Alexis Paul aka Saudaá Group est un infatigable chercheur en musique. Non pas un laborantin qui passe ses jours et ses nuits à la recherchent du branchement adequat, mais plutôt de ceux qui empruntent différents chemins, différentes voies et qui n’aiment rien d’autre qu’à se perdre. Ainsi, le co-fondateur de Humanist Records et Armures Provisoires, membre de Belle Arché Lou, s’est-il lancé dans une aventure pas commune : le Street Organ Ritornellos, à savoir le tour du monde, accompagné de son seul orgue de barbarie. À chaque pays traversé, il nous livrera une étape marquante, définissant son rapport à la musique et donc au monde. 3e étape, l’Argentine et la machine de Morel par Mariela Cobos et Orlando Quintanilla.
Comme nous l’avons raconté ici, Alexis Paul aka Saudaá Group a poursuivi son périple autour du monde, quittant l’Uruguay pour l’Argentine. Débarqué le 1er avril sous une pluie battante, le musicien itinérant s’est établi à Buenos Aires avec son orgue de barbarie sous le bras et les pages froissées d’une nouvelle argentine dans la poche.
Dans ce livre, intitulé L’Invention de Morel, l’écrivain Adolfo Bioy Casarès raconte l’histoire d’une machine créée par un certain Morel, qui a la particularité d’enregistrer la vie dans toutes ses dimensions et ainsi d’empêcher la disparition de la répétition éternelle. Envoûté par le récit, Alexis Paul s’est mis en tête d’incarner Morel à travers sa musique, cherchant à devenir celui qui capturerait l’éternité de ses souvenirs de voyage avec son instrument.
Pour accomplir cette tâche si profondément poétique et lourde de sa charge émotionnelle, Alexis Paul s’est entouré de trois musiciens. Eugenia Brusa a apposé sa voix sur le son du bandonéon de Nicolas Avila et des flûtes de Federico Fossati aka Pan Del Indio. Plus tard, Alexis a rencontré Juan Namuncura, descendant légitime des Caciques Mapuche connu et respecté de la communauté autochtone en Argentine pour son engagement politique. Ce dernier a permis à Alexis Paul d’enregistrer les battements de son tambour Mapuche, le Kultrun. En jouant à l’unisson, ils ont alors tenté de reproduire la voix du fantôme de Faustine, personnage principal de L’Invention de Morel, et ainsi de s’accorder avec l’épilogue du livre qui propose de réunir « les présences désagrégées ».
Dans la culture Mapuche, il existe un Kultrun sacré, orné de motifs lunaires et solaires, réservé aux cérémonies religieuses. En observant plusieurs de ces modèles, Alexis Paul a enfin réussi à faire le lien entre l’histoire qu’il tenait tant à raconter et les instruments qu’il utilisait à cette fin. Les dessins comptent deux soleils, comme le livre de Casarès. Ainsi, et sans même l’avoir prédit, Alexis Paul est parvenu en 41 jours passés dans les rues de Buenos Aires à contempler les forces de la nature, à réunir la double réalité argentine au travers de sa musique. L’orgue, les flûtes, le tambour, le bandonéon et la voix d’Eugenia Brusa ont raconté l’influence européenne mêlée au poids historique des premières nations lors d’un concert le 6 mai. Quelques jours plus tard, il s’éclipsait en direction du Chili, puis du Mexique.
Pour en savoir plus, allez faire un tour sur le blog du garçon, qui relate chacune de ses escales. De notre côté, nous continuons de suivre le périple d’Alexis Paul. On vous raconte la prochaine étape bientôt. Le dépaysement sera total, puisque nous atterrirons au Japon.
Ci-dessous, le récit photographique de Orlando Quintanilla et Mariela Cobos, que nous vous présentons en exclusivité.