Les Gens du Mag : Julia Frechette

Illustratrice au dessin irrésistible et membre de l’honorable atelier demi douzaine, Julia Frechette a été invitée à interpréter le thème de la pilosité pour notre dernier magazine. C’est trop beau et ça méritait bien qu’on papote un peu.

Plongés dans une routine des plus sombres consistant à laver ses Danette à l’eau de javel, à garder une distance de 10 mètres avec tout être humain mobile et à s’avaler des heures d’infos déprimantes chaque jour, l’année 2020 ne fut pas des plus réjouissantes. Heureusement, quelques plaisirs simples qui n’y paraissent pas comme ça, mais qui font pourtant beaucoup, rythmaient nos journées. Parmi ceux-là, les strips de Julia Frechette publiés sur Instagram.

Il faut dire que l’illustratrice nous a régalé avec l’histoire en plusieurs épisodes de Tololo, jeune samouraï en quête du grand amour. Avec ses personnages médiévaux et les couleurs primaires qu’elle affectionne tant, Julia trace les contours d’un monde qui lui est propre. Passée également experte dans l’art de la céramique, l’étudiante tout juste sortie de la HEAR de Strasbourg n’a cessé de nous émerveiller. C’est pourquoi nous lui avons demandé de réaliser une création originale sur la thématique quelque peu périlleuse des poils pour notre dernier magazine.

Illustration pour Kiblind Poils

Salut Julia. Peux-tu nous parler de l’illustration que tu as réalisé pour notre numéro « Poils »? 

Je dois avouer que la thématique m’a un peu laissée perplexe au début… Mais assez rapidement, j’ai décidé de partir sur une interprétation poétique et très visuelle. Je trouve que la réalisation d’une image unique est un exercice particulièrement difficile. J’ai plutôt l’habitude d’inscrire mes visuels dans une continuité narrative ou dans une série… Aussi, j’ai décidé de me faire plaisir, en travaillant sur les motifs, les couleurs et les textures du dessin. J’ai travaillé en lavis d’encre (en valeurs de gris), que j’ai ensuite colorisés numériquement. C’est la première fois que j’utilise cette technique. C’était un peu périlleux, mais je me suis dit, pourquoi pas…?! Je me suis amusée avec les courbes du personnage qui disparait entièrement sous son énorme doudoune moelleuse, les rapports d’échelles et la confusion des plans. J’avais envie que le lecteur ne saisisse pas forcément tout de suite le sens de l’illustration: il faut observer l’image d’un peu plus près pour comprendre que les petits bonshommes de la frise (partie supérieure) s’activent autour d’animaux qu’ils tondent, et dont les pelages colorés (des « toisons ») viennent ensuite tisser les motifs circulaire de l’habit de l’inuit.

D’où te vient cette passion pour l’univers médiéval ? 

J’ai commencé à travailler ce genre de thématique à mon arrivée aux Arts Décoratifs, à mesure que se dessinait mon projet de diplôme de 3e année. Il s’agissait d’une épopée médiévale intitulée « A comme Aventure », construite sur un principe d’abécédaire: À chaque lettre correspondait un mot annonçant une nouvelle péripétie (souvent sur un ton un peu comique). Ce livre était un petit ouvrage, auquel la couverture sérigraphiée à l’encre dorée et les illustrations travaillées sous forme de petites saynètes inspirées des enluminures médiévales, donnaient une dimension précieuse. J’ai depuis gardé un réel goût pour cette esthétique et ces thématiques, que j’utilise notamment dans mes projets destinés aux enfants, en essayant de proposer une interprétation plus moderne des codes de l’épopée.

Tu sembles pratiquer beaucoup la céramique. Y a t’il un autre médium lié à l’illustration que tu voudrais explorer ? 

