C’est avec des visages masqués, des paysages embrasés, du sang et des fleurs que l’artiste Flo Meissner nous parle de beauté et d’identité. Des éléments signature de ses illustrations se sont glissés dans une des pages de notre magazine « Monstres ». Ça valait bien quelques éclaircissements.
Des combinaisons étranges, des éléments botaniques et une couleur rose prédominante. Voilà sans doute les ingrédients phares de la recette créative de Flo Meissner. Mais si l’on regarde de plus près son travail, on se rend compte de la subtilité des messages cachés que l’artiste allemand souhaite nous faire passer. Grâce à la juxtaposition de fleurs ou de masques attrayants sur les visages de ses protagonistes, l’artiste transmet en effet des pensées symboliques et puissantes sur l’identité de genre, la mort ou encore l’écologie.
On a suggéré à Flo Meissner de s’emparer de ses outils pour nous proposer une création originale répondant à la thématique : « Mais qui sont les monstres ? ». Sans surprise : il nous a offert une illustration pleine de métaphores. On s’empresse d’en discuter avec lui.
Salut Flo. Pour notre magazine Kiblind « Monstres », tu as réalisé une illustration remplie d’éléments qui semblent avoir des sens cachés. Peux-tu nous les expliquer plus en détails ?
Bien sûr. Tout ce qui a un sens caché se passe au premier plan. Il y a un bidon d’huile en bas à droite avec des sortes de plantes et fleurs brûlantes qui en sortent. Ça fait référence à une illustration que j’ai faite il y a un an, intitulée « This Won’t Last Long », qui représente des fleurs poussant dans une bouteille remplie de liquides toxiques. De la même manière, cela montre comment la beauté naturelle est lentement détruite. Sur le corps du monstre, il y a deux choses que je veux souligner : d »un côté, il y a une sorte de cadre ou d’affichage, avec ce que je voulais être un cœur humain et de l’autre côté, il y a une horloge ou un compteur de vitesse dont les aiguilles sont tombées, ce qui pourrait signaler soit la fin des temps, soit la fin des combustibles fossiles. Et puis il y a l’arrière-plan avec des montagnes vertes et un ciel dégagé, qui contraste avec le monstre poubelle et les piles de déchets. Donc il y a encore peut-être de l’espoir…
Peux-tu nous donner ta définition du monstre ?
Je dirais qu’un monstre est un être ou une chose que la plupart considèrent comme menaçant, nuisible et dangereux. Quelque chose qui a évolué vers une mauvaise voie. Cependant, je pense qu’il y a une zone grise, cela dépend de comment vous la voyez. En fin de compte, un monstre pourrait n’être qu’un reflet imaginatif de nos peurs les plus profondes. Avec l’illustration, j’ai également essayé de changer la perspective, en espérant que ce monstre poubelle pose la question de savoir qui sont les vrais monstres.
Le visage est très souvent représenté dans ton travail. Parfois visible, parfois caché, parfois même coupé… Peux-tu nous parler de cette recherche ?
Je dirais que je fais très attention quand il s’agit de décider ce qui est montré dans mon travail et ce qui peut être laissé à l’interprétation. Avec les visages en particulier, les expressions sont souvent très directes et faciles à lire. Parfois je veux que ce soit clair, d’autres fois je préfère laisser les expressions et les émotions dans le noir. Et puis j’expérimente aussi les proportions pour exagérer les expressions ou même laisser un espace vide à la place d’un visage. C’est beaucoup d’expérimentation et de jeu pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Il y a souvent un élément visuel déformé, qui brûle ou qui saigne dans ton travail. Comment est-ce que tu construis la narration de tes illustrations ?
Je ne dirais pas que je construis nécessairement le récit de mes illustrations, mais au contraire je trouve souvent que des images et des idées se présentent simplement à moi. J’essaie juste de capturer l’image que j’ai dans mon esprit. C’est très organique et intuitif. Je laisse les détails et les nuances évoluer naturellement au cours du processus et prendre forme d’eux-mêmes. Je pense qu’avec le temps j’ai plus de confiance dans le processus, laissant simplement les choses se produire au lieu de trop réfléchir à chaque élément et à sa signification potentielle.
Qu’est-ce qui t’inspires au quotidien ?
Les longues promenades, de préférence au coucher du soleil. La musique, de préférence complexe, comme la musique classique ou le jazz. Et juste étudier l’art et les artistes autant que possible. Qu’il s’agisse de feuilleter des livres, de regarder des interviews et des documentaires ou d’aller dans des expositions et des galeries.
Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été marquants pour toi et nous dire pourquoi ?
J’y ai pensé pendant pas mal de temps mais il me semble impossible de choisir. En partie parce que je me détache assez rapidement de mon travail. De nombreuses œuvres personnelles ont une signification à un moment précis, mais une fois qu’une œuvre est disponible, elle est disponible. J’ai l’impression que, d’une certaine manière, ce n’est plus la mienne, mais que c’est aux autres d’en profiter.