Inventaire(s): Capsule Men’s + MAN

Difficile de déceler ou d’expliquer la tendance. Certains s’y écharpent et s’y abiment depuis des années mais reste qu’au delà de celle-ci et de débats souvent poussifs, c’est la direction qui semble compter. On s’est dit qu’on allait vous raconter ce que l’on a vu et vécu lors de deux rendez-vous de la -masculine- fashion tendance que sont le Capsule Show et le MAN.

C’était drôle, étrange, excitant ; ça faisait un peu peur parfois. C’était notre première fois elle et moi et j’avais les mains moites… J’aime bien les premières fois, surtout celles qui parlent d’automne et d’hiver. Vendredi AM – 14h18 / Capsule AW15 : Le Capsule show se tient dans le mastodonte vert pomme de la Cité de la Mode et du Design. Comme le bois de la Bibliothèque Nationale qui borde elle aussi la Seine, les grandes terrasses des anciens docks de Paris repensés par Jakob & MacFarlane vieillissent mal. Ils se patinent en noir gris et je me demande si la patine du bois de ce type est belle. Pas sûr ; quoique, il ne s’agit là que de mon simple et humble avis… Hiroki Nakamura, créateur et designer en chef de Visvim, l’extraordinaire label japonais de sapes hors de prix, dissertait récemment autour de son amour pour la « patine » des objets.

Je crois bien que, comme Nakamura, c’est la « patine » des choses qui m’intéresse, leur épaisseur pratique, symbolique, matérielle. Est-ce une tendance ? Je ne sais pas. Je sais en revanche que j’aime les choses qui s’usent bien depuis toujours et que j’ai des doutes sur le vieillissement du bois exotique utilisé à l’extérieur.

14h19 : Je rentre dans le salon d’exposition du (Capsule) show et on me dit bonjour en anglais. J’explique en français que je suis journaliste pour un magazine qui s’appelle Kiblind et que j’ai une « accréditation » de journaliste donc. Ils tapent sur leur iPad, me disent « great, to see you here », m’enfilent un bracelet en tissu violet et me donnent un plan du site imprimé sur du papier très fin.

14h20 : Le bracelet me gratte le poignet.

14h21 : Il fait chaud. Les gens parlent en anglais.

14h22 : La jointure bras-main me démange.

14h23 : L’américain Marc McNairy squatte pas mal de mètres carrés linaires et présente ses nouvelles casquettes et autres objets iconiques de la street culture revisitée façon 2015. Bof bof, le selfie-couture me plait pas trop. Il fait aussi des souliers en cuir avec des semelles fluo et des chemises aux imprimés étranges. Je continue plus loin ; un Danois m’interpelle et tient à me présenter son nouveau tissu en laine waterproof. Chouette tissu effectivement. Il fait des manteaux Mackintosh dans cette matière et m’explique que c’est très bien pour le Danemark parce que là bas, il fait froid, on fait du vélo et le climat est humide. Je le crois sur parole. Vous n’avez pas beaucoup de bois exotique là-bas, n’est ce pas?…

Plus loin des sweats à capuches d’une marque peu connue avec des gros imprimés plastique dessus. La langue française semble plaire pour afficher des slogans sur les poitrines de sweat molletonnés tendance. Est ce parce que nous sommes à Paris ? Je ne sais pas mais les gens parlent en anglais.

14h30 : Nicolas Barbier de Drapeau Noir est en pleine discussion  avec des acheteurs. Son stand semble canon, il y présente sa collection automne hiver 2015 donc (comme l’ensemble des exposants ici). Je jette un coup d’oeil rapide et me dit que je vais revenir lui faire un coucou et toucher ses tissus un peu plus tard. En plus des belles chemises qu’il fait depuis l’année dernière, je vois un costume, des pantalons (jeans, chino), un blouson. Ça promet.

14h40 : J’arrive sur le stand des incroyables Lyonnais Arpenteur. On se met à tailler la bavette. Arpenteur c’est un label qui fait du made in France, uniquement du made in France et qui le fait très bien. C’est des amateurs de lignes claires comme on dit pour qualifier le trait d’Hergé, le papa de Tintin. Toutes leurs pièces me plaisent énormément et même leur communication est géniale puisqu’ils n’utilisent que la dénommée ligne claire. Ils sont discrets comme des chats, comme en recul par rapport à ce salon où la flambe est tout de même légion. On se dit qu’il faut qu’on se voit rapidement pour faire une interview plus longue, plus réfléchie. Des Japonais semblent très excités par leurs pièces et prennent beaucoup de photos des nouvelles vestes, chemises à cols hirondelles, casquettes, pantalons, etc.

