Après le passage effréné de la rentrée, Le MAIF Social Club a décidé de donner du temps au temps, à l’occasion de sa dernière exposition “Le temps qu’il nous faut”. Avec pour objectif de réinterpréter l’ôde à la lenteur, vous n’aurez qu’une envie, celle de poser votre montre. Vite, ralentissez, ça a déjà commencé.
S’il y a un temps pour tout, il semblerait que les temps calmes soient devenus denrées rares. On dit qu’il court, qu’il file à toute vitesse même, on ne l’a jamais, le temps. Noémie Hay alias Limistic l’a pris en tout cas, pour illustrer le livret jeunesse qui accompagne cette exposition qui met le loisir et la paresse à l’honneur. On a donc décidé de lui poser quelques questions sur sa vision des temps libres et des temps pleins et sur le travail qu’elle a accompli pour réaliser ses illustrations joyeuses et colorées, à retrouver dans le livret jeux à destination du jeune public de l’expo, à voir à Paris jusqu’au 24 février prochain.
Hello Noémie ! Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis une illustratrice freelance et créatrice basée en France qui partage son art sous le pseudo Limistic. J’explore les médiums et n’hésite pas à investir ma créativité dans différentes techniques telles que l’art digital, la peinture, la céramique ou encore la vidéo. Mon univers aux couleurs vives s’inspire principalement de la nature et de l’émerveillement du quotidien. Il est délibérément positif, un brin poétique, et toujours réconfortant.
Quel place occupe le temps, celui qu’on gère et celui qu’on prend, dans ta vie ?
J’ai un rapport un peu particulier au temps mais j’essaye justement de ralentir de plus en plus. Étant très organisée (peut-être même trop), j’ai tendance à régir mes journées de façon assez stricte avec de longues listes de tâches, j’ai souvent l’impression que 24h ne suffisent pas. Je prévois et planifie les choses longtemps à l’avance pour que ces 24h soient optimisées au mieux, j’ai encore du mal à faire place à l’imprévu ou à l’improvisation mais j’y travaille. De même, ne rien faire est une notion difficile pour moi car j’ai l’impression de « perdre mon temps » alors qu’il pourrait être mieux utilisé. Je suis du genre à écouter un podcast pendant que je fais des choses sans intérêt (les corvées, conduire..) dans le but de rendre ce temps plus fructueux.
Néanmoins, j’ai conscience que ce rythme un peu effréné n’est pas tenable sur le long terme et que faire des pauses est essentiel. J’essaye d’appliquer ça dans le cadre de mes voyages, notamment en prenant le train. Ainsi, les trajets plus lents font aussi partie de l’expérience et me permettent de découvrir plusieurs endroits, comme ce mois-ci où j’effectue le tour de l’Écosse par voie ferroviaire !
Paradoxalement, j’aimerais que certaines choses aillent plus vite, atteindre mes objectifs plus rapidement, mais je suis une grande nostalgique et j’ai peur du temps qui passe. C’est assez compliqué de vouloir accélérer le temps d’un point de vue professionnel tout en espérant qu’il ralentisse d’un point de vue personnel. C’est comme être tiraillée entre souvenirs du passé et projections futures sans réussir à être pleinement dans le présent.
Dans le livret jeunesse de l’exposition « Le temps qu’il nous faut » au MAIF Social Club, comment as-tu imaginé tes illustrations ?
Pour le livret jeux j’ai imaginé des illustrations aux couleurs vibrantes, à l’image de mon univers mais surtout pour aborder le sujet du temps à travers une représentation positive. C’est assez dur quand on travaille habituellement avec des nuances flashy de réussir à retransmettre leur puissance sur des impressions CMJN. J’ai donc choisi une palette de couleurs en amont en poussant au maximum leur saturation et j’ai utilisé les mêmes sur tous les visuels.
Il y avait aussi une dimension inclusive qui était importante pour moi et je me suis beaucoup amusée à représenter des personnages diversifiés, que ce soit en terme d’âge, de couleur de peau ou de particularités, comme cette aventurière badass avec sa prothèse de jambe présente sur la couverture. Quant à la texture je tenais à ce qu’elle soit légèrement crayonnée, parce que c’est un livret destiné à être noirci par les stylos des enfants et que cet aspect « coup de crayon » fait désormais intégralement partie de ma patte artistique !
Quelles sont tes méthodes et techniques pour dessiner ?
Personnellement je fais partie de la team « pas de croquis préparatoire », je mets à plat mes idées mais à l’écrit avec des mots-clés. Quand ça m’arrive d’en faire, c’est pour les illustrations très importantes qui nécessitent une réflexion (pour des projets clients par exemple).
Ensuite, j’ai déjà la trame principale de mon illustration dans la tête mais je cherche de l’inspiration pour les détails : une variété de plante en particulier, un packaging, un lieu que j’ai déjà vu… Ça peut être dans des livres de ma bibliothèque personnelle ou que j’emprunte, au supermarché, dans mes photos, ou le traditionnel Pinterest, en fait un peu partout autour de moi. J’emmagasine beaucoup de références et je les transforme à ma manière, je ne m’embête pas trop avec la perspective et les proportions réelles.
Je travaille principalement sur Procreate avec l’Ipad, mais il m’arrive aussi régulièrement de peindre à la gouache. Après un croquis très propre du visuel final, j’applique mes couleurs fétiches complètement au feeling. J’ai plusieurs palettes pré-enregistrées et je réutilise les mêmes pour garder une cohérence. Ensuite mes touches perso : 2-3 étoiles à 8 branches, des petits points blancs sur l’ensemble de l’illustration et un soupçon de grain !
Artistes invité.es : Julia Haumont, Lingzi Ji, Arno Fabre, Karine Giboulo, Kenji Kawakami, Daniel Firman, Lyes Hammadouche, Michel Blazy, Duy Anh Nhan Duc, Julie C. Fortier.