Kangding Ray – Cory Arcane

Signé sur l’exigeant label berlinois Raster-Noton, Kangding Ray est ce qu’on peut appeler une fierté française. Il est l’un des seuls hexagonaux qui ait réellement sa place à Berlin, là où la musique électronique est une architecture et où les albums peuvent engendrer des univers. À ce petit jeu de construction, Kangding Ray, alias David Letellier, est passé maître avec quatre grands albums en moins de 10 ans. Le cinquième, Cory Arcane, pointe le bout de son nez, avec une sortie prévue le 30 octobre.

Kangding Ray fut longtemps l’un de nos secrets les mieux gardés. Si le bruit s’ébruite, c’est sans doute grâce à l’incroyable pouvoir de séduction qu’il exerce sans vergogne sur son auditoire, public comme professionnel. En effet, David Letellier, comme l’État aime à l’appeler, a su garnir son CV de bien jolis noms. Le label Raster-Noton (fondé par Olaf Bender aka Byetone), bien sûr, s’agenouille devant lui en accueillant, depuis 2006, la grande majorité de sa discographie. Et quand le bougre fait des infédilités, celles-ci méritent notre miséricorde : Stroboscopic Artefacts (le label de Lucy) a ainsi sorti deux EPs et Warp (pour Battles), Mute (pour Ben Frost) ou encore In Paradisum (pour Mondkopf) lui a demandé des remixes. Après le tamis expert, encore fallait-il que la masse suive. Mais le public ne pouvait que se plonger dans la techno immersive de Kangding Ray, qui réussit – et c’est là l’une de ses forces – à mêler recherche sonore et compositions engageantes. Cory Arcane ne dément pas ces suspicions.

Après avoir affronté quatre arcs lors de son précédent album Solens Arc (2014, Raster-Noton, évidemment), Kangding Ray nous se plonge ici dans les méandres cognitifs d’une femme, Cory Arcane, qui ressemble étrangement aux pauvres hères que nous sommes. Celle-ci, nous dit le texte de présentation, semble se mouvoir entre rouilles sur les réseaux sociaux, vidéos ineptes, cynisme, égocentrisme mais aspire également à la liberté franche du marginalisme et de la création artistique. Un paradoxe vivant entre espoir et désillusion, entre rêve et autodestruction.

La musique présente dans ce Cory Arcane ne reflète pas autre chose et navigue sur les mers hostiles de la techno duraille aussi bien que sur les lacs des boucles émancipatrices. Si ce nouvel album manque sans doute un peu de surprise, devons-nous pour autant nous plaindre de retrouver là ce que le Berlinois français fait de mieux, à savoir mêler les expériences sonores de la noise aux basses titanesques de la techno et les rythmiques industrielles aux nappes voluptueuses. Kangding Ray maîtrise cet art du bâtiment et construit cette fois un palais aux courbes sinueuses, avec chauffage au sol et toiture en toiles d’araignées. Une architecture synaptique qui ressemble fort aux couloirs de l’esprit humain.

 

 

 

 

© Marina Minibaeva

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