[Interview] François Floret & Alban Coutoux – La Route du Rock

Contre vents et marées, François Floret, directeur et Alban Coutoux, programmateur, oeuvrent à faire de la Route du Rock le souvenir nostalgique et indélébile de nos fins d’été. Alors que la 28ème édition du festival prendra place du 16 au 19 août à Saint-Malo, c’est loin de l’air iodé de la cité des corsaires, à Paris, que nous avons rencontrés les deux tenanciers du raout breton pour discuter festival indé, programmation et défis à surmonter. Ah oui, et aussi, on a un pass 3 jours et des compils à vous faire gagner tout en bas.

Kiblind : Salut Alban ! Tout d’abord, comment t’es-tu retrouvé à la programmation de la Route du Rock ? 

Alban Coutoux : par promotion interne on va dire. Je suis arrivé en tant que fan du festival déjà. C’était en 1996, ça correspondait parfaitement à ce que j’écoutais, à ce qui m’intéressait musicalement. J’ai toujours été un grand fan de rock indé au sens large. Je me retrouvais complètement dans le festival donc j’avais envie de m’impliquer dedans. J’ai donc été bénévole en 1996, j’étais étudiant à l’époque. Puis j’ai fait un stage un an plus tard. Je suis arrivé au bon moment, quand le festival passait d’un évènement complètement amateur à un évènement professionnel. C’était vraiment la jonction entre la 7ème et la 8éme édition. J’ai donc eu la chance d’intégrer l’équipe en 1998 à la communication du festival. Ensuite, l’équipe a fluctué en fonction des envies de chacun, de la situation du festival. Et en 2004, il n’y avait plus que François et moi sur le festival. Donc on a repris le festival comme ça à deux et j’ai récupéré la programmation cette même année.

Kiblind : depuis, on imagine que vous êtes une équipe de plus de deux personnes ? 

Alban Coutoux : 50 ! Non, après c’est variable en fonction de l’activité forcément. Là, on est à peu près une dizaine au bureau en ce moment. Après, il y a la partie booking qui représente trois personnes et puis la salle (ndlr. La Nouvelle Vague) qui est indépendante et qui compte une dizaine de personnes aussi. L’entité a grossi depuis 2004 mais on reste quand même relativement une petite structure par rapport à d’autres évènements.

François Floret : on est trois à l’année en fait. Il y a Romain qui est notre responsable administratif et financier qui nous a beaucoup aidé sur la structure de l’équipe et qui fait qu’aujourd’hui on est plutôt en progression sur pas mal de niveaux, que ce soit le festival sur les éditions été et hiver ou sur la salle et le booking. On dépasse les 4 millions de chiffre d’affaires donc ça commence à être une grosse boite. On avait donc besoin de quelqu’un comme Romain pour gérer le côté administratif, juridique et financier à l’année.

Kiblind : vous évoquez justement La Route du Rock Booking. À quel moment a été créée cette branche et quelle connexion a-t’elle avec le festival ? 

Alban Coutoux : ça date maintenant d’il y a une petite dizaine d’années. On s’est aperçu qu’on invitait des artistes qui n’avaient souvent pas d’agents en France donc on investissaient sur les transports, l’hébergement, les cachets etc sur des groupes qui bénéficiaient de la visibilité sur le festival et qui ensuite, partaient chez d’autres agents. On s’est donc dit : pourquoi ne pas bénéficier justement de cet investissement en retour de l’exposition des groupes et ensuite de les faire tourner en France. L’idée de départ était un peu là. Puis le catalogue a grossi avec le travail de l’équipe de booking avec Pierre. Sur le sérieux et la cohérence du travail, il y a vraiment quelque chose d’évident entre l’esthétique défendue, les artistes programmés et les artistes bookés. La réputation s’est faite petit à petit, ce qui nous a aussi permis d’avoir des artistes plus importants en booking. C’est quelque chose qui fonctionne très bien mais il n’y a aucune obligation de part et d’autre. Ce n’est pas parce que l’artiste est en booking chez nous qu’on est obligés de le faire jouer au festival et inversement.

Kiblind : cette année, par exemple, combien d’artistes signés chez La Route du Rock Booking sont programmés au festival ? 

Alban Coutoux : il y a Nils Frahm, Protomartyr, Josh T. Pearson, The KVB. Soit à peu près 4 artistes sur une trentaine de noms, ce qui reste raisonnable.

