Les Gens du Mag : Samuel Bas

Les jouets, les films d’animation des années 30, les chevaux, les trous (oui, oui), voilà autant de sujets variés qui ont pourtant tous une place égale dans le coeur de Samuel Bas. On s’est fendu de quelques questions à l’illustrateur suite à la parution de sa superbe illustration pour Kiblind Obsession. 

Autrefois étudiant en graphisme à l’EPSAA d’Ivry sur Seine puis en illustration à la HEAR de Strasbourg (vous le savez, on a écoulé nos stocks de compliments sur cette école), Samuel continue aujourd’hui de tracer son chemin dans les mondes de l’illustration et de l’édition. On reconnaît facilement la patte de l’artiste grâce à ses séries entêtantes de personnages un peu tordus. Avec des créatures et des décors inspirés de sa collection de jouets et d’œuvres d’animation tels que Betty Boop, Flip the Frog et Sillys Symphonies, Samuel Bas créé des illustrations d’apparence mignonnes mais qui révèlent nombre de détails épiques.
Ne vous y méprenez donc pas, même si l’artiste utilise la thématique de l’enfance, réaliser des œuvres vibrantes comme les siennes est bien loin d’être un jeu d’enfant. On vous laisse en jugez en lisant ses réponses à nos quelques questions juste là, en dessous.

Illustration originale de Samuel Bas pour Kiblind Obsession

Pour rentrer dans le vif du sujet, peux-tu nous dire ton obsession la plus inavouable ?

Je n’ai jamais arrêté d’être obsédé par les jouets. J’adore les animaux en caoutchouc mal moulés, les petits soldats de plomb, les billes, les jeux de constructions en bois peint et les jouets en plastique moches qui font « piou piou !» ou « pouet pouet !». D’année en année ma chambre ressemble de plus en plus à celle d’un enfant pourri gâté. Parmi mes jouets préférés il y a les jeux d’encastrement. J’ai gardé ce plaisir enfantin de faire rentrer un carré dans un trou carré ou un rond dans un trou rond. J’ai toujours trouvé ça très satisfaisant. Mais cette obsession tardive pour les jouets n’a pour moi rien de puéril, c’est du sérieux ! C’est notamment en m’inspirant de mes jouets que je crée mes personnages, mes histoires ou les principes de mes livres.

Quels sont les trois premiers mots qui te viennent à l’esprit quand on te parle de l’obsession ?

Au delà des jouets, je dirais que visuellement je suis obsédé par les balles, les tubes et les trous. On en retrouve dans tous mes dessins. J’aime tout particulièrement dessiner des balles qui sortent de tubes ou qui rentrent dans des trous. Beaucoup de gens me font la réflexion que mes dessins sont truffés d’évocations sexuelles ou scatophiles. C’est sûrement vrai, même si le plus souvent je ne le fais pas de manière consciente. Une amie m’a même conseillé de faire une bandes dessinée sur mes rêves de formes qui s’emboîtent dans d’autres formes qui s’intitulerait « la psychanalyse pour les nuls ».

Peux-tu nous expliquer l’illustration que tu as réalisée pour le magazine

J’ai remarqué qu’au-delà des tubes, des trous et des balles, j’avais une obsession visuelle pour la répétition. Je trouve que ça a quelque chose de fascinant et d’hypnotique. J’aime tout particulièrement les objets ou les personnages identiques qui sont répétés les uns à coté des autres, souvent par trois. J’adore, par exemple, les scènes des cartoons des années 30 ( Betty Boop, les Silly Symphonies, Flip the frog, etc. ) où l’on voit des trios de personnages identiques qui exécutent les mêmes mouvements de danse.

Pour créer mon illustration, je me suis inspiré des tableaux de chasse à courre du 19e siècle. Non pas parce que je suis obsédé par la chasse en tant qu’activité (vraiment pas), mais parce que ces tableaux sont remplis d’éléments graphiques qui se répètent (les costumes des chasseurs, les chevaux qui courent souvent dans la même position, les chiens par dizaines, les fusils) et qui forment une sorte de motif désordonné. Ça m’est donc apparu comme un sujet idéal pour traiter de mon obsession pour la répétition. J’ai cherché à remettre de l’ordre dans ces éléments en créant une scène de chasse étrange où tout ce qui la compose aurait été démultiplié par trois et rangé de manière méthodique. J’ai également été inspiré pour ce dessin par le travail d’Aleksander Lobanov, qui est un maître dans la représentation de scènes de chasse bizarres et qui me semble être une référence intéressante sur l’obsession, notamment à travers sa fascination pour les fusils de chasse.

Sur quel projet travailles-tu en ce moment ?

