encore une fois, c’est de la visibilité, et là aussi c’est le boulot d’une seule entité, Klonosphere. Sans eux, nous n’aurions jamais été de partout comme ça.
K : Il y a aussi une histoire de sponsors ?
Renato : C’est Hyraw Clothing, les t-shirts que l’on porte. C’est une marque du Sud qui endorse des groupes de fou.
Julien : Sepultura entre autres, les fringues du Hellfest…
Renato : On vient juste de se lancer là-dedans, choper des endorsements. Parce que le fait que ça tourne et que ça marche, que l’on puisse montrer des marques, et qu’avoir certains logos sur ton affiche, ça rend ton groupe crédible. On a cette démarche là en ce moment, ça mord à droite à gauche, gentiment.
K : Le succès vous pousse à continuer… Vous bossez déjà sur un nouvel album. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Julien : Nous avons fait une première session studio en février. On a enregistré les bases, c’est-à-dire en live avec guitare 1, basse, batterie. Vu que l’on a pas mal de concerts, on a laissé ça un peu de côté. Puis c’est le boulot de Raph et il a pas mal de monde qui passe au studio. En mai, on va reprendre, pour essayer de le sortir à la même période si l’on peut, fin octobre-début novembre. Il sera clairement différent, car Symphony était écrit pour d’autres musiciens. Là, j’ai vraiment écrit cet album par rapport aux mecs qui jouent, donc il sera différent, et un peu plus speed.
K : Donc le travail de composition demeure le même. Tu bosses, tu soumets, vous discutez. C’est plus rapide ?
Julien : Ouais, c’est plus rapide. Aujourd’hui, les moyens pour s’enregistrer sont tellement simples que tu peux le faire à la maison, tu as du matos pas cher pour faire des pré-productions.
Charly : Et il sait comment on joue, individuellement. Ce qu’il fait, il sait comment on va le reproduire derrière.
Renato : Il sait déjà exactement ce que tout le monde va jouer. Il l’a déjà en tête.
Julien : C’est sûr que, si l’on avait vraiment du temps libre, je ne cracherai pas sur l’idée de se retrouver ensemble, deux-trois fois par semaine, pour composer. Je ne suis pas contre du tout, mais la rapidité compte beaucoup.
Renato : J’espère secrètement que l’on fera le troisième comme ça, histoire de se faire plaisir.
K : Il n’y aura qu’un an d’écart entre les deux albums. L’idée est-elle de battre le fer tant qu’il est chaud ou c’est que tu as une grosse envie de créer et il faut que ça sorte ?
Renato : Les deux ! Exactement ! Il est productif comme tout. Nous avons assez de matière pour le second et le troisième album. Le fait d’avoir toute cette matière là et de se dire qu’effectivement, il faut battre le fer tant qu’il est chaud – ce qui est exactement ce qu’il faut faire dans la musique aujourd’hui, parce que ça marche comme ça : la musique, tu la prends, tu la digères et tu la chies aussi sec – il n’y a pas le choix. Pour imposer un nom et un groupe, il faut balancer de la matière, il faut de l’actu et il faut être là en permanence. Deux albums en deux ans, c’est ce qu’il faut faire, si toutefois il est aussi bon que le premier [rires] ce qui n’est pas encore sûr donc on a bien la pression. Mais on va tout faire pour.
Julien : En tout cas, on ne joue pas la performance. Ce n’est pas l’idée de sortir un album par an tout le temps. Là, il y a de la matière, il est écrit, ça va vite, on enregistre et puis voilà. Si après, pour le troisième, il faut prendre un peu plus de temps car nous avons tous une vie en-dehors, des gamins qui arrivent… alors on prendra plus de temps. Tant qu’il y a de la matière et que l’on peut faire, on envoie !
K : Justement, vous avez tous du taf et/ou des enfants. Comment conciliez-vous cette vie de musicien professionnel ou semi-pro avec un taf pour gagner sa croûte ?
Julien : Avec Jean-Paul, nous sommes professionnels. Nous sommes musiciens enseignants, donc notre vie tourne autour de la musique. Ce n’est pas évident, mais ça se fait. Ce n’est qu’une histoire d’organisation. Franchement, les mecs qui me disent qu’avoir un gamin t’empêche de faire de la musique, ce n’est pas vrai du tout.
Renato : Par contre, on a des gonzesses qui sont bien fête !
Julien : Aussi ! [rires] On a des gonzesses qui… tolèrent. Ça, c’est essentiel.
K : Ce qui a commencé pour certains d’entre-vous comme un projet parallèle s’est-il transformé en projet principal ?
Charly : ça dépend des gens. Nous ne sommes pas quarante à avoir plein de groupes. Pour Julien, c’est le projet principal.
Julien : Forcément, vu que c’est mon projet. Pour Raph aussi, Rico et JP. En fait, il y a juste Renat et Charly avec God Damn…
Rico : J’étais sur le point d’arrêter la musique. C’est arrivé. Bim !
Renato : Pour nous, ça fait deux ans que l’on essaie d’écrire un album avec God Damn et ça n’aboutit pas vraiment. Effectivement, le fait que Flayed débarque et que ça décolle aujourd’hui, ça nous prend du temps mais tu vois, on est pile en train de se préparer pour sortir quelque chose de fou ! En fait, ça a pris le pas pendant un instant, mais je pense que l’on va compiler les deux.
Charly : Il n’y a pas d’ordre de priorité. Tant que les gars proposent, c’est bon. Et si ça peut se goupiller correctement, tant mieux ! J’ai trois groupes, donc je sais que c’est possible. Il s’agit juste de s’organiser. Je ne pense pas que l’un en pâtisse parce que l’autre fonctionne.
Renato : Après, si tu veux vraiment foutre une priorité, si tu as deux plans qui tombent le même jour pour deux groupes différents, tu ne regardes pas quel groupe est le plus important, mais quel est le plan le plus intéressant. Tu choisis juste la scène la plus belle à se taper.
K : Est-ce que Flayed sert d’échappatoire pour proposer et faire des choses que vous ne pouvez pas faire avec d’autres formations ?
Renato : Secrètement, c’est tout ce que j’ai toujours voulu faire. J’ai l’impression d’avoir quartier libre, tout ce que j’ai eu envie de faire, de balancer tout ce qu’il me passe par la tête. Là, il n’y a pas de problème, on peut tartiner de merde. C’est une échappatoire énorme ! Il y a tout ce que j’ai envie de faire personnellement.
K : Les prochaines dates ?
Julien : Avril est chargé. Le 17 au Brin d’Zinc à Chambéry, le 18 en Lorraine, le 19 à Belfort. Le 23 à Romans, le 24 à Roanne, le 25 à Albertville. Renato : Mois de mai en studio. Au mois de juin, on joue en Savoie de nouveau, à Allonzier-la-Caille. Et en juillet, on ouvre pour Scorpions, voilà, on se touche la nouille. Julien : Le 25 Juillet au Panic Fest en Haute-Savoie encore. C’est un peu notre patrie en ce moment.
K : Un dernier mot à ajouter ?
Charly : Tu roules un buzz ?
Renato : Tu roules un buzz ?
Propos recueillis par Rémy Carras.
Flayed – Symphony for the Flayed est toujours disponible. En concert par ici.