François Floret : c’est pas des placements de produits !

Kiblind : vous avez plusieurs grosses têtes d’affiches cette année (Etienne DahoPatti Smith, Phoenix, Nils Frahm, Charlotte Gainsbourg…)  Quel est le parfait dosage au niveau de la programmation entre tête d’affiches, groupes confirmés et groupes émergents ? 

Alban Coutoux : c’est plutôt intuitif on va dire. On ne va pas mettre les quatre têtes d’affiches le même soir, c’est une certitude. On a la chance d’avoir plusieurs têtes d’affiche cette année alors que d’autres années, c’était plutôt un artiste qui portait la prog. Cette fois, on a la chance d’avoir des artistes reconnus chaque soir. On essaye de trouver l’équilibre dans les esthétiques, dans le déroulé. C’est une alchimie à trouver pour chaque soirée.

Kiblind : il n’y a donc pas vraiment de quotas, c’est plus au feeling ? 

Alban Coutoux : non, le travail est déjà suffisamment compliqué, on ne va pas s’inventer des barrières.

François Floret : il y a un schéma idéal, c’est-à-dire d’avoir au moins un nom par soir. Ça, c’est quelque chose dont on rêve depuis un moment. Là, on peut penser qu’on en a même deux le samedi et le dimanche. Nils Frahm, pour nous, c’est un grand nom. Après, il y a Patti Smith bien sûr qui est au dessus de tout ça. Phoenix et Charlotte Gainsbourg le dimanche. L’année dernière on est pas parvenus à avoir un nom par soir. En 2016, pas du tout non plus. Le schéma idéal, c’est donc une locomotive par soir pour pouvoir avoir derrière des découvertes, des choses un peu plus compliquées pour le public mais qui sont super intéressantes. Punk, electro, garage… Dans tous les styles.

Kiblind : c’est aussi un moyen d’attirer un public qui ne serait pas forcément aller voir ces groupes par lui-même ? 

François Floret : ça peut paraitre un peu présomptueux de le dire mais c’est un peu l’idée oui. Faut assumez. On a envie d’amener un public qui ne serait pas forcément venu sans un grand nom, à être curieux et à se dire que finalement c’est cool. J’aime pas dire ça mais à un moment c’est un peu éduquer le public, il faut savoir prendre des risques et être curieux, ne pas seulement aller voir ce qu’on connait.

Kiblind : plus d’artistes français sont programmés cette année aussi. 

François Floret : oui et des grands noms !

Kiblind : est-ce en réponse à un constat en particulier ? 

François Floret : non. C’est un débat qui revient tous les ans. On nous dit que la part des français est assez faible à la Route du Rock. Cette année, je ne pense pas qu’on puisse dire ça, entre Phoenix, Charlotte Gainsbourg et Etiene Daho, on a déjà trois grands noms qui sont en haut de l’affiche. Il y a aussi la scène à la plage où il y a beaucoup de français en général. On ne fait pas de quotas, on répond ce qu’on répond tous les ans. C’est à dire qu’on ne réfléchit pas à savoir s’ils sont australiens, chiliens comme Föllakzoid etc. On s’en fout en fait.

Kiblind : on remarque récemment que les groupes français sont pourtant de plus en plus valorisés par le biais de collectifs, de festivals etc. 

Alban Coutoux : oui, bien sûr. On voit le travail qui a été fait par la Souterraine par exemple, qui a mis vraiment en avant un vivier de groupes français important. Évidemment, on suit tout ça mais on ne s’impose rien. Sur un festival, on garde aussi le côté évènementiel et c’est vrai que les groupes français ont tendance à plus tourner en France donc de programmer un groupe qui a déjà fait 20 ou 30 dates, c’est pas vraiment l’idéal. Il y a aussi cette réflexion là.

Kiblind : le festival a aussi été un tremplin pour pas mal de groupes qui ont fait leurs premières dates à la Route du Rock (MGMT, M83, Interpol…). Est-ce qu’il tend à être un évènement précurseur et surtout dans le futur, à devenir un rassemblement de professionnels comme peuvent l’être les Transmusicales de Rennes et le Printemps de Bourges

Alban Coutoux : non, on a pas vocation à faire ça. Forcément, quand tu prends des risques et que tu présentes des artistes qui ne jouent pas ailleurs, tu as parfois la bonne surprise que le groupe émerge après.

