Les Gens du Mag : Jose Berrio

Il est fort ce Jose. On s’en doutait quand on lui a demandé de dessiner le morceau « Charq » de Hassan K pour notre numéro « Cover » et la mixtape illustrée qui l’accompagne. Mais après l’interview qui suit, on en est sûrs.

Lorsque l’on voit une de ses illustrations apparaitre dans notre feed instagram, un millième de seconde suffit pour l’affirmer : «ça, c’est du Jose Berrio». Des formes libres, des textures granuleuses, des couleurs vives et un travail minutieux sur les typographies. Voilà les éléments qui font de l’univers visuel de Jose Berrio un refuge si singulier. Sensible, l’illustrateur new-yorkais se fie au maximum à ses émotions quand il créer, et ça se ressent. Tombé en amour avec Photoshop, il n’hésite pas non plus à utiliser les outils que le monde moderne lui met entre les mains pour que son art gagne en profondeur.

Pour notre numéro « Cover », nous avons demandé à Jose Berrio de faire ce qu’il sait faire de mieux : fermer les yeux, et laisser sa main construire un tableau sublime, à la simple écoute du morceau instrumental « Charq » de Hassan K. Découvrez juste ici le résultat de cette collaboration exquise, ainsi qu’une interview d’un de nos illustrateurs chouchou du moment.

Illustration de Jose Berrio pour Kiblind « Cover »

Bonjour Jose ! Pour notre numéro « Cover », nous t’avons demandé un exercice spécial : illustrer la chanson « Charq » de Hassan K. Comme le morceau est entièrement instrumental, qu’est-ce que la musique t’a inspiré ?

Bonjour ! Merci pour l’invitation. Illustrer cette chanson était en fait un exercice assez amusant et libérateur pour moi. Pour vous donner un peu de contexte, la plupart des travaux que j’ai fait pour la musique dans le passé était axé sur ce concept. Même si j’essaie de transmettre ce que la musique me fait ressentir, le processus tend parfois à devenir un peu rationnel, car il s’agit de trouver la bonne idée et de l’illustrer de la meilleure façon possible. Dans le cas de « Charq », cependant, j’ai vu l’occasion parfaite de faire quelque chose de plus libre, guidé par l’émotion et le son de la chanson plutôt que par une image ou un concept spécifique. C’est quelque chose que j’essaie de faire plus souvent dans mon travail personnel, donc c’était génial d’avoir la chance de le faire pour ce projet. C’est sans doute quelque chose que je vais continuer à faire pour de futures commandes.

Peux-tu nous parler de l’illustration que tu as réalisé ?

L’inspiration principale de l’illustration était la structure progressive de la chanson. Comme elle comporte différentes sections où le rythme et les atmosphères changent radicalement, je voulais faire quelque chose qui soit à la fois explosif et organique. Donc, j’ai écouté la chanson en boucle plusieurs fois et j’ai commencé à dessiner des lignes et des formes sans trop penser au résultat. Une fois que j’ai eu une composition dont j’étais satisfait, j’ai transféré le dessin sur mon iPad où je l’ai ré-illustré en utilisant différents pinceaux et en ajoutant de la couleur. À ce stade du processus, l’image commençait à être forte, mais elle semblait encore trop propre et statique. Je l’ai donc transféré dans Photoshop, ou j’ai continué à jouer avec les couleurs et la composition. Le résultat final était essentiellement un collage de l’illustration que j’avais initialement sur mon IPad, ce qui, je pense, a fini par lui donner le résultat et la forme que je voulais.

Nous parlons principalement de pochettes dans notre dernier magazine. Quel est ta pochette préférée de tous les temps ?

C’est difficile à dire sans donner de réponses évidentes. Beaucoup de pochettes sont mes préférées, mais si il faut n’en choisir qu’une, je dirais Revolver des Beatles réalisée par Klaus Voormann. J’adore l’énergie que dégage cette œuvre et la façon dont elle reflète la transformation que le groupe vivait à l’époque, tant sur le plan sonore qu’artistique. Je suis également obsédé par les croquis, et le croquis original de cette pochette est incroyable.

Pochette de l’album Revolver des Beatles

Tu as réalisé de nombreuses affiches de concerts, notamment pour le groupe Khruangbin. Qu’est-ce qui te plaît le plus dans cet exercice ?

