Décryptage : Nos clips animés préférés de décembre

Chaque fin de mois, Kiblind donne la parole à l’artiste derrière l’artiste : l’illustrateur.rice chargé.e de retranscrire la musique en images. Retrouvez nos clips musicaux animés préférés de ce mois de décembre, décryptés par ceux qui les ont fabriqués.

On ne vous l’apprendra pas : l’illustration est partout. Elle a envahi nos murs, nos comptes Instagram (bon, on y est peut-être pour quelque chose), nos objets, nos vêtements, nos pochettes de disques, notre page Youtube… Et c’est bien normal, il faut dire que c’est elle la meilleure toutes catégories pour faire joliment passer des messages et provoquer des émotions. Les artistes là dessous l’ont bien compris et l’ont utilisé au service d’un autre art capital : la musique.

Voici donc la sélection de nos clips animés et illustrés chouchous du mois de décembre, décortiqués par leurs créateur.rice.s qui ont gentiment répondu à nos questions.

THE LINDA LINDAS – NINO

ILLUSTRATION / ANIMATION : ROB FIDEL

Bonjour Rob. Comment tu es entré en contact avec The Linda Lindas pour ce clip ?

J’ai été mis en relation avec The Linda Lindas via Epitaph Records. Je travaille souvent avec eux pour divers groupes de leur roaster.

Savais-tu à quoi allait ressembler le clip lorsque tu as entendu  » Nino  » pour la première fois ?

La réalisation et le concept de cette vidéo étaient très différents de la plupart des vidéos sur lesquelles je travaille. En général, je réalise et j’invente les concepts moi-même, mais cette fois-ci, j’ai eu le plaisir de collaborer avec Bela Salazar (de The Linda Lindas). Nino est son chat et elle a storyboardé toute la vidéo ! Ces filles sont tellement créatives, c’était amusant de faire rebondir les idées des unes et des autres.

Tu sembles être très intéressé par l’esthétique visuelle psychédélique des années 70, quelles sont tes références ?

Oui, je veux dire « qui n’aime pas les vibrations des années 70 ? » ! Honnêtement, le monde de l’art est tellement nouveau pour moi que je suis encore en train d’apprendre et d’absorber tout l’art qui existe. Je ne sais pas si j’ai beaucoup de références directes pour mon style, mais certaines de mes œuvres d’animation préférées datent des années 40 et 50. J’adore tous les vieux dessins animés de Disney et les Looney Tunes.

Peux-tu nous dire comment tu as conçu concrètement cette vidéo, de tes premières idées à la vidéo finale ?

Chaque projet sur lequel je travaille est un peu différent. Pour les clips musicaux, j’essaie de me détendre et d’écouter la chanson plusieurs fois les yeux fermés. Une fois que j’ai trouvé les concepts et quelques idées brutes, je commence à les dessiner. Je fais tout mon travail d’animation image par image, si bien que la plupart des clips sont constitués de milliers d’images dessinées à la main. Il est très rare que je revienne en arrière et que je monte mes projets. Étant donné le temps consacré à l’illustration, j’essaie d’effectuer des modifications au fur et à mesure.

Tu as animé beaucoup de clips cette année. Comment tu t’es lancé dans l’animation ?

Les deux dernières années où j’ai travaillé dans l’animation ont été folles et chargées ! Je n’ai pas vraiment commencé l’animation avant l’été 2019… Je n’ai même pas vraiment dessiné avant cet été. J’ai passé la majeure partie de ma vie adulte en tant que musicien et j’ai déménagé à Los Angeles pour poursuivre dans cette voie. Comme la plupart des musiciens en tournée, j’ai trouvé un travail de jour, mais je suis tombé amoureux de ce métier. J’ai commencé à travailler dans le département artistique et à construire des décors pour le cinéma et la télévision. C’était ma porte d’entrée dans l’art visuel. Je suis terriblement daltonien et une partie de moi a toujours eu peur de plonger dans l’art. Lorsque je rendais visite à ma famille au Nouveau-Mexique, ma petite sœur m’a montré cette application géniale qui permettait de dessiner et d’animer avec le doigt sur l’iPhone. Je suis devenue obsédée et j’ai commencé à poster mes gribouillages sur Internet, et les gens les aimaient. Finalement, les gens ont commencé à me demander des vidéos musicales et autres, car j’avais beaucoup d’amis dans des groupes ou dans l’industrie. C’est devenu un travail à plein temps maintenant et je ne pourrais pas être plus heureux de pouvoir dessiner toute la journée.

