C’est aux voyages réels ou intérieurs que se sont intéressés les 11 artistes internationaux invités par le MAIF Social Club à l’occasion de sa nouvelle exposition, « Prendre la tangente », à voir à Paris jusqu’au 23 juillet.
« Prendre la tangente » est une expression française polysémique issue du lexique mathématique et aussi le titre de la dernière exposition du MAIF Social Club. Ce qui les relie : l’idée de s’évader, de s’écarter du mouvement (ou du cercle pour les matheux) voire même de détaler bien loin. À cette occasion, l’illustratrice franco-marocaine Myriam au Citron a été conviée à imaginer une série d’illustrations autour du thème. On a rencontré Myriam pour échanger avec elle sur son travail, ses inspirations, et sur ce sujet qui nous touche tous différemment et personnellement : l’envie d’ailleurs.
Hello Myriam. Quelle place occupe les voyages dans ta vie et ton travail ?
Je suis franco-marocaine et j’ai ainsi toujours eu deux pays dans ma vie. Le voyage est en cela central dans mon histoire personnelle : il a été et est toujours un moyen de relier ces deux cultures. Mes parents m’ont toujours encouragée à voyager (plus que d’être bonne à l’école d’ailleurs !) et le voyage a toujours été très présent dans ma famille, par des séjours et aussi depuis la France par la cuisine, les histoires, les détails qui rappelaient à mon père le Maroc où il a vécu.
Pour moi, voyager nous apprend beaucoup sur l’autre. Quand je me rendais au Maroc, étant plus jeune, ou dans d’autres pays d’ailleurs, mon père m’emmenait dans des lieux reculés ou peu fréquentés, au milieu des montagnes, pour aller voir les pêcheurs, les habitants. J’ai continué à le faire ayant grandi : quand je voyage je suis obsédée par l’idée de me rendre dans les marchés, de m’aventurer hors des sentiers battus, de ne pas suivre les chemins touristiques, de découvrir la cuisine, la culture du pays.
La cuisine est aussi un élément important dans mon rapport au voyage : pour moi, elle raconte des histoires à travers les épices, les gestes, etc. Étant une illustratrice autodidacte, elle est une source d’inspiration pour mes dessins mais aussi un projet personnel et professionnel parallèle : j’ai fait un CAP de pâtisserie en plus de mes études en école de commerce et je m’étais toujours dit que j’allais, un jour, monter un restaurant ; ce que j’ai fait il y a quelques mois en ouvrant le restaurant Hamsa au Maroc (qui signifie Cinq).
Quelles sont les destinations qui t’inspirent ?
Bien sûr le Maroc, que je peins très souvent dans mes projets personnels. Ayant grandi en France, j’ai manqué de supports, de discours, d’occasions de parler de ce pays. Je ressens aujourd’hui le besoin de le peindre, de montrer ce que je ressens et vois au Maroc. Je peins en particulier la région Nord du pays que j’aime énormément et qui est moins connue que le Sud, très différente aussi. Elle est beaucoup plus proche de l’Europe, de la France, des Etats-Unis et a des paysages très verts, des couleurs vives avec des maisons à la chaux qui me parlent beaucoup.
J’adore la Californie aussi, où j’ai vécu quelques temps étant enfant. J’ai d’ailleurs la sensation qu’il y a un vrai lien entre le Maroc et cette région, notamment par les points de vue depuis les hauteurs, la composition des villes… Je suis également passionnée par le Moyen-Orient où j’aimerais me rendre. Récemment j’ai été à Oman et en Israël. J’aimerais poursuivre ces voyages en visitant le Jordanie, la Liban, et découvrir leur cuisine. Et j’ai également très envie d’aller à Séoul : après un voyage au Japon il y a quelques années, que j’ai beaucoup aimé, j’aimerais découvrir la Corée du Sud.
Dans le livret jeunesse de l’exposition « Prendre la Tangente » pour le MAIF Social Club, comment as-tu imaginé tes illustrations ?
J’ai tout d’abord beaucoup échangé sur le titre avec Jeanne Mercier, la commissaire de l’exposition. Elle m’a expliqué que pour elle, cette expression peu utilisée parlait d’un voyage qui ne nécessite pas forcément le déplacement, qui peut être imaginaire, depuis son salon. Et cette idée a fait écho à ce voyage que j’ai vécue petite depuis la France, notamment par la cuisine. Pour le livret jeunesse, j’ai créé des jeux et des illustrations inspirées par ce titre et par les œuvres. C’était un exercice assez nouveau pour moi : je n’avais jamais réalisé un support pour les enfants et des illustrations autant de précisions et de détails. J’ai réalisé des recherches, pour représenter les objets qui incarnent le voyage et aussi sur les œuvres de l’exposition. La plupart des œuvres étant immersives, je n’ai pas pu les voir avant l’inauguration, et j’étais très heureuse en les découvrant de voir qu’un lien se tissait bel et bien entre elles et le livret par les illustrations.
Quelle est ta méthode pour dessiner ?
Avant de commencer une illustration, je fais souvent des recherches pour l’adapter au mieux aux attentes. J’applique ici ce que j’ai appris en école de commerce et de marketing : j’aime beaucoup savoir un maximum de choses sur la marque ou sur le projet. Puis je cherche des inspirations, souvent dans des livres d’artistes, en allant au musée, en prenant des photos. Je poursuis en dessinant de petits croquis, qui me permettent de décider si je décline ensuite l’illustration sur son format définitif.
Enfin, je dessine tous les détails au crayon et je peins l’illustration, à l’acrylique et à la gouache sur papier. C’est d’ailleurs depuis mon installation au Maroc que j’utilise de la peinture ; auparavant je dessinais plutôt au pastel ou au crayon. La région et les couleurs m’ont donné envie de transmettre ces couleurs par la peinture.
Et quels sont tes projets actuellement ?
Je travaille actuellement sur une première exposition personnelle à Casablanca à la Fondation SLAOUI qui ouvrira dans les prochains mois et je rêve de faire un guide sur le Nord du Maroc. J’aimerais aussi réaliser davantage d’animations de mes illustrations, pourquoi pas des vidéos plus longues, faire parler mes personnages, aller plus loin dans l’histoire qui est racontée. Et je vais bientôt ouvrir avec ma sœur une pâtisserie dans une ancienne maison coloniale dans la kasbah de Tanger qui s’appellera Maison Citron !
Exposition Prendre la Tangente
Au MAIF Social Club
Du vendredi 25 février au samedi 23 juillet 2022
37 rue de Turenne – 75003 Paris
Entrée gratuite
Artistes invité.es : Lucy Orta et Jorge Orta, Marco Godinho, Kathleen Vance, Mounir Ayache, Laila Hida, Laurent Perbos, Isabelle Daëron, Corinne Vionnet, Emo de Medeiros, AKACORLEONE.