Ces derniers temps j’ai fait pas mal de travail de commande pour des magazines. J’ai terminé il n’y a pas très longtemps un dessin de château fort pour le magazine Georges dont je suis plutôt content.

Maintenant je vais entamer un projet avec l’illustrateur Henning Wagenbreth dont les dessins originaux seront exposés dans le cadre du festival Central Vapeur, qui a lieu à Strasbourg en mars. Ce sera un dialogue de dessins, une sorte de ping pong visuel entre illustrateurs. Je suis très enthousiaste à l’idée de commencer ce projet et très curieux de voir ce que va pouvoir donner notre collaboration.

Peux-tu nous parler de 3 projets que tu as réalisé et qui te tiennent particulièrement à cœur ?

Je dirais en premier lieu un livre qui s’intitule Ruines et que j’ai co-réalisé avec mon ami Joachim Galerne quand nous étions étudiants à la HEAR de Strasbourg il y a 2 ans. À ce moment-là, Joachim faisait beaucoup de dessins de lieux qui ressemblaient à des temples abandonnés ou à des sites archéologiques imaginaires. Je trouvais ces images vraiment très belles ! Il n’y avait jamais de personnages dans ces dessins et nous nous sommes dit que ça pourrait être intéressant de créer un projet à deux où l’on imaginerait la civilisation qui aurait pu habiter ces lieux. C’est à partir de cette idée que nous avons débuté ce projet de livre où l’on découvre une cité imaginaire sous deux temporalités : au présent, où elle est abandonnée et en ruine ; et au passé, quand elle était encore habitée et pleine de vie.

Pour faire ce lien entre passé et présent nous avons pensé à un système de rhodoïds inspiré par les films d’animation traditionnels où le décor était peint à la main et les animations dessinées sur des feuilles transparentes. La lecture de chaque illustration se fait donc en deux temps : on voit d’abord un décor en ruine réalisé par Joachim et imprimé sur du papier mat. Puis vient se superposer sur ce même décor une feuille transparente sérigraphiée qui nous présente une vision passée de ce lieu. C’était vraiment super d’imaginer un univers à deux et je trouve que notre système de rhodoïds nous a permis de faire cohabiter nos deux styles graphiques de manière très fluide. J’aime également ce projet car il est un condensé de choses qui me plaisent et qui m’inspirent : les livres à système, les cartoons, les costumes et dessins de personnages, etc.. Et il y a plein de tubes, de trous et de balles dans le livre ! C’est même central dans la narration.

En deuxième lieu, je dirais un projet de bandes dessinées que j’ai réalisé pour Picsou magazine grâce aux éditions 2024 il y a un peu plus d’un an. Enfant j’étais un vrai fan de Picsou magazine ! J’aimais tout particulièrement les histoires de Don Rosa qui a notamment écrit la jeunesse de Picsou. C’est aussi grâce à Picsou magazine que j’ai commencé à me faire une culture bd et que j’ai pu découvrir le travail d’illustrateurs comme Mezzo, Winshluss ou Pierre la police, qui ont eu de l’importance dans ma construction graphique. Alors, faire partie du magazine c’était vraiment une sorte de consécration pour moi ! L’une des choses qui plait dans l’univers de Picsou c’est son aspect étrange et dérangeant. Des canards anthropomorphes qui se définissent comme des êtres humains et qui ont pour voisins des humains à tête de chiens qui eux-mêmes ont des chiens comme animaux de compagnie, c’est quand même bizarre, non ? Je me suis toujours demandé quelle serait la théorie de Darwin pour cet univers et c’est ce que j’ai essayé d’imaginer dans une bd de quelques pages.

Enfin, je dirais que j’ai vraiment bien aimé réaliser la carte de vœux 2021 pour les éditions 2024. Il fallait que je représente tous les autrices et auteurs qui ont participé à leur catalogue et que je trouve un système de découpe pour que la carte de vœux puisse être vue en trois dimensions. Ça faisait longtemps que je voulais faire un projet avec un système de découpe et j’étais vraiment heureux de pouvoir rendre hommage à des auteurs/trices dont j’apprécie beaucoup le travail (Anouk Ricard, Sophie Guerrive, Etienne Chaize, Frank King, etc), c’était donc un projet parfait pour moi ! Plutôt que de représenter la tête des différents auteurs/trices j’ai choisi de représenter pour chacun d’eux un personnage qui évoque leurs styles graphiques. Tous les personnages jouent à un sport loufoque qui ressemble vaguement à du tennis et les éditeurs de 2024 arbitrent le match. C’était un challenge pour moi de dessiner des personnages qui évoquent le style de dessin d’autre illustrateurs/trises tout en gardant mon style de dessin. Mais j’ai vraiment beaucoup aimé faire ça !

SAMUEL BAS

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