François Floret : on a jamais été un rassemblement. Je sais qu’on est par contre un rendez-vous parce que c’est le dernier festival de l’été avant la rentrée. Donc il y a beaucoup de professionnels qui viennent parce que c’est cool de venir à Saint-Malo quand même. On oublie pas que c’est le bord de mer, que c’est les vacances un petit peu. Mais ça n’a jamais été comme aux Trans quelque chose de très professionnalisé. De toute façon, on a pas les espaces suffisants pour faire aussi bien qu’aux Trans, même si on le voulait. C’est petit le fort de Saint-Père mine de rien. Après, je sais que c’est un lieu où ils aiment quand même bien se retrouver et où ils vont faire sans doute des découvertes. Comme le dit Alban, de toute façon, on prend plus de risques donc il y a plus de chance qu’on fasse des découvertes que lorsque l’on n’en prend pas. Mais en tout cas, il n’y a pas de calculs là dessus, non.

Kiblind : comment se passe le travail de recherche des artistes en amont de la programmation ? On imagine qu’il y a beaucoup de concertations entre vous. 

François Floret : oui, c’est Alban qui fait tout le boulot !

Alban Coutoux : le travail, c’est d’être à l’écoute de ce qui se passe. Un travail de veille constant. Un travail avec des agents, des labels, des journalistes, des disquaires, des discussions avec d’autres programmateurs… C’est de sentir ce qui peut intéresser le festival. Par moment, on va se mettre à programmer le festival tout en écoutant de la musique constamment, ça fait partie du quotidien. C’est vraiment quelque chose de vital d’écouter des nouvelles choses, de rester curieux. C’est la chose essentielle dans notre métier.

Kiblind : Alban, quel groupe de cette année voulais-tu absolument avoir dans ta programmation ? 

Alban Coutoux : C’est vrai que Patti Smith, ça fait quand même des années qu’on lui court après. C’est une belle satisfaction de l’avoir cette année à Saint-Malo. Sinon, sur les groupes plus petits, il y a King Tuff que je suis vraiment très content d’accueillir cette année parce que je trouve qu’il s’est vraiment bien renouvelé. Il faisait du rock garage cool mais je trouve qu’il a passé un palier avec son dernier album enregistré avec Mikal Cronin et Ty Segall et j’ai hâte de voir ce que ça donne sur scène. Il y a du beau monde avec lui.

Kiblind : en parlant de scène, quelle a été pour vous deux la révélation scénique du festival depuis ses débuts ?

François Floret : oula, moi j’ai une mémoire défaillante donc je peux pas remonter à trop loin. Mais rien que l’année dernière, Soulwax a été dingue. Nick Cave, c’était très beau aussi. Portishead aussi. Enfin, pour les grands noms. Idles pour les plus petits. Si on remonte à plus loin, je parle souvent de GusGus, c’était en 1997 de mémoire. Une des premières claques qui s’est produite à la Route du Rock. La première c’était Dominique A en 1993 parce qu’il est venu avec son bontempi tout seul et qu’il a scotché tout le monde. C’était totalement décalé. Il y a eu tellement de claques tous les ans après ça, c’est compliqué.

Alban Coutoux : il y a des groupes où tu anticipes le plaisir. Tu te dis que ça va être énorme et ça l’est. Il y en a d’autres où tu sais pas trop à quoi t’attendre et qu’au final, tu prends une grosse claque. Là, c’est vraiment des bons moments. Ou alors tu es incertain parce que tu ne sais pas ce que le groupe va donner. J’ai le souvenir de TV on the Radio en 2004 qui avait des titres incroyables mais on savait pas ce que ça allait donner sur scène. Au final, ça a été démultiplié sur scène.

François Floret : le premier concert d’Interpol aussi.

Alban Coutoux : c’est vrai qu’Interpol en 2001, personne ne connaissait. On ne savait pas à quoi s’attendre et tu vois ces quatre mecs débarquer et faire un truc incroyable.

Kiblind : il y a de plus en plus de festivals de rock indé en France. Y a t’il des ponts entre vous ?

Alban Coutoux : évidemment, avec Christian (ndlr : Christian Allex, programmateur de TINALS notamment), on se connait, on est au courant de ce qu’il fait etc. Mais c’est une bonne nouvelle, c’est très bien qu’il y ait plein de festivals indé. C’est bien que cette scène là continue à vivre de façon aussi vivace.

