Les Gens du Mag : Chou Chia Yu

Pour sa création originale de notre dernier numéro « Minuscule », Chou Chia Yu a choisi de représenter un portant à lunettes dans lequel se reflétait un tout mignon petit oiseau. Une manière, peut-être, de nous dire que l’illustration nécessite un regard particulier, une façon de voir le monde qui va au-delà des apparences. Et il est vrai que le travail du Taïwanais invite à décaler le regard, forçant le minimalisme pour mieux nous amener à observer ce qui nous entoure avec nouvelle paire de lunettes.

Chou Chia Yu pour Kiblind n°Minuscule

Reconnaissable entre tous, le travail de Chou Chia Yu ne fait pas dans la complexité brouillonne et le figuratif à outrance. De peu de traits, de formes simples, de couleurs bien séparées, il offre à notre regard des scènes débarrassées des parasites oubliables et des détails qui obstruent notre réflexion. Le Taïwanais, installé au Japon depuis ses études de graphisme, entend épurer ses dessins pour mieux laisser la place aux spectateur·rices de s’y infiltrer, de s’y installer.

Au milieu des ses lignes nettes, parmi ses éléments éparses, nous avons toute largesse pour développer notre imagination. Attention, il ne s’agit pas d’abstractions pures pour lesquels les regardeur·euses se doivent d’effectuer un travail fatiguant d’interprétation. Les dessins de Chou Chia Yu sont ultra-accessibles et les sujets excessivement reconnaissables. Mais plutôt qu’une histoire complète, ils sont le début de quelque chose, une sorte de carrefour nous proposant plusieurs pistes à suivre où les sens interdits n’existent pas. En un mot, ils nous offrent le choix. Et c’est pas désagréable.

Chou Chia Yu – Look

Pour notre dernier numéro « Minuscule », tu as dessiné des lunettes réflchissant un mignon petit oiseau. Penses-tu que les illustrateur·rices ont eux aussi des lunettes spéciales pour voir le monde autrement ?

Je pense que la principale différence entre les illustrateur·rices et les autres tient dans l’observation. Les dessinateur·rices ont tendance à remarquer tous les petits détails de la vie quotidienne qu’ils peuvent ensuite réutiliser dans leurs œuvres. Ça fait qu’on s’intéresse facilement à toutes les petites choses qui nous entourent. Mais, illustrateur·rice ou non, je pense que tout le monde a sa propre perspective pour voir le monde. Je ne peux parler que pour moi : j’essaie d’exprimer ce que je vois à travers une approche humoristique, simple et douce.

Chou Chia Yu – Cat Radar

Tu as un style assez unique. Quels sont les artistes qui t’ont influencé ? Celleux que tu admires ?

Je m’intéresse à beaucoup de gens ! Quand j’étais à l’école, j’étais principalement porté sur le manga et l’animation, avec des dessinateur·rices comme Hideo Yamamoto, Takehiko Inoué et Taiyō Matsumoto et les réalisateur·rices Satoshi Kon et Masaaki Yuasa. Plus tard, j’ai commencé à m’intéresser au graphisme et commencé à admirer des designers comme Tadanori Yokoo et Yoshio Hayakawa.

Après avoir commencé à travailler, j’ai découvert beaucoup d’illustrateur·rices que j’adore. Mes favoris sont Zhong Xian et GGDOG de Taïwan. Je pense qu’ils m’ont beaucoup influencé, même inconsciemment. Vous l’avez peut-être remarqué, je gravite pas mal autour d’artistes japonais·es. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai décidé d’étudier le graphisme au Japon !

Chou Chia Yu pour Mmmmm – Necklace

Tes images sont assez minimalistes, avec peu d’éléments. Quel effet cherchez-vous à provoquer chez le spectateurs ?

Pendant longtemps, mon style n’était pas très arrêté. Mais après un long moment et un peu de réflexion, j’ai commencé à penser mon travail avec un peu plus de recul. Mon but aujourd’hui est de créer des illustrations qui sont compréhensibles dès le premier regard mais qui portent quand même en elles un certain sens de la métaphore et invitent à l’imaginaire, le tout avec une composition simple. Chaque fois que je dessine, j’essaie de creuser la scène que je veux représenter et la simplifier au maximum. Je fais aussi beaucoup de boucles d’animation – dans lesquelles la fin et le début se fondent – qui ont l’air infinies et bloquent ainsi le regard des spectateur·rices. J’espère que mes œuvres sont surtout sympas à regarder et qu’elles permettent aux gens de développer leurs propres histoires à partir d’elles.

Chou Chia Yu – Gear (extrait)

Tu es de Taïwan et, ici à Kiblind, on a l’impression qu’il y a de plus en plus d’illustrateur·rices de talent et aux styles très différents, qui viennent de chez toi. On a aussi remarqué que tu fais partie de Dekoboko zine, une publication qui montre le travail de pas mal d’illustrateur·rices taïwanais·es. Est-ce que tu pourrais nous décrire un peu l’état de la scène de l’illustration à Taïwan et la raison pour laquelle Dekoboko a été créée ?

Oui, il y a plein d’artistes fascinants à Taïwan ! J’ai travaillé récemment pour un magazine qui s’appelle Mokumoku illustration book et qui a pour but de montrer le travail d’illustrateur·rices taïwanais·es aux maisons d’éditions et entreprises japonaises. J’espère que ça va aider ces artistes à trouver des opportunités de collaborations au Japon. Je prépare actuellement le deuxième numéro avec des artistes de Taïwan, de Corée et de Chine. Si vous êtes intéressé·es, n’hésitez pas à suivre Mokumoku illustration book, pour lequel je travaille encore aujourd’hui.

Dekoboko zine était un projet que j’ai démarré avec un ami au tout début de mes études de graphisme au Japon. On a crée le magazine sur notre temps libre, en invitant des ami·es illustrateur·rices de Taïwan, du Japon, de Chine et d’Espagne. Même si le magazine n’a pas continué, c’était vraiment une expérience très spéciale pour moi, qui m’a permis de rencontrer beaucoup d’artistes très inspirants.

Ceci dit, j’habite au Japon depuis maintenant quelques temps. Je ne peux pas vraiment dire que je connais la totalité de la scène taïwanaise. Comme tout le monde, je suis principalement les autres artistes via Instagram.

Chou Chia Yu – Bystander of love (extrait)

Peux-tu nous parler de trois projets dont tu es particulièrement fier ?

Je vais vous présenter trois projets que je trouve assez représentatifs :

Mokumoku illustration book

C’est un magazine qui présente des illustrateur·rices étranger·es au public japonais. J’ai été responsable du contenu éditorial, du design et des interviews.

« Work on/for weekend ; weekend on/for work » illustration book

C’est un livre d’illustration que j’ai fait et qui compile mon travail de 2021 à 2024. En plus des illustrations elles-mêmes, j’espère que les lecteur·rices apprécieront les textes qui les accompagnent et le graphisme du livre.

Special Favorite Music – “Hashire, Romance No.1”

J’ai fait l’artwork et l’animation d’un single récent du groupe japonais Special Favorite Music.

Merci encore à l’équipe Kiblind ! Je vous souhaite le meilleur !

Kiblind « Minuscule »
Chou Chia Yu

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