Les Gens du Mag : Rémy Mattei

À l’occasion de la sortie de notre numéro Faits Divers, nous avons gentiment placé là, entre les mains agiles de Rémy Mattei, une petite bombe en lui demandant d’illustrer pour nous le fait divers le plus tristement célèbre de ces dernières décennies : l’affaire du Petit Gregory. On vous parle de celui qui a réussi à relever ce challenge délicat avec brio.

Dans notre fief lyonnais règnent en maitres quelques illustrateur.rices qu’on prend un malin plaisir à suivre. Parmi ceux-là, le sémillant Rémy Mattei. Avec ses personnages doucement trash et sacrément expressifs, l’illustrateur lyonnais nous happe dans un monde où l’humain dicte sa loi. Via Mauvaise Foi, la maison d’édition de qualité auquel il prend part, Rémy a participé à la BD collaborative Laurence 666 et a publié sa BD La Kebaberie. Laissant les stalkers que nous sommes sur notre faim, l’illustrateur s’est depuis fait discret sur les réseaux sociaux. Heureusement, il y avait une bonne raison à cela : et vous ne la connaitrez qu’en lisant l’interview ci-dessous. Eh oui, on est pas cons nous.

Illustration de l’affaire du Petit Gregory pour Kiblind Faits Divers

Quand on te parle faits divers, quel est le premier auquel tu penses ?

Eh bien clairement celui que j’ai dû illustrer, l’affaire du petit Grégory. Je me souviens que c’est une affaire qui revenait à intervalles réguliers dans les sujets de conversation à table en famille. Je comprenais pas grand chose car j’étais très petit mais même si ce meurtre a eu lieu plusieurs années avant ma naissance, il y avait tant de « rebondissements » dans l’affaire que ça flottait constamment dans l’air durant mon enfance.

Comment as-tu appréhendé l’exercice qu’on t’a demandé de faire pour ce numéro Faits Divers?

J’ai d’abord constaté que je ne connaissais rien à l’affaire, concrètement. Mis à part en ce qui concerne le meurtre en lui même, toute l’enquête m’était inconnue. Et comme je ne suis pas client des émissions de faits divers de base, j’ai dû m’y mettre au moins pour cette fois. Après quelques extraits d’émissions glanés par ci par là, je me suis lancé dans la mini-série documentaire de Netflix qui m’a totalement happé, il faut bien l’avouer ! Plus j’avançais, plus il y avait matière à illustrer l’affaire. Le but à ce moment-là c’est de ne pas tomber dans le piège d’illustrer un pan de l’histoire trop précis ou méconnu -même si l’envie est forte – pour que le lien entre l’affaire et le dessin soit assez clair pour tout le monde.

Tu as traité d’une affaire très délicate, t’es-tu mis certaines barrières quant à sa représentation ?

Clairement, je me suis interdit de représenter directement les personnes impliquées dans l’affaire, qu’elles soient victimes, accusées, investigatrices etc. Les faits sont si complexes, flous et graves qu’il me semblait malvenu de mettre quelqu’un explicitement en avant…Et c’est aussi une manière d’aller chercher plus loin pour composer l’image, de se demander comment créer une représentation de l’affaire sans ses acteurs et actrices. C’est alors devenu un jeu de subtilité entre le sujet et moi, c’était très intéressant à faire ! 

Tes dessins en général sont très portés sur les personnages. Qu’est-ce qui te plaît tant dans le fait de les dessiner ?

Oui, c’est effectivement ce que je préfère dessiner, et de loin (j’y inclus les chiens et les fauves) ! J’adore donner vie à des personnages, leur imaginer des caractères, des comportements, même s’ ils n’existeront que le temps d’une illustration. Je ne saurai pas dire d’où ça vient, peut être du charisme des héros de dessins animés que je regardais, ou de jeux vidéos auxquels je jouais petit ? Mais ce que je sais, c’est que je peux passer des heures à dessiner des personnages sans problèmes alors que vingt minutes sur un décor va me rendre fou. Dessiner des corps implique des courbes, des formes, qui me sont très agréables à réaliser et je ressens un plaisir immense quand tout s’imbrique correctement pour donner une expression, un comportement, une gueule à un personnage. 