François Floret : après, il n’y a pas de ponts particuliers entre nous, non. Il n’y a pas de stratégie pour défendre ensemble les musiques indé. On s’apprécie entre fans de ces musiques là, forcément. On échange plus avec des festivals étrangers qui se produisent le même week-end pour pouvoir discuter d’artistes qu’on pourrait avoir en commun. Pas forcément avec d’autres festivals comme This Is Not A Love Song qui est début juin dans le sud et nous, dans l’Ouest mi-août. Il n’y a pas de lien de programmation à faire.

Kiblind : il y a peu de temps, une nouvelle circulaire a été votée par le ministère de l’intérieur obligeant les festivals à faire payer le déploiement des forces de l’ordre, s’ajoutant à la réduction déjà conséquente des fonds d’urgence alloués aux festivals par le ministère de la culture. Pour beaucoup d’acteurs du milieu, cela va engendrer un recalcul des budgets. Quelle pourrait être votre réponse à cette nouvelle mesure, couper sur le budget de billetterie ou sur l’enveloppe artistique ? 

François Floret : là dessus, on espère qu’il y aura un discernement qui sera effectué. Chaque autorité locale doit décider parce que normalement, c’est discrétionnaire. Je pense qu’on a une spécificité associative, comme pas mal d’autres festivals en France, qui doit être prise en compte. À un moment, on est pas une société qui est là pour faire de l’argent. On est une association pour ceux qui sauront rentrer dans le détail et comprendre. Il y a un projet artistique, un projet culturel derrière. D’ailleurs, après réflexion, je ne vois pas ce qu’on pourrait nous facturer parce que les forces de gendarmerie ne sont pas si présentes que ça. Il y a certes des verbalisations de voitures mal garées mais je pense que c’est plutôt destiné à des évènements qui intègrent plus les forces de gendarmerie dans l’organisation générale du festival. Après, ce sera au cas par cas je pense donc pour moi, on a pas à être facturé. Beaucoup de festivals qui ont la même typologie que nous pensent la même chose pour avoir discuté il y a peu avec des collègues, gros ou pas gros. Il suffit de voir les statuts et de voir pourquoi on organise l’évènement. La logique voudrait qu’ils ne facturent pas ceux qui ont vraiment une démarche artistique et culturelle plutôt que d’autres qui ont des intérêts purement économiques. Il y a ce premier distinguo qui est à faire. Si demain, on devait me facturer de la sécurité de gendarmerie, j’enlèverai la sécurité privée. C’est complètement crétin quoi. Pour moi, ça n’a pas lieu d’être pour chez nous. Mais en effet, si c’était mis en place ça nous mettrait en danger et ce serait pas sur la billetterie qu’on rentabiliserait parce que je crois qu’on a un prix déjà suffisamment élevé. Le public, c’est pas des vaches à lait. Ce serait pas forcément non plus au détriment de l’artistique. Je ne sais pas, ce serait une prise de risque supplémentaire et donc une mise en danger.

Kiblind : le risque ne serait-il pas de perdre en diversité dans le paysage des festivals français et donc à terme, en représentation de tous les types d’artistes ? 

François Floret : oui, c’est ce que j’ai dit il y a peu en interview. Ce qui me fait peur, c’est qu’il y a ceux qui ont de l’argent et qui pourront survivre et les autres. Ce qui peut se passer – encore une fois il faut distinguer les associations des boites qui sont là pour faire du business – c’est que ça va dégommer la marche de ceux qui font du business mais nous, ça va dégommer notre équilibre financier dans le sens où ça peut nous faire plonger. Ca fera moins gagner d’argent à ceux qui en gagne peut-être mais nous, on en gagne rarement donc ça nous en ferait perdre. Et c’est là que c’est plus dangereux.

Kiblind : la Route du Rock reste un festival à taille humaine, quelles sont les actions mises en place pour faire en sorte qu’il y ait une cohésion entre le public, le staff et les artistes ? 

François Floret : déjà la capacité du site. On est à 12.000 spectateurs maximum, ça veut dire 10.000 billets vendus parce qu’après il faut compter les gens qui y travaille, les bénévoles etc. Une jauge de 10.000 c’est pas énorme en soi donc ça vit bien. On rend aussi des services adaptés à ces populations là. On essaye depuis quelques années d’améliorer tout ce qui est sanitaire, restauration, navettes gratuites pour aller à la plage. Si on avait deux fois plus de spectateurs, ce serait deux fois plus compliqué. On ne pourrait pas rendre tous ces services avec le site qu’on a en ce moment.

