Les Courts-Mandises d’Alexandre Dubosc

Ce mois-ci on vous offre un portrait sucré d’Alexandre Dubosc, réalisateur d’animations gourmandes à base de chocolat, de crème, d’illusions et d’effets d’optique. Bref, des films à manger.

Alexandre Dubosc réalise des films comme on fait de bons gâteaux. Avec pas mal de fantaisie, de la précision, beaucoup de générosité et, surtout, énormément de gourmandise. C’est pourquoi il ne présente pas ses courts-métrages comme tout le monde : il les appelle ses « courts-mandises ». A très juste titre d’ailleurs ; car lorsqu’on les regarde, à moins d’être totalement réfractaire aux choses sucrées ou d’avoir un peu trop forcé sur le goûter, on salive un peu sans s’en rendre compte, comme le chien de Pavlov.

Il adore ça, provoquer des envies de sucreries ; c’est même à se demander s’il ne le fait pas exprès. Pourtant, alors qu’on l’imagine avoir appris l’animation dans l’arrière-boutique d’un pâtissier, fabriquant les images comme on prépare un entremets, c’est à la prestigieuse Supinfocom de Valenciennes (aujourd’hui RUBIKA) qu’il s’est formé. Puis, après un Master européen en Arts, il s’est vite retrouvé chez Mac Guff – aujourd’hui l’une des boîtes de production d’animation 3D et d’effets visuels numériques les plus renommées de la planète – qui n’était encore à l’époque qu’un studio d’une dizaine de membres. Là, pendant dix ans, il va créer des effets spéciaux devant un ordinateur, en combinant des 0 et des 1 pour modeler des formes artificielles plus vraies que nature à l’écran. Jusqu’à la crise de foie.

Au bout de dix ans, il fait une overdose d’images de synthèse, développant une sorte de diabète provoqué par un excès d’alimentation numérique. Il se rend à l’évidence : lui, il lui faut la forme, la plastique, la réalité. Il se fixe alors un régime diamétralement opposé au précédent, alimenté de matières physiques qu’il va d’abord trouver dans la photographie abstraite. Ce passage par le non figuratif lui permet dans un premier temps de renouer avec l’aspect réel des choses : les textures, les structures, les sensations, les effets naturels contenus naturellement dans une image non trafiquée qu’on perçoit particulièrement bien dans la macrophoto. Retrouvant alors le goût petit à petit, il recule progressivement son objectif pour revenir aux objets et à leur figuration. Il fabrique des décors, il construit de petites scénographies en taillant le réel comme un sculpteur face à un bloc de bois ou de pierre, puis les photographie. Et surtout, il s’amuse.

Virtualité VS flamboisier

Alexandre Dubosc redécouvre alors son côté joueur et son appétit espiègle pour la fantaisie. Le jeu de mots par exemple, a une place de premier plan dans son processus de création, comme en atteste ses « courts-mandises », ses « making-œuf », son mode d’« ali-mation ». Alors forcément, quand lui vient l’idée d’un « flamboisier », c’est tout un champ qui s’ouvre à lui : celui de la pâtisserie.

A partir de ce mot d’esprit, de cette contraction du « framboisier qui flambe », il cherche un rapprochement visuel, une parenté qui puisse unir la framboise et la flamme. Il la trouve dans la tête d’une allumette qui, si on la multiplie, rappelle la structure agrégée du fruit, en plus de sa couleur. L’illusion fonctionne à merveille.

Jouant avec les objets comme avec les mots, il s’aperçoit que la forme circulaire des gâteaux évoque celle du praxinoscope et du zootrope, jouets d’illusions tournantes à l’origine du cinéma. Très logiquement alors, il commence à exploiter la forme naturelle des pâtisseries pour planter le décor de ses films, qui deviennent, par l’entremise nécessaire du stop motion, de véritables gâteaux-animés. Car si le flamboisier était un faux dessert, fabriqué avec de vraies allumettes, l’étape suivante a été de faire de l’animation avec de vrais gâteaux.

Ce qui est stupéfiant dans l’art culinaire, c’est que l’objet fixe irrémédiablement l’attention, en titillant la sensation. Alors si on ajoute les jeux d’optique de l’animation, on est tout simplement hypnotisés. Et la cerise sur tout ça, c’est de s’apercevoir qu’on est en train de regarder un film qui se mange.


Tous les films d’Alexandre Dubosc + ses making of hallucinants + les photos de ses expos + sa vie son oeuvre : www.alexandre-dubosc.com

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