Les Gens du Mag : Philip Lindeman

Auprès de son arbre, l’homme ferme les yeux. L’immensité de ce qui l’entoure lui tombe sur le coin du nez, sans qu’on sache bien si ça le touche, l’amuse ou l’effraie. À vous de voir. Mais c’est en tout cas l’acception par Philip Lindeman de la thématique du numéro « Minuscule ». Comme à son habitude, il fracasse ici son dessin malin sur les montagnes philosophiques de la vie. Et ça le fait rire en plus.

Philip Lindeman pour Kiblind « Minuscule »

Philip Lindeman joue sur tous les terrains. Des fresques, des t-shirts, des écharpes ou de simples dessins numériques, peu lui importe pourvu qu’il puisse les nimber de ses hymnes à la joie et à l’imaginaire. Dans sa besace, on trouvera l’influences des décennies d’art psychédéliques qui permettent à chacun des thèmes approchés, lourd ou léger, de se vêtir de couleurs affriolantes et de sorties de secours vers d’autres mondes plus sensibles.

Dans ses compositions foisonnantes, les éléments se complètent, se parlent et semblent se raconter de bonnes blagues. Mais la science graphique et le dessin de peu de traits du Hollandais permettent à chacune de ses réalisations de retomber sur ses pattes, rendant accessible ses œuvres dans lesquelles il ne restent plus qu’à plonger. Pour y voir quoi ? Le bon côté des choses, tout simplement.

Philip Lindeman pour The New Yorker

Pour notre numéro « Minuscule », votre dessin confrontait notre petitesse à l’immensité de l’univers. Quand vous dessinez, c’est vraiment à ça que vous pensez ?

Heureusement, non ! Les sujets de mes travaux ne sont pas tout le temps aussi profonds – ils varient beaucoup. Et même si mon travail a souvent plusieurs niveaux de lecture, j’aime m’attaquer à ce genre de gros sujets d’une façon lumineuse et ludique. Pour ce numéro « Minuscule », ça m’intéressait de retranscrire la façon dont peut se sentir si petit sur notre terre. C’est un sentiment que j’ai personnellement expérimenté à plusieurs niveaux : de façon intimidante, romantique, ou difficile à appréhender. Ayant eu cette idée, j’ai voulu donner la possibilité d’une interprétation libre, sans essayer de faire de grands discours.

Philip Lindeman pour De Volkstrandt

Votre travail est plein de références artistiques mais aussi d’inspirations venues de la vie quotidienne. Comment articulez-vous ce mélange d’influences psychédéliques passées avec celles issues du monde actuel ?

J’aime combiner les scènes de la vie de tous les jours avec des personnages et des environnements imaginaires. En tressant tout ça ensemble et en les connectant, je finis par donner vie à des compositions inattendues qui me surprennent moi-même. Ce qui mène à des situations à la fois surréalistes, oniriques, drôles et parfois même un peu étranges. Ça crée une réalité fictive : un monde aussi familier que décalé.

Philip Lindeman pour The Wall Street Journal Magazine

Pourquoi les couleurs sont-elles aussi importantes dans votre travail et comment les choisissez-vous ?

Le plus souvent, les sujets sur lesquels je travaille guident le choix de mes couleurs. Parfois, je trouve les bons tons immédiatement, mais souvent je les ajuste jusqu’à la fin. Les couleurs posent l’atmosphère d’une œuvre, mais jouent aussi un grand rôle dans sa lisibilité et dans les contrastes. Je continue à faire des changements jusqu’à ce que tout soit équilibré, séduisant et que tous les éléments puissent briller. J’essaie d’avoir une palette aussi réduite que possible, surtout dans les scènes un peu complexes. C’est souvent un mix de couleurs discrètes avec quelques pics de couleurs vives.

Philip Lindeman – Jukebox Cowboy

Même pour les sujets les plus tristes, vous ne pouvez vous empêcher d’inclure de l’humour et de la joie dans vos dessins. Pourquoi toujours opter pour le bon côté des choses dans votre travail ?