Alban Coutoux : Un journaliste avait dit une fois que ce qui plaisait à la Route du Rock c’est qu’à la fois l’équipe, le public et les artistes ont le même âge. Bon, c’est peut-être un peu moins vrai maintenant.

Kiblind : Justement, est-ce que vous avez réussi à dégager une catégorie de public type en terme d’âge, de provenance etc ? 

Alban Coutoux : on a un public un peu plus âgé que sur un festival habituel, entre 25 et 30 ans. Un gros tiers vient du grand Ouest mais après, ça se répartit sur toute la France vu l’audience nationale du festival. Pour la typologie, on a vraiment un public curieux qui a envie de découvrir des choses.

François Floret : de plus en plus de festivaliers que je connais me disent qu’ils viennent avec leurs enfants. Donc ça commence à faire bizarre, on prend un peu un coup de vieux.

Alban Coutoux : ce qu’il y a de bien, c’est que le public qui nous suivait depuis le début est toujours là et il y a aussi une nouvelle génération qui arrive. Forcément, au bout de 28 ans, il y a des fidèles et des nouveaux festivaliers chaque année.

Kiblind : que peut apporter un festival de votre taille aux artistes ? 

Alban Coutoux : c’est surtout une cohérence sur l’affiche, au niveau artistique. Ils vont jouer avec des gens qu’ils apprécient et qui apprécient leur musique. Forcément, au niveau de l’ambiance, ça change tout. Ils savent qu’ils sont en terrain de connaisseurs, d’amis, de gens qui s’apprécient mutuellement donc ils donnent le meilleur d’eux même. Il ne sont pas en pilotage automatique, ils savent qu’ils sont attendus et ils sont bien conscients de ça.

Kiblind : et les habitants de Saint-Malo eux, comment sont-ils intégrés dans le projet global ? 

François Floret : c’est compliqué parce que c’est une ville qui vit sans nous l’été. C’est quand même une destination touristique hyper importante en France donc je ne dis pas qu’on passe inaperçus mais c’est justement un débat qu’on a. Moi, je souhaite depuis des années faire une étude d’impact économique avec une boite qui a déjà fait ça pour les Vieilles Charrues et les Trans. C’est pas donné mais c’est un truc qu’on fera parce que c’est important qu’on puisse bien répondre à cette question, c’est à dire quel est l’impact de la Route du Rock sur un été à St-Malo. Je suis vraiment pas à l’aise pour répondre parce qu’on est tellement mélangés au sein d’un flux touristique tellement important. Je sais qu’il y a forcément un impact parce qu’on apporte pas 30.000 spectateurs comme ça, sans qu’il se passe quelque chose. Les Malouins eux-mêmes, je pense que comme partout, certains sont fiers, d’autres, moins fiers. Après, c’est une population qui n’est pas forcément super jeune donc je ne pense pas qu’on soit si connus que ça paradoxalement à Saint-Malo. On est connus mais sans être connus. On sait que c’est un festival de rock qui se passe à 10 bornes de Saint-Malo, les commerçants nous connaissent mais ils n’ont pas forcément besoin de nous. Ils sont plus intéressés par la Route du Rock hiver parce que l’hiver, même si c’est 10% de la Route du Rock été, il y a plus d’impact parce qu’il y a moins de monde dans la ville. Les politiques sont à fond derrière nous, ça, c’est important. Après, sur la commune de Saint-Père, c’est plus compliqué. On essaye de régler le problème par le dialogue mais on est têtus donc on essaiera de s’apprivoiser une bonne fois. Mais Saint-Malo, ça a été compliqué jusqu’à 2003, surtout avec les élus et depuis, ça déroule. On fait partie des évènements importants de la ville. Mais il faut pas exagérer, il n’y a pas d‘engouement particulier. Peut-être que la programmation de cette année avec Patti Smith, Daho, Charlotte Gainsbourg parlera plus aux gens mais on peut pas promettre de faire ça non plus l’an prochain. C’est l’évènement qu’il faut aimer et pas seulement une programmation.

Kiblind : en parlant de la Route du Rock hiver, quand est-ce qu’a germé l’idée ? Est-ce que ça répondait à un besoin spécifique ? 

