Mayumi Tsuzuki a reçu un don : celui de réussir à faire comprendre les émotions contradictoires des personnages qu’elle dessine en une seule image. C’est donc tout naturellement que pour notre numéro Faits Divers, nous avons demandé à l’illustratrice japonaise d’illustrer l’histoire du loubard le plus énigmatique de France, Redoine Faïd.
« Tu vois une rue qui ressemble à beaucoup d’autres, regardes de plus près ». Cette citation ouvrant la bande-annonce du chef d’oeuvre American Beauty de Sam Mendes pourrait être la légende des illustrations de Mayumi Tsuzuki. De prime abord, les illustrations de l’artiste Tokyoïte dépeignent des banlieues calmes et résidentielles où la vie semble s’écouler lentement. Mais comme souvent, l’orage n’est pas jamais loin. Lorsqu’on les observe un peu mieux, les visages des personnages de Mayumi trahissent cette apparente quiétude. Ils sont tristes, mélancoliques, fuyants, lorsqu’ils ne se sont pas cachés.
C’est cette puissance narrative et cette capacité à nous questionner qui font toute la force des illustrations de l’artiste. De par sa méthode de dessin notamment – en jouant entre le crayonné et le numérique -, Mayumi chatouille nos émotions. Vous comprendrez donc sans mal pourquoi notre choix s’est porté vers Mayumi Tsuzuki pour relever le défi d’illustrer l’histoire de l’énigmatique Redoine Faïd pour notre numéro Faits Divers. Une affiche de film de rêve en soi, pour celui qui a vécu sa vie comme un film, à coup de fuites spectaculaires en hélico.
On vous présente l’artiste derrière l’artiste, Mayumi Tsuzuki, à travers quelques questions.
Salut Mayumi, peux-tu nous dire quel est le fait divers qui t’as le plus marqué ?
Le Tremblement de terre de Tohoku (11 mars 2011)
Comment as-tu appréhendé l’exercice qu’on t’as demandé de faire pour ce numéro Faits Divers sachant que l’histoire de Redoine Faïd t’es inconnue?
Cette demande était un peu différente de celles qu’on me fait d’habitude, j’étais donc un peu confuse au début, mais comme vous avez dit que je pouvais l’interpréter librement, j’ai décidé de chercher l’image que je voulais dessiner à partir des informations que j’avais sur lui.
Ton personnage affiche un sourire et semble confiant. Les personnages que tu dessines ne portent majoritairement pas ce sourire et cette attitude, peux-tu nous parler un peu plus de la façon dont tu as visualisé ce criminel ?
En lisant des articles sur ses crimes et son caractère, j’ai commencé à m’intéresser à son parcours. En particulier, lorsque j’ai lu qu’il aimait les films de gangsters dans son enfance et qu’il voulait devenir policier plus tard, j’ai décidé de faire une illustration qui ressemblait à une scène de film.
As-tu eu des difficultés particulières à représenter ce fait divers ?
Pas vraiment, puisque ça ne représente pas le crime lui-même.
Tu dessines souvent des personnages mélancoliques et seuls, est-ce une façon d’apporter plus de profondeur à tes illustrations ?
Oui, c’est ça. Ce que je veux dépeindre, ce n’est pas seulement la personne elle-même, mais aussi le lien entre son monde intérieur (émotions) et son monde extérieur (espace). Je ne dessine pas les expressions de leur visage, car si je le faisais, cela mettrait davantage en valeur leur silhouette et fixerait leur image.
Doll and stuffed bear Floral wallpaper Pink sweater Family portrait-rabbit
Risographie, illustration et même décoration d’intérieur. Tu as l’air d’être touche-à-tout, comment t’es-tu formée artistiquement ?
Depuis mon enfance, je suis toujours en train de créer quelque chose, je dessine des dessins animés, je fais des maquettes en papier de villes, d’animaux en peluche et de vêtements. J’ai étudié les bases et le design à l’école des Beaux-Arts, mais la variété du travail que je fais maintenant est une extension de mes jeux d’enfant.
Tu travailles beaucoup avec la risographie, qu’est-ce que cela apporte de plus à ton travail ?
Ma méthode de dessin est un peu particulière, un mélange d’analogique et de numérique. Je commence par trois dessins au crayon en noir et blanc pour chaque image (un pour le cyan, un pour le magenta et un pour le jaune), je les numérise, je les convertis en couleurs dans Photoshop et je termine en superposant les couleurs. C’est très bien pour les couvertures de livres et les illustrations de magazines. Cependant, lorsque je veux les encadrer en tant qu’œuvres d’art, je trouve que les impressions pigmentaires n’ont pas assez de texture. La risographie compense ce manque. Les couleurs vives de l’encre et les imperfections des impressions Riso donnent à l’œuvre un sentiment de réalité.
Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été importants pour toi ?
- L’œuvre risographique « Beach » (de la série « Vie quotidienne dans le passé »)
2. « Spring », adaptée comme couverture de livre
3. « Dinner », œuvre bidimensionnelle et sculpture souple