Certains silences en disent long. L’illustrateur allemand, Klaus Kremmerz, maîtrise cet art de l’illustration silencieuse qui entraine invariablement l’observateur assidu vers le sous-texte et les sous-entendus. Pour Kiblind Magazine Sugar Sugar, l’illustrateur allemand a imaginé une illustration en forme de bonbons, plein de bonbons….
Avec ses images au feutre, Klaus Kremmerz se balade dans l’absurde et l’humour délicieux. Ses personnages muets partagent leur quotidien avec un flegme sans pareille et peuvent en dire beaucoup sans en avoir l’air. On comprend mieux pourquoi après avoir échangé quelque peu avec le garçon. Ce qu’il préfère dans l’illustration ? Qu’elle puisse être un moyen d’exprimer une vision artistique non circonscrite au monde de la bande dessinée, qui met au coeur du dispositif, le message.
Comment es-tu venu à l’illustration ?
Je suis devenu illustrateur en 2016, un peu par hasard. J’ai toujours dessiné et étudié le dessin mais j’étais plus attiré par le monde l’art en général que par l’illustration. À un moment donné, j’ai découvert que l’illustration pouvait permettre de travailler en dessinant des images et j’ai donc commencé à comprendre comment ce monde fonctionnait.
Et quelles sont tes références ?
Spontanément, mes références ne sont pas directement issues du monde de l’illustration, mais proviennent, pour être honnête, plutôt du monde de l’art, qui a l’avantage d’être à la frontière entre différentes disciplines. Je pourrais citer Ken Price, mais aussi Robert Crumb, Raymond Pettibon et John Wesley. Leurs langages sont à la fois inscrits dans l’art contemporain mais aussi dans la bande dessinée, ou plutôt, ils utilisent le langage de la bande dessinée pour exprimer leur vision artistique. Je trouve cela fascinant. Utiliser un langage la plupart du temps snobé par le monde de l’art pour «faire» de l’art. Roy Lichtenstein et le mouvement du Pop Art l’ont fait, bien sûr. Mais dans le langage de Lichtenstein, on peut deviner que sa technique était « à la façon de » mais qu’au fond, il était toujours simplement un artiste. Pour Crumb, Pettibon ou Price par exemple, on a des artistes qui se sont appropriés la bande dessinée, qui l’ont matérialisée au point de la transformer en art véritable, sans toutefois changer leur façon de s’exprimer. J’aime beaucoup cela, car je pense qu’au fond le style n’est pas fondamental. Ce qui importe, c’est le message que vous voulez faire passer à travers votre langage artistique. Si j’arrivais à faire quelque chose dans ce goût-là, ça serait super ! Mais pour l’instant, je ne fais que des illustrations…
Peux-tu nous dire quelques mots sur cette illustration réalisée pour Kiblind sur le thème « Sugar Sugar » ?
L’image est simple et ne mérite pas vraiment d’explications. J’ai simplement imaginé un couple se reposant sur le canapé de leur salon où tout ou presque autour d’eux évoquait les sucreries. Il n’y a pas de significations cachées, c’est juste une image que je me suis amusé à faire et qui, j’espère, pourra divertir le lecteur.
Peux-tu nous présenter quelques projets importants à tes yeux ?
Le premier dont je peux vous parler, c’est mon projet le plus récent. J’ai illustré le super roman Les Longs Adieux de Ray Chandler (Ed. Yilinn Press), pour lequel j’ai réalisé 12 planches. Cela m’a pris quelques mois entre les croquis et les dessins finaux, et comme j’avais beaucoup de temps pour le faire, presque un an, j’ai pu travailler sur un temps long en bossant entre les autres projets. La chose la plus difficile était de trouver 12 images qui pourraient résumer un livre très dense et très long.
J’ai beaucoup travaillé avec des noirs, avec des ombres, avec des contrastes forts comme le veut ce genre de littérature noire. Je ne suis pas vraiment l’illustrateur modèle pour faire des images pour des livres. En réalité, ça me coûte beaucoup d’efforts et ce n’est pas quelque chose que je pense être directement dans mes compétences. Mais c’était un défi et je l’ai accepté ! Ça m’a permis d’expérimenter sur certains dessins et finalement, d’apprendre beaucoup de choses sur moi et sur ma pratique.
Le deuxième projet dont j’aimerais parler est la séquence de la «quarantaine» que j’ai faite pour The Economist. L’histoire est celle que tous les parents ont vécue à ce moment là, avec leurs enfants à la maison qui s’ennuient et ne peuvent pas sortir. J’ai d’abord interprété l’histoire avec trois images, puis à partir de celles-ci entre les images, j’en ai fait six de plus. Enfin, en collaboration avec Micheal Lester et mon agent Dutch Uncle nous avons réalisé une animation.
Le troisième projet est cette image pour le New York Times Book Review. Ce n’est pas une image particulièrement compliquée, mais je l’aime beaucoup, juste comme ça. Je n’ai jamais surfé mais depuis que je suis jeune c’est un monde qui m’a toujours beaucoup fasciné. L’histoire parlait d’un surfeur en route vers le coucher du soleil, j’en ai donc profité pour donner libre cours à ma passion.