Interview : Michael DeForge

Fascinés par son travail complexe et malin, nous avons demandé à Michael DeForge de réaliser la couverture de notre numéro Poils. A cette occasion, l’illustrateur canadien a bien voulu se mettre à poil, un peu, en répondant à nos questions.

Avec son livre Un Visage familier, paru en France chez Atrabile, le génial Canadien est en compétition officielle pour le Festival d’Angoulême (qui aura, lorsque vous lirez ces lignes, rendu son verdict). Ce n’est pas rien et c’est tellement logique tant le talent de Michael DeForge ne passe pas inaperçu. Traits spontanés, couleurs déton(n)antes et propos à la fois sensibles et critiques, l’auteur est forcément remarquable. Il dépeint, au fil de ses œuvres, un monde complexe, avec un œil parfois cynique, toujours lucide. Cartooniste, il met aussi régulièrement son talent au service de causes ou de sujets sociétaux qui le touchent, à travers des dessins spontanés et engageants.

Couverture du Kiblind magazine Poils

Peux-tu nous dire quelques mots sur notre couverture et
cette commande autour des poils ?

Quand vous m’avez demandé de dessiner une « couverture
poilue », j’ai été immédiatement séduit. Le sujet est cool et dans
mon travail, j’aime pouvoir jouer avec les textures et les motifs.
Du coup, les poils sont un sujet parfait pour moi !

Quel est ton rapport aux poils justement ?

Je suis chauve, donc c’est un rapport finalement assez limité.

Untitled, 2022

Selon toi, pourquoi les poils se retrouvent aussi souvent au
centre des discussions ?

Les poils sont tellement liés à notre identité, à notre culture, à
notre sexualité et à la réalisation de soi en général… C’est assez naturellement un sujet qui peut prendre de l’importance,
même si ça paraît anodin au premier abord.

Est-ce en lien avec la notion plus sociale d’« identité », thème
central dans ton travail ? Pourquoi cette notion est-elle aussi
importante pour toi ?

J’aime beaucoup écrire, dessiner sur ces moments charnières
de la révélation de soi. Ce sont des moments en forme de paradoxes. Ils sont excitants et en même temps profondément
déstabilisants, terrifiants. Ce qui est intéressant, c’est que ces
sentiments, diamétralement opposés, se retrouvent dans ces
moments-là, à parts égales, chez l’individu qui se cherche.

New Museum, 2019

Comment abordes-tu l’élaboration d’un livre comme Familiar Face (sorti récemment en France chez Atrabile) ?

Je ne planifie pas vraiment mes livres longtemps à l’avance
en réalité. Et j’ai tendance à ne travailler qu’une page à la fois.
Pour Familiar Face, j’ai dû faire une grande pause un peu forcée, pendant laquelle il a fallu que je me concentre sur un autre
projet. Résultat de cette affaire : j’ai jeté environ 50 à 60 pages
du livre, car elles ne me semblaient pas tout à fait coller avec le
reste quand je les ai reprises.

Dog Eats Cop, 2021

Comment fais-tu pour réussir à aborder autant de questions
sociétales tout en travaillant sur la narration ?

Tout cela vient assez naturellement. J’écris ce que je pense, à propos de ce qui m’entoure… J’ai simplement la conviction que les
choses seront cohérentes entre elles d’une manière ou d’une autre.

Est-ce que le métier d’illustrateur a évolué selon toi ces dernières années ?

L’industrie de l’illustration est devenue beaucoup plus frileuse
et beaucoup plus précaire. Je pense que ces deux choses sont
évidemment liées. J’ai tendance à être un peu frustré par cette
évolution. J’essaie donc de tracer une ligne entre mon travail
commercial et mon travail personnel, et de traiter ce dernier
comme quelque chose que je fais strictement pour moi-même.

Stunt, Koyama Press, 2019

Pour celles et ceux qui ne te connaîtraient pas, quels sont les
projets qui ont compté dans ta jeune carrière ?

Tous mes livres contiennent des éléments profondément personnels, parfois même autobiographiques. Un livre que j’ai
dessiné, qui s’appelle Stunt et qui n’a pas encore été traduit
pour autant que je sache, est probablement mon travail le plus
« révélateur », le plus personnel.

Sur quels projets travailles-tu actuellement ?

Je viens de terminer un « daily comics » intitulé Birds of Maine
qui sera édité par Drawn and Quarterly au printemps.

Birds of Maine, Drawn & Quarterly, pour bientôt…2022

MICHAEL DEFORGE // KIBLIND FAITS DIVERS

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