Iso ne dessine pas les choses, il en estime le mouvement. Ce qu’il rend sur la page en est ainsi la résonance, le flux, la dynamique. Aussi, ses illustrations ne figent pas le temps, il l’accompagne. Son illustration pour le numéro « Là-Bas » de Kiblind est d’autant plus intéressante à ce titre puisqu’elle provient d’un film, Le Magicien d’Oz, dont il parvient à rendre l’animation au sein même d’une image statique.
Mais tout magicien a ses trucs et Iso n’est pas en reste. Ce grand lecteur de manga est allé y observer les techniques des grands maîtres et, pourquoi pas, y chiper des astuces. Les traits de vitesse qui habitent ses dessins viennent de là par exemple. Mais, comme pour le reste, la moulinette du Japonais passe là-dessus et crée ici une entité nouvelle : une action amortie, un choc moelleux. Une manipulation qui ne se limite pas aux lignes graphiques.
Tout, chez lui, opère d’un assouplissement. Les formes sont polies, les couleurs duveteuses et les cernes vaporeuses. L’harmonie des couleurs et la souplesse des courbes ajoutent à cette légèreté. On pourrait alors s’attendre à des images mollassonnes et globuleuses. Pourtant, rien n’y fait, les illustrations d’Iso fusent et agissent comme un coup de fouet sur le regardeur. Pris entre deux eaux, ce dernier ne se débat pas : il se complait.
Pour notre dernier numéro, vous avez réalisé une illustration inspirée du Magicien d’Oz. Le cinéma est-il une grande source d’inspiration pour vous ? Si oui, vers quel genre de films vous tournez-vous ?
Je m’inspire souvent des scènes de la vie quotidienne et des paysages que je rencontre quand je voyage. Le cinéma m’inspire aussi : il me permet de faire l’expérience d’endroits et d’émotions que je ne pourrais avoir autrement. Mais pas seulement les films, les mangas et les paroles de chansons peuvent aussi servir de déclic pour mon travail.
Dans vos dessins, vos personnages sont souvent en voyage. Qu’est-ce qui vous intéresse tant dans l’acte de voyager ?
Plus que le fait de voyager, je suis intéressé par le mouvement. J’adore marcher, courir, faire de la moto ou prendre le train. Les paysages changent selon la vitesse à laquelle on les traverse. Et parce que la vue change perpétuellement, je ne m’en lasse jamais. Ces points de vue toujours changeants m’inspire beaucoup de nouvelles idées.
Aujourd’hui, vos œuvres sont plus minimales et abstraites qu’il y a quelques années. Pourquoi pensez-vous que votre travail a évolué dans ce sens ?
La frontière entre la peinture et l’illustration peut être floue, mais je pense que mon passage à l’illustration reflète un changement dans mes priorités. J’ai étudié la peinture à l’huile à l’université, mais j’ai toujours eu le sentiment que les Beaux-Arts étaient destinés à une niche. Avec l’illustration, j’ai le sentiment de pouvoir m’insérer dans la vie de tous les jours et toucher une plus grande audience, notamment un public qui n’est pas forcément intéressé par l’art.
Ce qui nous a intéressé dans votre travail, c’est aussi l’utilisation des couleurs. Comment les gérez-vous, quelles sont les émotions que vous souhaitez provoquer grâce à cette palette douce et soyeuse ?
J’aime beaucoup le mot « soyeux » – merci ! Je pense que le côté « soyeux » vient naturellement du fait que j’utilise en majorité des crayons de couleurs. Ce que je fais habituellement, c’est que je fais pas mal de petits croquis aux crayons de couleurs pour expérimenter différentes combinaisons et trouver celles qui me plaisent. J’utilise les crayons de couleurs parce qu’ils sont faciles à sortir et me permettent de commencer à dessiner dès que l’inspiration me prend.
Vous utilisez beaucoup de lignes de vitesse qui nous permettent de sentir le mouvement dans vos dessins. Comment travaillez-vous le dynamisme ?
Je pense que le manga a une grande influence sur moi. Quand j’étais enfant, je lisais beaucoup d’albums jeunesse. Plus tard, le manga est devenu une source majeure d’inspiration. Le manga utilise beaucoup les effets visuels dynamiques comme ces lignes de vitesse pour exprimer le mouvement, et je trouve cette technique très intéressante.
Pouvez-vous nommer trois projets dont vous êtes particulièrement fiers ?
J’aimerais vous partager trois projets que j’estime charnières.
Une œuvre qui a été sélectionnée par la mangaka Machiko Kyô lors d’un concours d’illustration. Elle a été inspirée par les paroles du morceau « Drive me crazy » de Kirinji.
Un autre dessin que j’ai fait pour un concours d’illustration qui a marqué un vrai tournant dans mon style.
Ma première commande pour une couverture de livre. C’était un livre collectif de 45 auteurs autour du rhume des foins.