Livre : Les Jardins de Babylone

Le nouvel album de Nicolas Presl nous parle du monde qui vient, d’inégalités sociales, de sècheresse et de conquête spatiales, tout ça sans un seul mot.

On ne manque certes pas de dystopies dans une époque où chacun cherche la meilleure façon de se foutre en l’air. Mais, allons, qui cracherait sur une histoire de futur proche racontée par Nicolas Presl ? Racontée par celui qui est passé maître dans l’art d’en dire plus en se passant de mots. Racontée par celui qui ne cesse de se poser des contraintes esthétiques et narratives pour mieux sublimer le sujet qu’il touche. Nous, on ne crache pas. De toute façon, on n’oserait pas cracher. Les Jardins de Babylone, nouvelle collaboration avec l’éditeur suisse Atrabile, sont ce nouveau plongeon dans l’abîme de l’humanité, offert avec la courtoisie du dessinateur vendéen.

© Nicolas Presl / Atrabile

Sachez donc que nous sommes en l’an 20??, pas trop loin de nous en tout cas, et que l’humanité a bien coché toutes les cases de la stupidité promise par le XXe siècle. Il n’y a plus d’eau douce sur terre et seul un système complexe de désalinisation permet la survie de ceux qu’on a laissés sur place. Car, oui, certains ont pu s’en aller sans trop de vergogne et installer une bulle d’ultra-richesse sur la Lune avec envois réguliers d’eau fraîche depuis la Terre. Ceux-là se mettent à flipper, parce que chez les Terriens la révolte finit inévitablement par gronder. En haut, des parents, en bas, leur fille.

© Nicolas Presl / Atrabile

Pour livrer cette critique pas du tout voilée de notre situation actuelle, Nicolas Presl utilise toute la richesse graphique qui fait son talent. Des couleurs codifiées, des perspectives biaisées, des cases composées à la perfection et surtout un sens aigu du rythme qui profite du motif récurrent de quatre cases par page pour pouvoir, à bon escient, les multiplier ou s’offrir un dessin unique. Là où la parole n’est pas, Nicolas Presl utilise tous les autres langages à sa disposition pour porter son discours sur l’absurdité de ce qui nous attend. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que le bruit est assourdissant. D’une beauté rare et d’une narration fine, Les Jardins de Babylone de Nicolas Presl est le type de dystopie qui passe. Qui passe vraiment bien, même.

© Nicolas Presl / Atrabile

Les Jardins de Babylone de Nicolas Presl chez Atrabile, 328 pages, 29 €

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