En l’honneur du Mois des Fiertés, la Métropole de Lyon diffuse une campagne d’affiches et met sur les rails un tram illustré mettant à l’honneur les droits des personnes LGBT+. C’est Jeanne Saboureault, talent local, qui a prêté ses traits et ses couleurs pour réaliser ces visuels qui ravissent la vue autant qu’ils s’engagent.
Certains événements ne sont pas difficiles à mettre en lumière. C’est le cas du Mois des Fiertés qui, chaque année en juin, vient secouer les réacs en luttant pacifiquement contre les LGBTphobies. Pour la deuxième année, la Métropole de Lyon offre, en plus d’une programmation marquée par différents temps forts, le spectacle d’un tramway illustré défendant sport et droits LGBT+, année olympique oblige.
On a pu discuter avec l’illustratrice Jeanne Saboureault à qui l’on doit cette fresque ambulante qui sillonnera la ville durant tout l’été. Une chose est sûre, en montant à bord de ce tram, on est déjà sur le bon chemin.
Bonjour Jeanne ! Peux-tu te présenter pour celles et ceux qui n’auraient pas encore eu la chance de te connaître ?
Bonjour ! Pour me présenter rapidement, je m’appelle Jeanne Saboureault, surnommée « Jano », et je suis illustratrice depuis septembre 2020. J’ai vécu presque 10 ans en Belgique, où j’ai pu faire partie du collectif bruxellois 100% féministe & féminin : Ton Piquant.
J’ai emménagé à Lyon, en juin 2023, il y a donc pile un an, sur un coup de tête. Depuis, j’ai rejoint le collectif Bourrage Papier avec qui on organise des festivals d’illustrations contemporaines et de micro-éditions. D’ailleurs, la prochaine édition aura lieu les 15 & 16 juin à la Cité des Halles à Lyon. Venez nous voir ! Je suis aussi très fière d’avoir pu collaborer avec Kiblind sur ce projet de « taille ». Ça va en effet être difficile de dessiner sur quelque chose de plus grand qu’un tram… !
Tu as été choisie par la Métropole de Lyon pour illustrer la campagne du Mois des Fiertés dans la ville, du 1er au 30 juin. Tes réalisations seront présentes sur de nombreux supports, notamment un tramway. Comment as-tu appréhendé ce projet ?
Je me suis dit : « oh wow ». Quand j’ai posé mon téléphone, j’étais comme une pile, j’avais envie de m’y mettre tout de suite, mais j’ai aussi réalisé qu’on pouvait être très maladroit.e en traitant ce sujet. La grande question était : Comment faire pour illustrer ce tram de manière juste et bienveillante ?
J’avais envie que ce projet soit coloré, joyeux et fleuri, qu’il annonce le changement de saison : le passage à l’été. Si possible, je voulais aussi qu’il transmette les messages importants du tram : changeons de mentalité, soyons plus ouverts et inclusifs dans notre quotidien, et dans le sport. Ce qui est drôle avec le concept, c’est que même celles et ceux qui n’approuvent pas, seront bien obligés d’emprunter ce tram s’iels doivent aller quelque part. Iels vont devoir faire avec ! Peut-être qu’à force de le côtoyer, iels finiront par l’accepter ?
Cette année, jeux olympiques obligent, le thème de l’inclusion des personnes LGBT + est mêlé à celui du sport. Comment as-tu interprété ces thématiques pour les retranscrire dans ton univers ?
Dans mon travail, je m’intéresse beaucoup à l’être humain : ce qu’il ressent et comment transmettre des émotions par la couleur et grâce à l’illustration. Parfois, j’illustre un personnage : Jano, mon moi dessiné et pas vraiment genré, pour transmettre des messages plus inclusifs. Et souvent, j’invente des paysages qui évoquent des états d’âmes.
Pour le tram, j’ai utilisé beaucoup de nuances dont celles présentes sur le Rainbow flag, car je suis persuadée que les couleurs ont un effet positif sur notre environnement. J’ai d’ailleurs transformé ce drapeau iconique en piste de course, ou terrains de sports sur lesquels les équipes du tram évoluent. J’ai évidemment mis des plantes et des paysages, car j’adore qu’il y en ai partout. Je trouve que ça apporte du mouvement et souligne aussi la diversité. A t’on déjà vu deux fleurs exactement pareilles ? La nature a mis une règle merveilleuse en place : qu’absolument rien ne soit identique.
Quelles sont tes techniques de prédilection pour réaliser tes illustrations ?
Quand je travaille sur des formats aussi grands que celui d’un tram ou pour des commandes en très haute résolution, je travaille en numérique. Sinon, je peins à l’encre et à l’aquarelle sur du papier. Je trouve ça très relaxant et j’aime beaucoup les couleurs transparentes et vives. J’ai l’impression qu’elles laissent passer la lumière et créent une sensation de chaleur. J’adore réaliser des dégradés, et après avoir testé plusieurs médiums, c’est avec ces peintures que je suis le plus à l’aise.
D’après toi, est-ce que l’illustration contemporaine peut – à son échelle – aider à modifier le rapport à l’autre que nous avons et inciter à faire preuve de plus de tolérance ?
OUI ! Sinon, je pense que je ne ferai pas ce métier. C’est génial de pouvoir raconter des choses même quand on a plus les mots. C’est vital pour moi de m’exprimer par l’image, c’est un réel moyen d’expression. Ce qui est sublime je trouve, c’est qu’un dessin n’a pas tellement besoin d’être traduit.
Évidemment certains objets n’évoquent pas la même chose dans tous les pays du monde. C’est surtout notre compréhension, celle qui fait référence à nos expériences personnelles, qui nous permet de comprendre une image. Un œil plus éduqué qu’un autre comprendra peut-être certaines choses, mais pas forcément « plus » de choses. On peut souligner un message en étant figuratif ou abstrait, en « étant » démonstratif. Je pense que l’illustration est un moyen de communication inclusif car tout le monde peut comprendre une image.