Pour toi, quelles sont les meilleures vidéos / films d’animation de tous les temps ?

Bon sang, c’est une question difficile. Surtout que je suis encore en train de découvrir toutes les superbes animations qui existent… mais si je devais choisir en ce moment… j’aime vraiment Fantasia. Il y a quelque chose pour tout le monde. Toutes les poussières de fées et les scintillements peints à la main m’épatent. Chaque fois que je le regarde, je me dis qu’il a fallu beaucoup de travail pour le produire. C’est tellement en avance sur son temps d’un point de vue artistique.

WALTER ASTRAL – LE FEU

ILLUSTRATION / ANIMATION : WALTER ASTRAL

Hello Tino, tu as réalisé l’illustration et l’animation du clip de Walter Astral, groupe dont tu fais partie. Est-ce qu’il marque tes premiers pas dans l’animation ? 

Oui et non ! C’est la première fois que je réalise un clip à 100 % animé mais j’avais déjà fait de l’animation plus basique avec Tristan Thomas (l’autre membre de Walter Astral) sur une chanson que nous avions écrite ensemble pendant le deuxième confinement. « Le feu » est notre vraie première expérience de réalisation en animation, nous avons tout appris sur le tas, en se trompant, en persévérant et en regardant des tutos.

Tu dessines et peint beaucoup. Comment en es-tu arrivé à l’illustration ? 

J’ai grandi avec des parents bédéistes, entouré d’illustrations, de papier, de peinture et de feutres promarker. Je crois que ma relation avec l’illustration existe depuis que je peux tenir un stylo. J’ai beaucoup appris grâce à eux et je ne me suis jamais arrêté depuis, j’ai pu continuer cette passion aux Beaux Arts de Paris, où j’ai passé cinq années.

 La peinture sur rideau est un art que tu sembles maitriser à merveille. Comment cette passion dévorante a t’elle débutée? 

Ma passion pour les rideaux de douche a commencé en 2017 lorsque j’étais à New-York en échange Universitaire. Je travaille avec de la peinture à l’huile, sauf que le coût de la vie à New York est particulièrement cher et je n’avais pas les moyens de travailler sur toile et chassis. J’ai donc trouvé un jour un magnifique rideau de douche coloré pour seulement 1$ ! Ma carrière était sauvée ! J’ai ainsi commencé mes premières peintures sur rideaux de douche et s’en est suivi une passion pour l’eau et le monde de la salle de bain que j’ai ramené avec moi à Paris. 

Peux-tu nous décrire les différentes étapes de travail (qui semblent avoir été fastidieuses) pour créer le clip « Le Feu » des premières idées à la réalisation finale ? 

Nous n’avions pas de budget pour réaliser le clip, nous nous sommes donc vu avec Tristan pour trouver le meilleur moyen de faire une video esthétique et gratuite. Très vite, il nous a semblé évident que l’animation serait la plus belle des options (mais la plus complexe). Comme je l’ai dit plus haut, nous avions déjà une toute petite expérience de l’animation avec un autre clip que nous avions réalisé, nous étions donc rassurés. Tristan a très vite échafaudé les lignes directrices du scénario, que nous avons ensuite façonné avec la perspective des limites et libertés de l’animation. Une fois le scénario établi, j’ai designé les différents personnages et décors du clip. J’ai ensuite entamé l’animation dans un flou total des “bonnes” étapes à suivre, tout était empirique. Par exemple, nous nous sommes vite aperçu qu’il fallait penser les plans en plusieurs couches d’animation, on a gagné beaucoup de temps comme ça. Je dessinais d’abord l’animation du personnage sur une table lumineuse, puis la partie plus statique et enfin le décor. Une fois dessinées, je coloriais ces animations à l’aquarelle, ma maison s’est d’ailleurs transformée en mini-atelier d’animation. En parallèle, Tristan scannait tous les dessins un à un et les traitait sur Photoshop pour le montage. Ainsi il montait la scène que je venais de réaliser pendant que je dessinais la suivante. Après deux mois de travail, nous avions une première version du clip, Tristan l’a étalonné et nous nous sommes mis d’accord sur la version finale.

 Quelles sont tes inspirations artistiques en général ? 

Mon inspiration vient à la fois des artistes plasticiens que j’adore, comme David Altmedj, Philip Guston, Henry Darger ou Miriam Cahn, et des cartoons comme Courage le chien froussard, Beavis and Butt-head ou Adventure Time, mais aussi de la bande dessinée, je pense par exemple à Jesse Moynihan avec son formidable Forming. Je m’inspire beaucoup des récits d’aventures et des contes du monde entier, La pêche à la truite en Amérique de Richard Brautigan ou Le Mont Analogue de René Daumal sont des livres qui ont énormément influencé mes projets. 

