Les Gens du Mag : Andrés Magán

Dans notre dernier numéro Faits Divers, Andrés Magan a su raconter en une seule illustration l’histoire rocambolesque de l’escroc Christophe Rocancourt.  On a posé quelques questions au créateur d’un monde illustré singulier et obsédant.

Il y a quelque chose d’entêtant dans les illustrations d’Andrés Magán. D’abord, ces fameuses têtes tiens. Les personnages qu’aime dessiner l’artiste galicien ont pour point commun d’avoir des têtes énormes et c’est comme ça qu’on les reconnait. Jonglant entre le noir et blanc et la couleur, entre le crayonné sur ordinateur et sur papier, Andrés dessine un univers mi-réaliste mi-onirique. Truffés de symboles et de ce qu’on aimerait appeler des onomatopées visuelles (allez, soyons fou), ses illustrations nous invitent dans un monde nouveau, rarement exploré. Pour notre numéro Faits Divers, nous étions bien curieux de savoir ce que l’artiste allait faire de l’histoire du célèbre escroc bling bling Christopher Rocancourt. Forcément, il en a fait quelque chose d’incroyable. On lui a posé quelques questions sur la création de ce dessin et sur la vie, en général, tiens.

Quel est le fait divers qui t’as le plus marqué ?

Si je pense à l’actualité en général, bien sûr, je dirais le 11 septembre ou tout ce qui est lié au Covid car c’est ce qui a eu le plus grand impact sur ma vie, mais je ne sais pas vraiment quoi dire d’autre à ce sujet.
Pour ce qui est de la culture, la mort de David Berman en 2019 m’a beaucoup impacté. Bien sûr, je ne le connaissais pas personnellement, mais j’ai apprécié ses disques et ses livres pendant de nombreuses années et j’étais heureux de le voir revenir à la musique, donc sa mort a été choquante, triste et un peu effrayante aussi pour moi. Je n’ai pas beaucoup de faits divers en tête, mais j’ai récemment trouvé quelque chose que j’avais écrit sur mon carnet à propos de deux amis qui sont morts alors qu’ils dînaient ensemble. Il se trouve que l’un d’eux s’est étouffé avec un morceau de viande et que l’autre a eu tellement peur qu’il a fait une crise cardiaque et est mort lui aussi. Si je ne me trompe pas, c’est arrivé en France il n’y a pas si longtemps. Je ne me souviens plus pourquoi, mais ça devait être important d’une certaine façon puisque j’ai décidé de l’écrire.

Connaissais-tu l’histoire de Christophe Rocancourt qu’on t’a demandé d’illustrer, et comment as-tu appréhendé cet exercice ?

Je ne connaissais pas l’affaire, alors la première chose que j’ai faite a été de chercher des informations en ligne. Une fois que j’ai eu une idée de ce dont il s’agissait, j’ai commencé à écrire et à dessiner, à essayer de trouver des idées et à voir lentement ce qui en sortait.

Dessin personnel non publié
FornCalç (Extrait d’une bande dessinée pour le magazine Forn de Calç, 2021)

Sur quel(s) élément(s) de l’affaire as-tu notamment prêté une attention particulière ?

En faisant mes recherches, j’ai trouvé une vidéo assez étrange sur YouTube. Il s’agit d’une compilation de séquences enregistrées par des paparazzis à Los Angeles, avec Christophe Rocancourt dedans. Toutes ces séquences réunies, son visage, ses cheveux, sa façon de poser pour les photos et sa façon de parler m’ont semblé capturer son essence et son histoire d’une manière très intéressante. J’ai regardé la vidéo plusieurs fois tout en dessinant et en réfléchissant à l’illustration.

Terry Bleu (Couverture du livre Drawings 2018-2021 publié par Terry Bleu, 2021)

On retrouve bien ton style dans cette création notamment avec ce fameux personnage. A quel moment et comment ce personnage est-il apparu dans ton univers graphique ?

