Animation : Les films de Marie Larrivé

Promenade illustrée avec Marie Larrivé, à l’occasion de la sortie de son court-métrage en clair-obscur : Noir Soleil.

Marie Larrivé est entrée l’année dernière dans notre vie, en traversant la cour d’honneur puis en gravissant directement l’escalier impérial : d’abord avec une création originale réalisée pour le Kiblind #77 « Météo », puis avec une sublime illustration d’Étretat dans le cadre de notre série de posters Détours de France #2, imprimée en risographie à l’Atelier Kiblind. Grands sensibles, nous fûmes immédiatement emportés par la délicatesse des formes colorées, la subtilité des nuances, les couches d’aplats finement superposées, l’habileté de la peintre. Car c’est bien de peinture qu’il s’agit. Aujourd’hui on fête la sortie récente de son « premier » court-métrage d’animation, façonné avec les mêmes exigences de matière, le mouvement et la narration en plus : Noir-Soleil.

Illustratrice et réalisatrice formée aux Arts Déco de Paris, Marie Larrivé est d’abord une littéraire passionnée de romans et de fictions. Elle aime Flaubert, particulièrement Madame Bovary pour le côté fait divers et la banalité qui s’installe dans l’histoire ; Philip Roth et ses description de quotidiens très simples ; Mrs Dalloway de Virginia Woolf, pour l’articulation des passages entre univers mental et progression de la fiction narrative ; le style de Sylvia Plath pour son expression de la mélancolie dont elle dotera le personnage de son film.

« J’aime dans la littérature quand il y a une forme de tension et de suspense. »

Le cinéma est également une source importante d’impressions, de sensations : le cinéma italien, ses déambulations et ses paysages ; Dario Argento pour ses couleurs improbables qui accompagnent un jeu entre réalité et fantasmagorie ; ou encore Vertigo d’Hitchcock.
Ce goût pour la narration et les ambiances particulières explique pourquoi les œuvre de Marie Larrivé sont singulièrement narratives : « J’aimais déjà raconter des histoires avant de savoir dessiner. C’est en entrant en prépa aux Ateliers de Sèvres que je me suis mise à fond au dessin. Puis j’ai beaucoup expérimenté la technique aux Arts Déco, et suis revenue à la peinture par le simple plaisir de la sensation du pinceau sur une feuille de papier. » Et techniquement, elle s’exerce en réalisant un premier clip, avec Lucas Malbrun, pour Gablé : Tropicool (2016), entièrement à l’acrylique.

Cette même année vont débuter sans qu’elle s’en aperçoive les premières étapes de son Noir-Soleil. Elle travaille sur un projet de plusieurs peintures toutes inspirées d’un cadrage au style de photos de vacances, qui présentent à chaque fois une scène figée dans un paysage avec une catastrophe sur le point d’arriver. Baptisée Eldorado, cette série lui donne l’envie d’aller plus loin dans l’histoire et d’apporter du mouvement. « J’adore expérimenter visuellement à la peinture les gammes de couleurs et les nuances des paysages. Ça me donne toujours ensuite des envies d’histoires. Et j’avance petit à petit en travaillant les deux conjointement. »


Noir-Soleil raconte une histoire ambiguë, perturbante et à double lecture, comme l’oxymore de son titre. Suite à un tremblement de terre à proximité de Naples, le cadavre d’un homme enseveli durant quarante ans remonte à la surface et échoue dans la baie. Le processus d’identification du corps entraîne un père et sa fille jusque-là séparés à se rendre sur place, pour confirmer les liens de parenté par un test génétique. L’histoire est celle de leurs retrouvailles, du poids relationnel qui les assomme et de la distance émotionnelle qui les sépare.


Tous les décors sont peints à la main sur papier, scannés, puis animés : on peut vraiment parler d’illustration en mouvement. Si bien que chaque plan est véritablement une peinture, avec un rôle graphique essentiel accordé aux paysages et au travail des ambiances.

« Je voulais qu’on se sente comme devant une peinture, que les personnages soient fondus dans le décor, que les atmosphères aient plus d’importance, provoquent plus de sensations que les successions d’actions. Le décor, c’est la trace de l’action. Dans le film, c’est lui qui contient les souvenirs, la véritable histoire, ce qui va permettre à chacun d’interpréter librement l’issue. »

Le tout soutenu par une nappe musicale extrêmement subtile de Pierre Oberkampf et Maël Oudin, qui accompagne discrètement le spectateur dans un songe d’entre-deux-mondes, comme une expérience cinématographique en peinture.

Le film a commencé gentiment sa vie internationale en étant présenté en juin dernier à la Semaine de la Critique, et sera visible durant l’année aux quatre coins du globe dans les festivals internationaux et autres grandes manifestations de cinéma d’animation.

MARIE LARRIVÉ

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