François Floret : oui, ça répondait à une frustration de ne présenter qu’une trentaine d’artistes sur l’été. C’était dans nos têtes depuis longtemps et ça a émergé en 2004-2005. On a essayé de trouver le bon moment et le bon tempo pour lancer l’opération. Il fallait que la mairie nous suive. Politiquement, ils étaient okay pour nous mettre une rallonge financière, pour nous soutenir. Il fallait de notre côté qu’on ait épurer nos comptes puisqu’on a toujours été un peu en difficulté. 2005 a été une excellente année avec les Cure et avec un record d’affluence où on a du coup renfloué un peu les caisses sans être riches. On a un peu baissé le déficit on va dire. Donc c’était le bon moment. On l’a lancé en 2006 de manière assez ambitieuse au Palais du Grand Large qui est au dessus du Casino. La salle qu’on gère maintenant qui s’appelait La Nouvelle Vague – et qui s’appelle maintenant l’Omnibus – et la chapelle St-Sauveur. On a mis trois ans à trouver la formule quasi définitive où en fait, on a compensé le Palais qu’on a laissé tomber par des dates à Rennes parce que des acteurs rennais comme l’Antipode et le Conservatoire de région voulaient travailler avec nous. C’est un évènement auquel on tient parce que c’est un beau moment dans l’année aussi même si c’est une maison de poupées à côté de l’édition d’été mais c’est là où on peut faire de belles découvertes. On a fait MGMT, Vic Chesnutt – son dernier beau concert, hélas en fauteuil roulant, Shame, Baxter Dury l’année dernière…

Kiblind : l’identité visuelle de la Route du Rock est également bien marquée depuis sa création. Votre logo reprend celui qui accompagnait le slogan « hometaping is killing music » popularisé dans les années 80, à l’apparition de la K7. Quel est le lien ? 

Alban Coutoux : Saint-Malo est la cité des corsaires pour le coté un peu pirate et la cassette pour le côté musical. Lier la musique à la ville des corsaires, ça correspondait bien à Saint-Malo. En 2004, c’était le grand débat sur le mp3 qui allait tuer la musique donc c’était les mêmes thématiques quand Philips a lancé la cassette audio dans les années 70 et que tous les autres majors disaient que la cassette allait tuer la musique, c’était déjà un peu les mêmes discours. Donc c’est aussi ce clin d’oeil en disant que le mp3 a évidemment révolutionner la musique mais qu’il ne l’a pas tué.

Kiblind : Alban, toi qui gère le visuel, quelles sont tes influences ? Comment t’es-tu mis au graphisme ? 

Alban Coutoux : tous mes centres d’intérêts que ce soit le graphisme, le cinéma, la littérature sont venus grâce à la musique et au rock on va dire. J’ai été influencé d’abord par les pochettes de disques évidemment. On parle d’une époque avant internet où il fallait imaginer ce qu’il y avait derrière une pochette de disque et pas en deux clics, voir la tête des musiciens. Donc forcément, ça avait un impact hyper fort. Moi, j’ai toujours été hyper fan du travail de Vaughan Oliver sur 4AD avec les pochettes des Pixies, des Cocteau Twins et aussi tout le côté très épuré, très graphique de Bauhaus, de Peter Saville pour Factory qui sont mes premières grandes claques graphiques années 80, début 90. Ce sont des influences importantes et puis après, on se nourrit évidemment de plein de choses.

Kiblind : quel était la ligne artistique pour le festival de cette année ? 

Alban Coutoux : un côté seventies, très lava lamp, un peu mouvant. Quelque chose de très coloré, très pop.

Kiblind : pour clore cette interview Alban et suite à la polémique après la démission d’Etienne Blanchot de la programmation de Villette Sonique, dirais-tu qu’il est dur d’être programmateur en 2018 et surtout de rester attaché à ses convictions ? 

Alban Coutoux : évidemment, c’est un combat de tous les instants parce qu’il est vrai qu’on pourrait des fois céder à la facilité. Il faut être fidèle à ces idéaux. Je n’ai pas eu tous les détails sur le départ d’Etienne de Villette Sonique mais ça ne lui plaisait plus, il a décidé de partir, je trouve ça très honorable et le fait qu’on prenne une partie du travail de Villette Sonique, c’est parce qu’on a apprécié tout ce qu’il a fait pendant toutes ces années. On ne l’aurait pas fait avec un autre évènement. On a des artistes et des intérêts en commun, alors il fallait continuer sur ce qui avait été construit par Etienne, quelque chose de différent, d’alternatif sur la scène parisienne.

© FD Froggy’s Delight La Route du Rock
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