Ram Han capture des images mentales enfouies, des instants flous volés dans les limbes lointains de nos rêves refoulés. Ce qu’apprécie par-dessus tout l’habitante de Séoul, ce sont les distorsions, les textures, la représentation du vivant et les effets de lumière. Des obsessions précieuses pour retranscrire avec talent les fantasmes, les émotions souvent dissimulées au plus profond de notre chair. Quoi de plus évident donc que d’inviter l’artiste à réaliser la couverture de notre magazine Kiblind Obsession ?
L’artiste coréenne, qui vient tout juste d’entrer dans la belle trentaine, est obsédée par le média vidéo, sa matérialisation graphique et son empreinte sur nos cerveaux spongieux et influençables. Cette virtuose de l’image numérique utilise sa formation initiale en animation digitale pour créer des images mélancoliques, organiques et oniriques en forme de screenshots. Elle revient aussi parfois à ses premières amours comme dans ce clip de la Française Oklou que vous avez peut-être croisé l’année passée. À l’occasion de la sortie de notre dernier magazine dont elle a illustré la couverture, on a parlé obsession avec cette artiste qui nous a touché au coeur.
Hello Ram Han. As-tu des obsessions particulières ? Dans ton travail ou plus globalement dans la vie ?
Oui, pas mal en réalité… En particulier des scènes de dessins animés ou de jeux vidéo de mon enfance. Elles restent collées aux cellules de mon thalamus, fixées dans mon cortex cérébral. Des scènes violentes en animation 2D, les modélisations monotones et fluides des jeux en 3D et les personnages étranges et paradoxalement trop détaillés dans ces jeux… Ah oui, et aussi une image récurrente de conte de fées altérée par le traitement graphique de la console… Des obsessions tout à fait normales quoi.
As-tu une image qui t’obsède plus particulièrement ? Si tu fermes les yeux par exemple, quelle œuvre te vient spontanément à l’’esprit ?
Pour tout dire, toutes les choses non humaines qui se tordent et prennent vie, cela peut être une plante, un animal de compagnie, un papillon, une tasse de thé ou une épée.
Quels sont les artistes qui t’ont obsédée plus jeune ou qui t’obsèdent encore aujourd’hui ?
J’’aime chaque scène, chaque détail de Nausicaa de la Vallée du Vent du studio Ghibli. En particulier, j’’aime beaucoup le personnage d’Omu. À tel point que si je devais renaître un jour, j’aimerais bien revenir en Omu. Ah oui et aussi, je suis pas mal obsédée par Mew des Pokémon. Sinon, ma plus grande inspiration reste Jérôme Bosch… Je n’’oublierai jamais le choc qu’a été ma première rencontre avec un de ses tableaux…
Et au niveau musical ? Y a-t-il une musique en particulier que tu écoutes en boucle et qui vient hanter ton cerveau ?
Dernièrement, j’’ai beaucoup écouté de chansons de la musicienne coréenne CIFIKA. Depuis l’année passée et le contexte qu’on connaît, j’ai pas mal pensé à l’’avenir. Sa musique est pleine d’espoir et elle a la voix d’une sorte de prophète du futur. Ça me calme l’esprit aussi.
Quels sont les projets qui t’ont le plus marquée, pour lesquels tu as un attachement particulier ?
La série de panneaux lumineux sur lesquels j’’ai travaillé pour la Biennale de Busan, la série The Room Type et la série Souvenir.
Comment tes études en animation ont-elles influencé ton travail en illustration ?
J’ai toujours été fan d’animation, et depuis toute petite, j’ai admiré le travail de nombreux artistes dans ce domaine. Ça se retrouve dans mon travail en peinture numérique et ça m’influence quotidiennement dans l’’utilisation de la couleur, de la texture et dans ma façon de travailler mes dessins au trait.
Quelques mots sur cette couverture ?
Je pense que l’’obsession la plus forte est finalement celle que l’on cache au plus profond de son cœur, celle qui est le plus dissimulée, refoulée. Je voulais du coup exprimer cette attirance secrète mais intense pour cette chose profonde.
Sur quel projet travailles-tu actuellement ?
Je dessine quelques petites choses à propos du point de vue d’un touriste qui traverse les mondes, virtuels ou réels.