Pour notre numéro #71, nous avons demandé à huit artistes de réinterpréter sa thématique : « Mystique ». Claire Nicolet nous a répondu avec une peinture magnifique.
Nous n’avons pas eu à nous faire prier pour suivre Claire Nicolet. Pas à pas, nous avons découvert les décors qui se cachent dans sa tête. Ici des paysages en morceaux, là des bouts d’architectures. L’ancienne étudiante d’Estienne emmène les séduits comme nous dans des balades graphiques on ne peut plus immersives. La grâce à un trait précis mais suave, un pinceau aux couleurs franches et un sens de l’observation pointu. Claire Nicolet va au-delà des lieux en eux-mêmes, ils lui servent d’alphabets, de mots, de phrases avec lesquels elle traduit les errements de son âme. Une œuvre remarquable qui ne nous quitte jamais.
Kiblind : Pourquoi t’es-tu mise à dessiner ?
Claire Nicolet : J’aime le dessin pour son caractère immédiat dans la mesure où les idées peuvent prendre forme très vite, humble car il nécessite peu de moyens matériels et mobile puisque je peux le pratiquer partout, aussi bien sur un petit coin de table de cuisine, qu’en terrasse d’un café. D’un point de vue existentiel, à l’instar des peintres chinois, il s’agit de changer le vide en plein, faire de la vacuité une plénitude.
Kiblind : Quel a été ton parcours scolaire pour arriver jusque là ?
Claire Nicolet : Après Hypokhâgne et Mise à Niveau en Arts Appliqués, j’ai passé quatre ans à l’école Estienne (diplômes de design graphique puis de gravure) ce qui m’a permis d’intégrer les Beaux Arts de Paris en 3ème année où j’ai pratiqué surtout le dessin et la taille de bois. Je suis sortie de l’école en 2015.
Kiblind : Quelles sont les techniques que tu utilises ?
Claire Nicolet : Quand je travaille sur papier, j’utilise un rotring et de la gouache pour la couleur. Pour la peinture sur bois ou toile, j’utilise de l’acrylique.
Kiblind : Peux-tu nous expliquer ce que sont ces Topoï dont tu viens de sortir trois volumes chez Le Trainailleur ?
Claire Nicolet : Topoï signifie « lieux» en grec ancien. C’est une série sans fin sur laquelle je travaille depuis 3 ans. Il y a plus de 200 dessins. Disons que c’est une grande partie de ce que j’absorbe à mesure que j’avance où se croisent aussi bien ce qui jaillit sur le chemin que mes lectures, des références musicales, parfois des rêves, des images mentales, des associations d’idées ou de souvenirs. J’utilise une grammaire de formes récurrentes : végétation, nuages, eau, architecture (beaucoup de briques) pour composer l’espace environnant. Au sein de mon travail, c’est une base sur laquelle se reposent des pièces plus conséquentes, grandes peintures par exemple. Chez Le Trainailleur, les Topoï ont été classés par thèmes dans trois portfolios de planches détachées : végétation, zones humides et architecture.
Kiblind : En quoi ces environnements t’inspires ? Que cherches-tu en ces lieux ?
Claire Nicolet : Ils m’inspirent par leur aspect complètement banal et dérisoire, par leur bizarrerie et le terrain imaginaire vers lequel ils peuvent me transporter, certaines idées auxquelles ils donnent corps ou tout simplement leur beauté. C’est assez vaste.
Kiblind : Quels sont les artistes que tu admires, d’hier comme d’aujourd’hui ?
Claire Nicolet : J’aime les primitifs italiens, (en particulier les constructions et leurs couleurs), Jérôme Bosch, le Douanier Rousseau, Georgia O’keeffe, David Hockney, Pierre Le Tan … mais aussi des artistes à l’œuvre plus protéiforme comme Thomas Schütte, Kiki Smith, Fabrice Hyber, et plein d’autres. Ce sont des écrivains que j’admire le plus, surtout ceux qui composent un monde et dont toute l’oeuvre se déroule au sein de ce monde : Albert Cohen, Charles Dickens, Marcel Proust, Daniel Pennac !
Kiblind : Quels sont tes projets ?
Claire Nicolet : Je poursuis toujours Topoï et les autres travaux s’enchaînent de manière assez fluide. Je n’ai jamais de projets précis. J’absorbe, j’accumule, je construis en continu.