Je me dis que c’est cool d’arriver à monter une marque avec une identité aussi forte sans céder aux sirènes du marketing à tout va, au « buzz » et à la viralité des réseaux sociaux. C’est rare…

14h56 : Quasi face au grand stand de Yuketen et de Monitaly, label japonais qui fabrique des chaussures et des vestes aux Etats Unis (de très très belles choses passées et à venir), il y a les gentils allemands de chez Merz B. Schwanen.

Je m’arrête et très gentiment, le bras droit de Peter Plotnicki, fondateur de la marque, m’explique leur histoire et me présente leurs nouvelles pièces dont certaines sont fabriquées avec un coton extra doux. Merz B. Schwanen, pour faire simple, on pourrait dire que c’est des (gentils) fabricants de tee-shirts parfaits (et de hoodies qui vont débarquer la saison prochaine). Tout est fabriqué dans les montagnes allemandes du Jura Souabe. C’est du 100% sourcé, patronné, pensé, cousu avec amour et avec l’amour du travail très (très) bien fait. Les gus de Merz B. ont remonté des vieilles usines qui tissaient des mailles tout à fait particulières qui équipaient les plus solides gaillards teutons de la première moitié du 20ème siècle (slips, chaussettes, tee shirts, henleys, sweats, etc.). La chose se patine extrèmement bien pour en revenir à ça. Du solide qui dure et qui semble intemporel, pas étonnant que Nigel Cabourn ait fait une collaboration avec eux.

15h07 : J’ai le poignet qui picote.

15h08 : Chez Drapeau Noir, les curieux se pressent toujours. Nicolas, sa simplicité, son style et sa gentillesse attirent. Je lui dis de loin que l’on se croisera plus calmement un de ces jours, ce salon ne semble pas non plus enclin à la grosse discussion. Beaucoup d’acheteurs sont dans le secteur, de ceux qui vont commander les collections exposées ici. Difficile de prendre des photos, beaucoup de créateurs ne veulent pas laisser échapper des photos de leurs futures collections. Je décide d’aller voir comment ça se passe dans l’autre rendez-vous streetwear de ce début de fashion week. En route pour le MAN.

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Vendredi AM – 16h31 /  MAN PARIS : Le MAN est quelque chose d’assez différent du Capsule. Pourtant, on parle toujours d’un salon d’exposants de fringues et d’accessoires pour hommes d’un style urbain – streetwear. La différence réside certainement dans sa configuration. Ce contemporary fashion tradeshow se déroulait du côté de République, dans la rue Yves Toudic, tout prêt de la meilleure boulangerie de Paris. L’endroit est plus gai, moins froid que les murs de la Cité de la Mode et du Design. Il prend place sur trois étages, sur des coursives et de la moquette grise, dans une sorte d’ancien atelier-usine, un lieu où l’on ferait bien une grande bamboula… Le lieu en question fait moins « usine à salon » que les docks, mais il s’agit toujours du même style de sape et du même type de public. 

16h32 : Je dis encore une fois que je suis journaliste pour Kiblind magazine à l’accueil. Non, je n’ai pas de carte de visite officielle mais j’avoue que ce serait glop d’en avoir une. Regardez mon poignet, il porte une gourmette en tissu du Capsule show (celle qui gratte fort), j’y étais juste avant en tant que journaliste…16h33 : On m’enfile donc un autre bracelet en tissu qui gratte. Dessus il est écrit MAN. Oui, je suis un homme, même si j’ai les poignets sensibles. Je peux accéder au salon et une des organisatrices me fait un topo sur le MAN, ses enjeux, ses chiffres, ses créateurs. Elle parle en français.

16h33 : On m’enfile donc un autre bracelet en tissu qui gratte. Dessus il est écrit MAN. Oui, je suis un homme, même si j’ai les poignets sensibles. Je peux accéder au salon et une des organisatrices me fait un topo sur le MAN, ses enjeux, ses chiffres, ses créateurs. Elle parle en français.

16h36 : Je circule à travers les stands. Je dois avouer ici que j’ai une préférence pour les marques exposées ici même si j’aimais énormément de choses au Capsule. Au rez de chaussée, je croise les tauliers de chez Bleu de Paname, qui exposent leur nouvelle collection (et qui vont faire des supers casquettes, un peu comme des Ebbets Field Flannels mais en version « Made in France »). On se dit qu’on aimerait bien se voir pour une ITW tantôt. J’aperçois également Alexandre Guarneri, le boss de chez Homecore, la marque française aussi chic que décontractée. Toujours aussi souriant, il présente ces nouvelles pièces sobres et pleines de détails sympas avec une voix basse, chaude, calme.