Je crois que le textile commence à me faire de l’œil. Je travaille beaucoup les motifs, que ce soit dans mes illustrations ou maintenant sur mes céramiques, et je crois que j’aimerais voir ce que ça donne sur de grandes surfaces de tissus qui deviendraient ensuite des kimonos, des vêtements ou des objets usuels…

Tu fais partie de l’atelier demi douzaine, regroupant plusieurs artistes et illustrateur.rices. Peux-tu nous décrire vos activités ? 

Nous sommes 6 jeunes illustrateur·ices tout fraîchement sortis de la HEAR. Chacun·e travaille la plupart du temps sur ses propres projets/commandes (certains font de la BD, d’autres de l’illustration jeunesse, d’autres encore travaillent pour la presse ou sur des appels à projet). Nous organisons aussi ponctuellement des évènements collectifs (vente, marché de Noël, expositions, participation à des festivals), lors desquels nos travaux individuels sont mis en valeur. L’idée était surtout de se construire un lieu à nous, un espace de travail et d’interaction au sein duquel nous échangeons, rigolons et nous nourrissons des conseils et de l’enthousiasme des autres. 

Tu partages beaucoup de strips sur Instagram. Est-ce qu’un projet de BD traine quelque part dans ton esprit ? 

Les strips que vous voyez sur mon Instagram sont tous extraits d’une seule et même bande dessinée que j’ai réalisée en grande partie durant le deuxième confinement. Elle s’intitule « Tololo veut se marier ». Il s’agit d’une BD jeunesse retraçant les aventures d’un jeune samouraï fauché, dans sa quête pour la main d’une princesse. Le projet est aujourd’hui terminé et j’ai quelques pistes pour, qui sait, peut-être le faire sortir des étagères de ma chambre vers les étagères des librairies…!

Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été importants pour toi et nous dire pourquoi ?

Eh bien d’abord « Tololo ». J’avais à l’origine créé le personnage sur un coin de carnet, pour envoyer une petite histoire à un copain. Et puis, une fois la première aventure achevée, j’ai eu envie de continuer. Et ce samouraï m’a finalement tenu compagnie pendant les deux mois de confinement! C’était assez amusant. La bande dessinée n’est habituellement pas un médium auquel j’ai recours. Je lui préfère le format de l’album, ou la technicité de la sérigraphie… Mais là, j’avais hâte de retourner à ma table à dessin, tous les jours, pour continuer de raconter cette histoire… Le récit est assez décousu, léger, un peu bébête. Je n’en suis pas particulièrement fière. Mais pour l’instant, il a rencontré des premiers lecteurs plutôt enthousiastes…

Il y a ensuite l’ensemble de mon travail en céramique. C’est une pratique que j’ai développé tardivement, en autodidacte, et en parallèle de mes projets d’illustration. Ce qui me plaît c’est de pouvoir faire des ponts entre l’une et l’autre des techniques : faire sortir mes images des 2 dimensions de la page pour aller habiller des objets du quotidien… J’aimerais par la suite essayer de donner à mes pièces de céramique une véritable portée narrative, en utilisant les formes cylindriques pour créer des principes de récits en boucle, ou travailler des séries au sein desquelles les combinaisons des différents éléments viendraient créer des histoires.

En ce moment, je travaille sur mon diplôme de fin d’étude (qui sera présenté en juin 2022). C’est un projet de longue haleine à mi-chemin entre illustration et scénographie. Il s’agit de papiers peints illustrés (pour les chambres d’enfants) proposant un principe « interactif »: les papiers peints sont associés à des albums et des livrets d’autocollants qui permettent aux enfants de faire sortir le récit des pages du livre, pour le projeter et l’animer tous autour des murs de sa chambre. La surface du papier peint devient en fait une sorte de décor de théâtre géant, support d’imagination, terrain de jeu, et surtout espace de liberté (la trame narrative de l’album sert de base à partir de laquelle l’enfant invente et raconte à sa guise)…

`JULIA FRECHETTE / KIBLIND POILS

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