Je pense que ça reflète ma personnalité. Je suis quelqu’un de positif et généralement optimiste. Ce n’est pas que j’évite les sujets pesants, mais je préfère les aborder d’une façon qui les rend plus ouverts et lumineux. Je ne m’en moque pas, mais je veux les rendre accessibles et touchants.

Votre travail se retrouve sur plusieurs types de médiums : des vêtements, des murs et le papier bien sûr. Est-ce que ces différentes applications s’influencent entre elles ?

Absolument ! Utiliser différents médiums nourrit et renforce mon travail en général. Mes travaux de commandes sont principalement numériques – j’utilise ProCreate et PhotoShop pour l’efficacité et le contrôle qu’ils me permettent – mais tout vient d’un même univers visuel que je continue d’explorer. Chaque projet est la pièce d’un puzzle qui s’insère dans une image plus vaste.

J’aime aussi explorer des manières plus concrètes de travailler, ça apporte de la texture et de la spontanéité dans mon procès. Les fresques murales, par exemple, m’offrent une manière plus palpable, et publique, de faire mon travail. Utiliser des techniques en trois dimensions et découper mon travail en plusieurs petites étapes rend les choses plus réelles, plus tangibles, surtout pour moi. Voir mon dessin retranscrit sur différents matériaux – écharpes, t-shirts, packagings, etc. – lui donne aussi une nouvelle signification. Toutes ces formes d’expression se réunissent pour créer quelque chose de cohérent, dans laquelle chaque forme renforce l’autre, lui offre de nouvelles perspectives et tout cela fait évoluer mon travail dans son ensemble. Cette pluralité m’aide à garder l’inspiration et e permet d’avoir l’énergie pour continuer d’étendre mon univers.

Philip Lindeman – Preludium

Pouvez-vous nous parler de trois projets qui vous tiennent à cœur ?

L’été dernier, j’ai peint une fresque géante à Utrecht : 50 mètres de large ! C’est dans un espace public, tout le monde peut la voir et ça représente une scène qui symbolise l’esprit du quartier. Ça représente l’hospitalité, l’ouverture, la liberté, le vivre-ensemble et pardessus tout : la bonne ambiance. Les projets comme ça me permettent d’avoir les retours immédiat de la communauté et cela signifie beaucoup pour moi.

Philip Lindeman pour Moog

Un autre projet, qui date un peu maintenant, concernait la marque de synthétiseurs Moog. J’ai créé des illustrations pour leurs instruments et leurs packagings, posters, goodies, etc. C’était un gros projet pour lequel j’ai dû développer un discours visuel fort sur plusieurs formats. Tout un univers a émergé autour de leurs produits – plein de fantaisie et d’humour – et j’ai pu avoir une liberté totale. C’était un match parfait entre leurs thématiques, leur marque et ma patte. Voir mon style graphique appliqué comme ça et savoir qu’il serait vu par un très grand public, était vraiment une expérience enrichissante.

Philip Lindeman – Fresque à Utrecht (extrait)
Philip Lindeman – Fresque à Utrecht (extrait)

Un troisième projet qui mérite d’être mentionné – surtout sur Kiblind.com -, c’est ma venue à votre Illustration Festival en 2024. J’ai pu participer à l’exposition live et peindre sur la grande toile en forme de cube pendant l’évènement. Au-delà de ce que j’ai fait, je suis surtout fier et reconnaissant que mon travail d’illustrateur me permette d’aller dans de nouveaux endroits. Ça me donne la chance de pouvoir me lier avec des gens qui pensent comme moi et qui la même passion. Pendant ce voyage à Lyon, j’ai rencontré tellement de personnes talentueuses, accueillantes et sympas. Ce genre d’expérience est vraiment précieux <3

Philip Lindeman – Intervention pour le festival IF

Kiblind Minuscule

Philip Lindeman

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