Travailler avec Khruangbin a été une grande expérience, on peut voir qu’ils se soucient vraiment de l’aspect visuel du groupe. Et de manière générale, faire des affiches et des illustrations pour des groupes a toujours été très excitant pour moi. Ces dernières années, j’ai réalisé qu’au fond de moi, j’ai toujours voulu être musicien, mais que je n’ai pas eu le courage de me lancer lorsque j’ai obtenu mon diplôme de fin d’études secondaires, alors j’ai en quelque sorte trouvé le moyen d’être proche de la musique grâce au design et à l’illustration. Il est intéressant de noter que plus je faisais ce type de travail, plus je me sentais en confiance pour faire de la musique. Aujourd’hui, je joue de la batterie dans plusieurs groupes, et je le dois en partie à mon travail de graphiste. L’ironie de la chose, c’est qu’étant donné que je n’ai jamais été correctement « formé » à la musique, c’est quelque chose que je peux faire plus librement sans trop rationaliser le processus, ce qui a eu un impact très positif sur mon travail d’artiste visuel. Je pense que lorsqu’il s’agit d’art et d’expression, nous ne faisons que développer des langages et des moyens de nous sentir plus libres et connectés à ce que nous sommes, quel que soit le support.

Disco Tehran
Crumb at Boulder
Emile Mosseri
GUSTAF

Tu joues beaucoup avec les textures et la typographie dans ton travail numérique. Peux-tu nous parler des différentes étapes qui t’ont amené à ce style d’illustrations ?

Je pense que les textures ont beaucoup à voir avec le fait que, pendant longtemps, je me suis senti nul pour faire des choses avec mes mains. J’ai grandi avec ce complexe d’être mauvais en dessin et en peinture, alors dès que j’ai découvert Photoshop, je suis devenu obsédé (inconsciemment) par l’idée de donner aux choses un aspect plus « humain » et granuleux. Aujourd’hui, je me sens plus à l’aise avec le processus analogique, ce qui a été bénéfique pour mon travail en général. Et la typographie est quelque chose que j’ai commencé à aimer plus tard dans ma carrière. Lorsque j’ai déménagé à New York en 2015, j’ai suivi un petit cours de typographie à la SVA avec Kevin Brainard, qui a été crucial pour mon développement. Ce cours m’a aidé à comprendre la typographie différemment.

Pochette de Liminal Spaces par zzzahara
Illustration inspirée de la série Euphoria pour W Mag

Quelles sont les choses qui t’inspires le plus dans ta vie quotidienne ?

Marcher dans la rue en faisant attention aux détails qui passent habituellement inaperçus, se retrouver entre amis autour d’un bon repas, d’un bon concert, mais aussi les fleurs et la nature en général.

Brooklyn Magazine

Peux-tu nous parler de 3 projets qui ont été particulièrement importants pour toi jusqu’à présent ?

La première affiche que j’ai faite pour Khruangbin était pour un concert de la Saint-Sylvestre qu’ils donnaient à Houston, leur ville natale. J’ai envoyé 3 croquis différents qui partageaient quelques éléments communs. À ma grande surprise, ils les ont tous suffisamment appréciés pour me demander de les réaliser en série. C’est la première fois qu’une telle chose m’arrivait ! Et je suis très heureux que la première fois ait été avec ce contrat.

Série pour Khruangbin

Une illustration que j’ai faite pour le New York Times il y a quelques mois pour un article sur la tendance croissante des gens qui utilisent des rituels sur les médias sociaux afin de trouver des partenaires amoureux. Depuis que j’ai emménagé dans cette ville, j’ai toujours eu pour objectif de réaliser une illustration pour eux et pour le New Yorker. Avoir la chance de faire celle-ci a été comme une confirmation de plusieurs années de dur labeur. J’ai toujours envie d’en faire une pour le New Yorker, mais j’espère que cela arrivera un jour ! (Si c’est la couverture, c’est encore mieux).

Manifesting Love

La pochette de l’album Atlántico de Tall Juan est également très spéciale pour moi car elle est le fruit d’une étroite collaboration avec lui. Nous nous sommes rencontrés à New York il y a quelques années et j’ai joué dans son groupe pendant un certain temps. Depuis ce moment-là, je lui ai toujours dit que j’aimerais faire quelque chose de graphique pour le projet, alors quand il a commencé à travailler sur son deuxième LP, il m’a appelé. Une fois que nous nous sommes mis d’accord sur la voie à suivre, nous avons commencé à organiser des sessions où nous nous retrouvions pour découper des formes dans du papier coloré et boire du vin. Le projet a été mis en attente pendant un certain temps, mais lorsque la pandémie a frappé, il a décidé de sortir l’album. J’ai donc pris une semaine environ pendant les premiers mois du confinement pour transformer toutes les formes que nous avions découpées en différents collages, qui ont été utilisés pour la pochette et la promotion de l’album. C’était une expérience formidable de travailler en étroite collaboration avec lui, car cela a permis d’amener le processus à un endroit où je ne serais pas arrivé seule autrement.

Tall Juan
Mixtape illustrée Kiblind – Disponible en exclusivité dans
notre atelier lyonnais et dans notre boutique au 104 à Paris

KIBLIND COVER // JOSE BERRIO

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