Récemment, tu es un peu sorti de ton style d’illustration habituel, quelles sont tes envies du moment ?

Je dirai qu’aujourd’hui j’ai vraiment deux styles différents qui vont et viennent selon mon humeur, mes envies ou ce qu’on me demande de faire. Il y a une dizaine d’années, j’ai trouvé ma manière de m’exprimer via un style assez grotesque avec un trait épais, des formes exagérées. Mais ça me frustrait parfois car je n’arrivais pas à raconter des choses plus douces, mélancoliques ou tristes sans qu’on ne les prennent pour de l’humour ou de l’absurde. Ça peut avoir du bon de jouer de cette ambiguïté, mais j’avais aussi besoin de trouver le moyen d’être plus clair et de permettre à mes personnages d’exister d’une manière différente. Et comme tu le dis, j’ai essayé de sortir de mon style habituel, avec des traits plus fins, un dessin plus détaillé, une ambiance plus réaliste (même si on en est encore loin, et c’est tant mieux). Ça a pris une bonne année pour que je sois à l’aise et aujourd’hui je me sens capable d’évoquer à peu près tout ce que je veux, c’est libérateur ! Mes envies du moment sont donc principalement de jongler entre ces deux pans de mon travail selon mes besoins, créer des choses en accord avec mon ressenti à un moment précis. Je peux me concentrer sur ce que je raconte !

Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été importants pour toi ?

Je vais inclure la BD parce qu’au final j’ai fait peu de projets personnels et concrets en illustration pure. 

Je dirai qu’en premier lieu il y a forcément tout le projet Laurence 666 que j’ai réalisé avec mon collectif Mauvaise Foi, une revue de BD / illustrations scénarisée, dans laquelle chaque chapitre d’une histoire est écrit et dessiné par un ou une artiste différent.e. Ça m’a permis de faire évoluer mon trait, de me contraindre à faire rentrer une histoire dans un nombre de pages précis, d’expérimenter de nouvelles formes de narration en BD etc. Et surtout la fierté d’avoir partagé les pages d’un livre avec des artistes géniaux !

Ensuite, il y a la Kebaberie qui est un projet de BD que j’ai imprimé en sérigraphie et relié à la main avec l’aide des mes comparses de Mauvaise Foi éditions. C’est un recueil de trois histoires bizarres qui m’a permis de tester plein de choses, du dessin, à la narration en passant par les couleurs. J’aimerais beaucoup refaire un projet de ce type dans le futur, mais il faut que je trouve le temps et que je réussisse à être content de ce que je fais du projet, du début, jusqu’à ce qu’il soit imprimé ! C’est pas gagné.

Pour finir, je dirais que le projet en illustration le plus important pour moi, c’est celui que je suis en train de réaliser aujourd’hui : Adapter mon dessin au tatouage. Je suis en ce moment apprenti aux Méandres, un superbe atelier de tatouage à Lyon dans lequel j’ai la possibilité d’observer, d’apprendre et de tatouer. J’avais commencé à tatouer un peu dans mon coin aux environs de 2013, mais j’avais laissé ça de côté à l’époque pour me consacrer au projet d’édition qu’est le collectif Mauvaise Foi, dont j’ai parlé précédemment. Revenir au tatouage aujourd’hui en étant aussi bien entouré, c’est un énorme plaisir. J’en profite donc pour remercier mon amie Sophie qui m’a proposé d’intégrer l’atelier ainsi que Marine, Manon, Nolwenn et Gladys de me permettre de m’abreuver de leurs connaissances et de leurs techniques. C’est les best en fait, rien que ça.

RÉMY MATTEI // KIBLIND FAITS DIVERS

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