Comment est né le projet Walter Astral ? 

Walter Astral est né pendant l’hiver 2020, nous étions chez les parents de Tristan dans le Berry, la Terre des sorcières, nous y avions élu domicile pour passer le confinement. Nous étions fascinés par les flammes du vieux poêle et on a donc écrit une chanson à ce sujet, « Le feu ». Quelques mois plus tard, Tristan envoyait cette chanson à un ami musicien, Luke Anger, qui lançait son propre label, Abbess Records. Il a adoré et nous a tout de suite proposé de faire un EP avec son label. Nous n’avions même pas envisagé de créer un groupe mais son excitation nous a convaincu et Walter Astral est né. On a donc mis la main à la pâte et composé un EP au cours de l’année 2021. Nous n’aurions peut être jamais réalisé tout ça sans le confinement et Luke Anger.

Est-ce que ce projet de vidéo t’as donné envie de refaire de l’animation ? Si oui, as-tu déjà quelques idées en tête ?

A l’issue de cette vidéo, je me suis dit que je ne pourrais plus jamais refaire ça. Je n’avais jamais passé autant de temps sur une vidéo. Je me suis ravisé depuis. J’ai adoré faire de l’animation, voir ses propres dessins prendre vie, c’est magique. En revanche, j’aimerais passer en numérique, la table lumineuse c’est sympa, mais c’est très long comme processus. Nous avons déjà le scénario de la suite de la vidéo de « Le Feu » et la chanson s’appelle « L’eau », je devrais donc remettre la main à la pâte dans peu de temps. J’aimerais aussi expérimenter l’animation en format plus court avec de différents matériaux, de l’huile et du volume.

BEN LUPUS – VU D’ICI

ILLUSTRATION / ANIMATION : RÉMI RICHARME

Hello Rémi, tu es musicien dans Satellite Jockey et tu t’es aussi frotté à l’animation pour réaliser ce clip de Ben Lupus, est-ce motivé par une envie que tu as depuis longtemps ?

J’ai commencé par deux clips pour Satellite Jockey, puis je me suis dit que ça me plaisait beaucoup. J’en ai ensuite réalisé un pour Guess What, et puis celui-là pour Ben Lupus, ça fait 4, c’est un début ! J’aimerais bien en faire plein d’autres. Je suis sûr que cet interview va faire décoller ma carrière !

Les domaines de l’illustration et de l’animation sont-ils familiers pour toi ?

L’animation, non, pas trop. Je suis d’Annecy et je n’ai même jamais fait le festival… Je m’y intéresse vraiment depuis quelques mois, pas plus.
Et l’illustration, non plus. A part 2-3 potes, et 2-3 illustratrices découvertes dans Kiblind (et oui), je ne connais rien du tout ! Mais c’est ça que j’aime bien, ce sont deux mondes nouveaux pour moi.

Ben avait-il des volontés en particulier pour ce clip ?

Oui, il voulait que le clip passe du N&B à la couleur à un moment donné. Et que je reparte de certains de ses dessins pour les animer, ce que j’ai fait.

Peux-tu nous décrire les étapes de création de ce clip de A à Z ?

En termes de technique, j’avais envie de laisser un peu la rotoscopie de côté pour me lancer dans la « vraie » animation. Et vu la longue durée du morceau et le temps que j’avais pour faire ce clip, il fallait aussi que je me mette à faire des « boucles », ce que je n’avais pas voulu trop faire dans mes trois précédents clips. J’avais aussi envie de faire de l’encre de chine et du crayon de couleurs, et moins d’ordi que pour le clip de Guess What.
Ces directions plutôt techniques m’ont guidé pour trouver le style du clip. J’ai pensé à des images. Puis, quand j’avais une idée globale, je suis allé sur « Google Image » pour trouver deux trois autres inspis, j’ai regardé notamment des dessins de Matisse, il me semble. J’ai fait quelques rapides tests de boucles à l’encre de chine, et d’autres aux crayons de couleurs pour voir si la fin marchait, un montage très rapide avec des brouillons fixes, et puis go, c’est parti pour l’animation. J’ai demandé à Ben de se filmer en playback pour le passage en rotoscopie.

De quelle façon Alice Meteignier a t’elle été impliquée dans ce projet ?

J’aime beaucoup ce qu’elle fait. J’avais trop envie d’animer certains de ses dessins que j’avais vus, ou de m’en inspirer. Je lui ai demandé si elle était d’accord et elle a dit oui, merci à elle !

