Avec ses illustrations surannées et éclatantes à la fois, Teddy Goldenberg nous met dans sa poche en deux secondes. Nous avons posé quelques questions bien senties à l’illustrateur Israélien suite à sa création pour notre numéro « Cover ».
Chez nous, la nuit est faite pour se reposer et mettre nos cerveaux sur « off ». Chez Teddy Goldenberg par contre, il n’y a pas de temps mort permis. La nuit est même, pour l’illustrateur, le terrain de tous les possibles : celui où son cerveau est libre d’inventer les histoires qu’il veut, aussi alambiquées soient elles. Ces histoires, Teddy les adaptent entre autres dans l’excellent City Crime Comics.
Il faut dire que depuis petit, le cerveau de l’auteur et illustrateur Israélien a été abreuvé d’un bon paquet de références culturelles et artistiques. Fils de dessinateurs, le petit Teddy avale une quantité gargantuesque de classiques et développe un appétit accru pour le genre. C’est finalement vers l’esthétique sombre des années 50 que le coeur de Teddy penchera lorsqu’il s’agira de s’atteler à ses propres réalisations. De fanzines en BD, Teddy Goldenberg continue de placer l’intrigue au coeur de sa narration et de nous happer à chaque ouvrage.
Pour notre numéro « Cover », nous lui avons demandé de dessiner les yeux fermés (ou presque) en écoutant un morceau que nous lui avons envoyé : « Big Foot » de Tutankhamun. Le résultat est bien sûr exceptionnel. On en discute avec lui.
Hello Teddy ! Pour notre numéro « Cover », nous t’avons demandé d’illustrer la chanson « Big Foot » de Tutankhamun. Qu’est-ce que cette musique t’a inspiré lors de la première écoute ?
Bonjour Kiblind ! La première fois que j’ai écouté la chanson, j’ai trouvé qu’elle avait un ton sérieux, presque sombre, contrebalancé par de la sauvagerie. En l’écoutant, on se retrouve rapidement imprégnés par les paroles et le morceau en général. C’est dur d’y résister.
Peux-tu nous parler de l’illustration que tu as réalisée ?
Dans mon illustration, le légendaire bigfoot s’invite à un dîner dans un super restaurant. J’imagine que jusqu’à ce que la créature glisse et tombe, personne dans le restaurant n’a remarqué sa présence, mais une fois qu’ils l’ont vu, il est impossible pour eux de revenir en arrière, et tout ce petit monde est bien effrayé.
On parle principalement de pochettes de disques dans notre nouveau magazine. Y en a t’il une qui t’as marqué plus que les autres graphiquement ?
Probablement True Stories de Talking Heads. Il est simplement écrit « True Stories » sur toute la pochette, c’est puissant et doux à la fois.
Ton style de bande dessinée est largement inspiré par les années 50. Quels sont les auteurs et illustrateurs qui t’ont donné envie de faire de la bande dessinée ?
L’âge d’or américain et le dessin sombre des années 50 sont des choses qui m’inspirent beaucoup. J’aime jouer avec ce style étrange. En grandissant et lorsque j’ai commencé à faire des BD, les dessinateurs européens m’ont eux aussi inspiré. Mes parents, qui étaient eux-mêmes dessinateurs, avaient des piles du magazine Pilote, de Tintin et de Mafalda. J’adorais Nikita Mandryka (Le Concombre masqué) et Kama & Seele (Cowboy Henk), et plus tard, des dessinateurs comme Charles Burns et Jim Woodring (surtout son magazine Jim), ont été une grande source d’inspiration. Lire Damon Runyon et Philip K. Dick, et regarder les films de Luis Buñuel m’ont donné envie de raconter des histoires.
As-tu été inspiré par des histoires réelles en travaillant sur la bande dessinée City Crime Comics ?
Je pense que toutes les histoires de City Crime Comics contiennent une part de vérité. Certaines traitent de sentiments vécus par tous / du quotidien, comme de se réveiller au milieu de la nuit en ne sachant plus où l’on est, ou le sentiment de ralentissement que l’on ressent après s’être accidentellement coupé le doigt avec un couteau de cuisine. Certaines histoires, cependant, sont basées sur des événements réels, comme la rencontre avec un architecte autoproclamé ou la visite de ma femme dans une banque d’une ville inconnue (dans l’histoire « Power of Attorney », qu’elle a co-écrite). Beaucoup d’histoires sont des adaptations de rêves que j’ai fait. Donc je pense que toutes les histoires de City Crime Comics contiennent une part de vérité.
Quelles sont tes sources d’inspiration dans la vie quotidienne ?
Pour moi, apprendre de nouvelles choses mène toujours à l’inspiration, que ce soit par des conversations, des études ou des expériences. Chaque fois que j’ai un nouveau travail ou que j’étudie quelque chose de nouveau, cela se retrouve dans mes bandes dessinées et mes illustrations. L’année dernière, j’ai terminé mes études d’architecture paysagère et j’ai commencé à travailler dans ce domaine.
Quels outils préfères-tu utiliser pour dessiner ?
Je dessine à l’encre et à l’aquarelle. Pour l’encrage, j’utilise généralement des stylos pinceaux, parfois des stylos plumes, et je colorie avec un mélange de marqueurs à encre et d’aquarelle.
Peux-tu nous parler de 3 projets que tu as réalisés et qui ont été particulièrement importants pour toi jusqu’à présent ?
City Crime Comics (2022, publié par Studio Fidèle en français et par Floating World Comics en anglais) est mon dernier livre, il a été décrit comme une expérience drôle et cauchemardesque dans le roman noir et la romance de l’âge d’or des années 50. 21 histoires surréalistes se déroulent dans une ville étrange où les gens disparaissent et réapparaissent de manière aléatoire, se perdent ou se confondent, ou se transforment en signes ou en statues. Tout a commencé sous forme de courts strips sur mon Instagram, que je réalisais dans de petits carnets de croquis carrés. C’était pendant les premiers mois de la pandémie de Covid et les web-comics IG étaient à la mode. Très vite, cependant, j’ai commencé à y penser comme à un livre. J’ai adoré travailler dessus et j’espère que ça se voit. De plus, travailler avec Fidèle a été formidable.
Cobra II, parties 1 & 2 (2019-2020) sont deux bandes dessinées auto-publiées parodies du film Cobra de 1986 de Sylvester Stallone. J’aime ce projet parce qu’il est sournois, il exploite la vibration d’action des années 80, mais je pense avoir réussi à le rendre suffisamment bizarre et personnel pour qu’il résonne davantage. Il a rassemblé quelques fans du monde entier, ce qui était excitant.
White Bicycle Rider (2015) est un livre que j’ai publié en hébreu. Je dirais que c’est un mélange entre Fletcher Hanks et le mysticisme juif, mais chaque épisode va dans une direction différente. C’est très bizarre, coloré et difficile. Il comporte également une propagation spéciale du grand illustrateur allemand Paul Paetzel.