Je n’ai pas essayé de dessiner un personnage en particulier, je voulais vraiment représenter l’idée que je me faisais de Christophe Rocancourt, mais je suppose que certains éléments de ma façon habituelle de dessiner ont fini par m’en empêcher. Quand je dessine, j’essaie d’être ouvert et de prêter attention à tout ce qui se passe, et je suppose que je finis toujours par faire des choses qui se ressemblent beaucoup, peut-être parce que j’aime beaucoup la répétition. Avant, cela me frustrait, je pensais que je faisais toujours la même chose, mais maintenant j’aime voir ces dessins ensemble. Si je ne réfléchis pas du tout et que je commence à dessiner, la première chose qui apparaît sur la page est le plus souvent le profil d’un visage, et parce que je l’ai fait tant de fois, c’est peut-être pour cela que j’ai l’impression de dessiner un personnage, mais dans ma tête je ne dessine pas la même personne encore et encore, ce sont juste des dessins libres.

Ton cœur a l’air de pencher entre le noir et blanc ou la couleur, quelles sont les raisons qui font que utilises l’un ou l’autre selon les dessins ?

Pour moi, c’est toujours lié à l’idée, mais dernièrement, l’utilisation de la technologie a eu un grand impact sur ma façon d’aborder le dessin et la couleur. J’avais l’habitude de faire beaucoup de coloriage à l’ordinateur, juste des aplats de couleurs, mais je n’aime pas toujours le rendu et parfois je ne pense pas que ce soit nécessaire. Je le fais en pilote automatique. J’aime aussi les bandes dessinées et les dessins simples, en noir et blanc, et cela m’a peut-être influencé. Si l’idée a un sens, j’aime utiliser la couleur, mais j’essaie de le faire d’une manière plus agréable et plus excitante pour moi. Cela implique en ce moment d’utiliser l’ordinateur moins souvent ou d’une manière différente que par le passé.

Piero (Bande dessinée pour un projet personnel, non publiée)
(Dessins du livre « Drawings » 2018-2021 publié par Terry Bleu, 2021)

De quoi t’inspires-tu lorsque tu dessines ?

Ces derniers temps, j’ai beaucoup regardé et joué au tennis, et je pense que cela a influencé ma façon de travailler et de penser au travail en général.

Peux-tu nous citer 3 projets qui ont été importants pour toi depuis tes débuts en tant qu’illustrateur ?

Je n’ai pas eu la chance de travailler sur autant de projets d’illustration, j’aimerais pouvoir en faire plus à l’avenir. Je pourrais parler de certaines illustrations plus anciennes, mais je suis un peu gêné de les montrer.

Il y a cependant trois collaborations récentes qui sont plus liées aux bandes dessinées et qui ont été importantes pour moi :

Premièrement, je dessine une bande dessinée mensuelle appelée Popicci pour un magazine appelé O Papagaio. Je le fais depuis cinq ans maintenant et c’est l’une des choses que je préfère faire, principalement parce que c’est pour les enfants et aussi parce que c’est en galicien, qui est une belle langue que nous avons ici en Galice (nord-ouest de l’Espagne) d’où je suis originaire, où je vis et travaille.

Popicci publié dans O Papagaio, 2021

Le second est une collaboration avec un zine appelé ¡Qué Suerte ! qui a un thème différent chaque année. C’est celui que j’ai réalisé pour le numéro « Moderno », en 2020. Olaf Ladousse, qui dirige le zine, a la gentillesse de m’inviter à participer et j’adore son travail et ce projet en particulier, donc je suis toujours heureux de le faire.

QueSuerte (publié dans ¡Qué Suerte! #Moderno, 2020)

Enfin, j’ai fait un dessin pour le Colorama Clubhouse numéro 6 en 2017. J’ai également publié une petite bande dessinée avec Colorama intitulée Is your Journey Really Necessary ? cette même année, donc regarder mon dessin me rappelle de bons souvenirs et je suis reconnaissant que Johanna, qui dirige Colorama, ait voulu collaborer avec moi.

Colorama (publié dans Colorama Clubhouse #6, 2017).

ANDRES MAGAN // KIBLIND FAITS DIVERS

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