Y-a t’il des clips / films animés qui t’ont particulièrement marqué ? 

J’ai récemment vu Genius Loci, qui est assez fou !

ANKIERMAN – AUTOSTRADA

ILLUSTRATION / ANIMATION : ZEUGL

Vous formez à vous deux le studio touche-à-tout ZEUGL. Comment cette histoire a t’elle démarrée ?

Elle a débuté lors de nos communes études en graphisme à Central Saint Martins (à Londres). Nous collaborions pour réaliser les visuels (flyers et affiches) des concerts de nos amis musiciens (en particulier Caandides). On a ensuite progressivement assumé la création de l’intégralité de l’attirail graphique dont peut avoir besoin un groupe de musique (pochettes, identités visuelles, accessoires subsidiaires…), et on s’est très vite intéressés au VJing (projections d’animations directement manipulées lors des concerts).

Vous avez réalisé de nombreux clips notamment pour L’Impératrice, Michelle Blades, Lucien & The Kimono Orchestra… Comment en êtes-vous arrivés à faire de l’animation ?

Comme nous travaillions déjà à la confection de visuels et de VJing (à l’époque bricolé avec du action script 2) pour plusieurs groupes de musique, il nous a semblé nécessaire de nous y atteler pour pouvoir réaliser les clips de ces derniers, afin de maintenir leur identité visuelle intacte au travers d’un maximum de supports. Et puisque nous n’avions aucune compétence en vidéo mais quelques unes en illustration et en VJing, l’animation s’est naturellement imposée.

Vous avez réalisé le clip de « chasseur chassé » d’Inigo Montoya uniquement à partir d’emojis. Avez-vous en tête un autre challenge fou dans le genre ?

On tente souvent d’aborder l’animation d’une nouvelle façon à chaque projet, selon les caractéristiques de ce dernier. Donc on attend plutôt qu’un projet, son contenu et ses ambitions nous inspirent une nouvelle approche, une nouvelle envie. Iñigo Montoya vont sortir de nouvelles pépites cette année. Probablement qu’on les illustrera du mieux qu’on peut. Peut-être articulé autour de notre envie émergeante (et très peu originale il faut l’admettre) d’expérimenter avec les outils génériques de réalité augmenté (filtres instagram en particulier).

On trouve peu d’infos sur Ankierman, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet ?

Ankierman est le projet de Raphaël Ankierman, un artiste pour le moment discret, originellement ingé son, régisseur et développeur, et désormais thérapeute en devenir. Il ne se révèle pas trop, mais il a tout de même travaillé avec Bot’ox, MIna Tindle, Jaune, Chinoi, Tellier ou Dirty Projector.

Pouvez-vous nous raconter avec vos mots l’histoire racontée dans ce clip ?

Pour réaliser ce clip, nous ne disposions que de la musique et de son titre, « Autostradӑ » (qui semble-t-il signifie « autoroute » en roumain). On a donc spontanément voulu représenter un véhicule dévalant une trajectoire au rythme de la musique. Les jeux-vidéo retro aux sensations de vitesse démentielles (tels que OutRun, Top Gear et le fameux F-Zero) nous collaient à l’esprit et nous ont donc largement guidé dans nos choix esthétiques. On peut considérer le tout comme la synthèse des références vidéo-ludiques, de l’humeur que nous communiquait la musique, de nos envies passagères et des préférences d’Ankierman. Plutôt qu’une narration, on l’a conçu comme une traduction libre des évènements sonores de la musique. D’où le résultat assez éclectique.

La 206 est-elle au dessus du lot ? J’espère que mon oeil aiguisé ne s’est pas trompé de modèle !

Ton œil est tout à fait affuté : ) La 206 était une requête d’Ankierman qui nous a permit cet oxymore visuel d’immerger un véhicule réel dans un univers fantaisiste et pseudo-futuriste.

Vous faites de la vidéo, des artworks, du Vjing. Quel prochain domaine aimeriez-vous explorer ?

On se le demande constamment. Un souhait qui nous poursuit depuis un moment est la réalisation d’un court métrage en animation, mais cela reste proche de notre activité actuelle. On s’est déjà un peu essayé aux filtres instagram et comme évoqué précédemment, c’est un outil qui nous intéresse (comme beaucoup) pour le moment, donc la réalité augmentée serait peut-être une réponse plus adaptée.

PLUS DE CLIPS ANIMÉS

Restez Connecté

Recevez nos dernières actus, nouveaux talents et musique

Fermer la recherche