[Interview] Tryphème

Tryphème, une musicienne ici adorée, sortait le 31 janvier son troisième disque Aluminia, chez les Anglais de CPU Records. On lui a posé les quelques questions qui nous trottaient dans la tête.

La musique de Tryphème est un souffle. Elle vient sans annonce et s’infiltre dans les moindres interstices. Une fois installée dans l’esprit, elle y balaie les idées grasses et velues qui s’y encombrent. Un coup de net permis par une sincérité rare dans la musique électronique. Quitte à se livrer, Tryphème y va entièrement. La livraison se paie en émotions pures, sans prouesse virtuose, sans tic de genres.

Si Aluminia est la suite logique de son précédent Thanks god for air emotions, on note des envies d’ailleurs. Alors que l’ambient nappait de sa couleur mélancolique l’album paru chez Da Heard it !, ce nouvel EP entame la remontée à la surface. Arrivée au fond de la piscine, la musicienne rebondit depuis le carrelage. La rythmique réapparait, les couleurs se réchauffent, la danse reprend du service. On note ici des écarts vers le dub (« In a Cyber Spiral »), la drum’n’bass (« Fey ») et on sent même le hip-hop instrumental se faire une petite place dans le morceau d’introduction (« Lava »). Et la lumière du soleil, bien que seulement visible à travers les nuages, va rudement bien à Tryphème.

 

 

Kiblind : Après ton album chez Da heard it !, Thanks god for air emotions et l’EP Women in the royal court réalisé avec OKO DJ et sorti en octobre dernier, voilà ton troisième projet en moins d’un an. T’as pas trop peur de la page blanche on dirait ?

Tryphème : Si, pourtant. Ça me tourmente cette histoire de page blanche, ça peut être tellement volatile l’élan créatif, j’entretiens un rapport assez conflictuel avec. Je vois ça comme un cheval fougueux, qui s’apprivoise ou non.

J’ai peur qu’un jour il n’y ai plus rien qui sorte, alors pour me distraire je réfléchis à quel métier je pourrais exercer si ce jour arrivait… Taxidermiste ? Detective Privée ? Conductrice de Formule 1 ?

 

Kiblind : On reste sur de la musique très intime, très personnelle, qui cherche à toucher directement l’auditeur. Tu ne peux la penser que comme ça, ta musique, comme un lien entre toi et l’auditeur ?

Tryphème : J’évite de trop penser quand je fais de la musique, sinon ça m’éloigne… Je rentre dans une sorte d’état second, où je navigue dans une émotion/situation qui m’a touché, ou alors une œuvre ou une phrase qui m’a interpellée. Et donc je retranscris ça de manière assez brute. Je me demande comment ça se passe pour les autres…

 

 

Kiblind : Il y a une nouvelle fois un gros travail sur la voix. Qu’est-ce que cet instrument te permet ?

Tryphème : Ah le langage ! Qu’est-ce que c’est compliqué… Comment trouver LE mot juste ? Je ne sais jamais quelle carte jouer lorsque je dois parler, je préfère rester silencieuse quand je le peux.

Alors ces voix, qui sont incompréhensibles pour la plupart, souvent à bout de souffle, me permettent de communiquer à ma manière, et de laisser s’échapper tout ce que j’aurais voulu dire et que je n’ai pas dit…

 

Kiblind : J’ai l’impression d’un disque un peu plus percutant, avec plus de rythme et d’allant par rapport à Thanks god for air emotions. Y a-t-il un changement d’état d’esprit entre les deux albums ?

Tryphème : Oui carrément, je le vois comme une sorte d’EP de transition. J’ai découvert des techniques qui me plaisent, je vais continuer à les explorer !

 

Kiblind : Quels sont les machines que tu utilises pour travailler ?

Tryphème : Là en ce moment je n’utilise que mon Virus B et quelques pédales d’effets.

 

Kiblind : Y a-t-il un ou des œuvres qui t’ont accompagnée pendant la création de l’album ?

Tryphème : Des Caresses de Fernand Khnopff

 

Des Caresses, Fernand Khnopff, 1896

 

Kiblind : Est-ce que ton travail avec Marine Torjdemanne (aka OKO DJ) sur Women in the royal court a changé quelque chose dans ta façon de composer ?

Tryphème : L’EP était déjà presque terminé avant notre collaboration, exceptée « In a Cyber Spiral ».Marine avait emmené le Microwave II de son coloc’ pendant une de nos sessions, et le synthé est resté chez moi.

Deux jours après, « In a Cyber Spiral » était née !

 

Kiblind : Penses-tu renouveler ce genre de collaboration (qui, en l’occurence, s’est faite sous l’impulsion de la Red Bull Music Academy) ?

Tryphème : J’aimerais continuer à collaborer avec d’autres artistes, et je suis certaine que les occasions se présenteront en temps et en heure !

 

Kiblind : C’est ton deuxième album avec CPU, comment se passe la relation avec le label anglais ?

Tryphème : Elle se passe très bien, Chris Smith est quelqu’un de passionné, à l’écoute de ses artistes, et il leur fait confiance.

J’avais sélectionné une dizaine de morceaux, et on a choisi les 6 qui forment l’EP ensemble. C’est agréable, je me sens libre !

 

 

Kiblind : On est très attaché aux arts visuels chez Kiblind et on se demandait quel importance pouvait avoir le visuel dans ta démarche artistique ?

Tryphème : Bah pour le moment je n’ai eu à choisir qu’une seule de mes pochettes (celle de Thanks god for air emotions, par Adem-Elahel) et ça a été le coup de foudre, je ne m’en lasse pas et elle représente si bien l’esprit de l’album…

J’ai hâte d’en être à la prochaine. C’est certain, je collaborerai avec des artistes, une belle pochette, ça reste gravé dans le cœur. Mais j’aime aussi la démarche de CPU avec ses pochettes binaires qui nous disent  » hey vient m’écouter, pas la peine de t’attarder dehors « .

 

Kiblind : Quelle est ta pochette de disque préférée et ton clip préféré ?

Tryphème : La pochette de Strawberry Jam d’Animal Collective , elle met mal à l’aise, et je sens le parfum des fraises rien qu’en la regardant ! Et en clip, je pense directement à Mylène Farmer, « Pourvu qu’elles soient douces », c’est un chef d’œuvre….

 

Kiblind : De quoi seront fait tes prochains mois ?

Tryphème : De campagne !

 

 

 

Soundcloud / Aluminia en écoute intégrale

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