16h48 : Dans l’autre partie rez de chaussée, il y a toutes ces choses et ces marques magiques. Des sapes que l’on ne voit que trop peu dans les boutiques de l’hexagone : Brown’s Beach Jacket, Nanamica, Porter Yoshida, etc. plein de Japonais qui fabriquent des vêtements et des accessoires dans un respect des matières, des artisans et des processus de fabrication que presque aucune marque occidentale ne peut égaler. À ce moment là, je me dis que j’aime bien les salons de fringues de ce type, ça me permet de calmer mon amour de la sape sans dépenser tout mon salaire dans les chiffons. C’est comme une dégustation : on doit trouver satisfaction dans le fait de voir des collections que l’on ne peut pas acheter mais que l’on se délecte d’observer et de discuter avec ses créateurs qui partagent certainement le même goût que nous, non pas pour la tendance mais pour l’épaisseur pratique et esthétique des matières qui composent leurs collections.

Enfin, je dis ça… Il doit y avoir un bon nombre de créateurs dont l’objectif n’est que de vendre et d’être dans la tendance pour justement vendre des fringues fabriquées dans des ateliers où les conditions de travail sont douteuses… Mais j’ai un côté naïf, je vous rappelle que c’est ma première fois. Je vais voir les lunettes en bois de chez WAIT et soudain, me dis que l’été c’est quand même bien car on peut porter de belles lunettes de ce style.

17h10 : Au premier étage il y a plein de gens bien notamment les gens d’Amsterdam Atelier de l’Armée. Ici, il ne faut pas vraiment faire de photos car on risquerait de dévoiler les pièces des nouvelles collections et ça, encore une fois, ce serait pas cool pour le plan marketing de ces marques… On est un peu dans la confidence et on est content. On discute avec ces gens qui font des sacs géniaux, puis on continue plus loin. sur cet étage il y a de belles choses qui donne à fond dans le « fabriqué en France »: Armor Lux qu’on ne présente plus, Orcival et Vetra, des gens qui font dans la marinière de la marine nationale et dans le bleu de travail puis les cool chaussures Zespà, Aix en Provence. On se préfigure une garde robe qu’on aimerait bien avoir, puis on se dit qu’en fait on l’a déja. Papy portait ces fringues et elles ne sont toujours pas abimées… Faudra voir de lui en taper quelques unes.

17h40 : Je suis fatigué mais au dernier étage je croise une personne que j’apprécie énormément et dont je ferai une ITW le lendemain matin. Il s’agit d’Emil Corsillo, responsable de The Hill-Side, une marque américaine totalement géniale. Il est dans un coin de ce troisième étage, pas loin des chouettes casquettes de fabrication française Larose Paris.

Emil semble fatigué, il est pourtant très souriant et dispo. Il arrive de New York et semble en plein jet-lag. Sur son stand il y a plusieurs tables et des penderies. Sur les tables, on voit les accessoires qui ont fait la réputation de The Hill-Side et qui ne cessent de se diversifier: cravates en tissus rares mais pas snobs, foulards en chambray japonais, en old Virginia modified Herringbone, en tissu guatémaltèque équitable, etc. puis sur les penderies des vestes et des chemises aussi stylées qu’originales. Les tissus, c’est désormais eux qui les dessinent et les développent (en dehors des collaborations qu’ils font avec des marques japonaises notamment Brown’s Beach Jacket). C’est peut-être pour cela que j’aime autant les frères Corsillo et leur marque : ils controlent de A à Z toutes les étapes de fabrication et de distribution de leurs produits. Chaque étape est soumise à leurs exigences. En plus de cela leur style est décontracté, loin d’une idée de tendance à suivre.

Sur la table un chapeau en feutre type fedora, il le prend et me dit de l’essayer: « Lebron James le porte mec ! Tu vas voir, il est super cool ».

17h53 : Du haut de ce troisième étage et de ses coursives, je regarde le rez de chaussée et les exposants du MAN. C’était bien cette première fois mais je pense que ce genre de salon est fatigant à la longue. L’apparence est tout de même primordiale ici. Pourtant, c’est étrange, je n’ai jamais pensé au mot « hipster » lorsque j’étais là. Je pense que le terme n’est plus à la mode…

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